Attendu pour une tournée dans trois pays du Maghreb : l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie début mars, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a été contraint de modifier son agenda en annulant son voyage à Rabat et du coup le déplacement historique qu'il avait envisagé d'effectuer à El Ayoun, capitale du Sahara occidental occupé par le Maroc. Depuis l'annonce du périple du secrétaire général de l'Onu dans la région et particulièrement son désir de se rendre dans les territoires sahraouis occupés suscitant embarras et panique à Rabat, le palais royal est à la recherche d'un prétexte pour se sortir de ce mauvais pas dans lequel s'est retrouvée la diplomatie marocaine. Après avoir été débouté par la Cour européenne de justice — qui a reconnu le caractère illégal de l'accord sur les échanges des produits agricoles et de la pêche signé entre le Maroc et l'UE incluant le Sahara occidental occupé —, le régime marocain commence à douter sérieusement des capacités et de la volonté de ses alliés de continuer à le soutenir jusqu'à la fin des temps dans son aventure annexionniste. Le monde a changé depuis la «marche verte» qui avait vu l'annexion par le Maroc des territoires sahraouis. Et les rêves expansionnistes bâtis sur le modèle des «empires coloniaux» sont aujourd'hui révolus pour que le Maroc puisse nourrir quelque illusion qu'il peut duper son monde indéfiniment même au prix d'un pitoyable chantage, comme il vient de le faire en menaçant de geler l'accord d'association avec l'UE tout en sachant pertinemment, par ailleurs, qu'il n'a pas les moyens de sa politique pour franchir ce pas. Le roi Mohammed VI vient de prendre conscience avec l'avis de la Cour européenne de justice que le soutien politique des gouvernements européens appuyant la thèse de la marocanité du Sahara occidental n'est ni éternel ni soluble dans les institutions démocratiques de ces Etats. Après le sévère camouflet infligé par la Cour européenne de justice qui vient de reconnaître explicitement l'occupation du Sahara occidental par le royaume du Maroc, le roi Mohammed VI ne voudrait pas courir le risque de recevoir le secrétaire général de l'Onu dont il a compris au travers de son agenda qu'il ne vient pas en ami et en courtisan. La visite prévue à El Ayoun occupée a certainement beaucoup pesé dans la décision du monarque de faire en sorte que la visite de Ban Ki-moon au Maroc soit annulée. N'ayant pas pu obtenir le report de la visite du secrétaire général dans la région qu'il aurait souhaité voir programmée après la présentation du rapport de son envoyé spécial, Christopher Ross, devant le Conseil de sécurité prévu en avril prochain, le souverain marocain n'avait d'autre choix que de s'inventer un alibi — son absence supposée du Maroc — pour faire faux bond au secrétaire général de l'ONU. Ban Ki-moon a certainement apprécié ce geste pour le moins diplomatiquement indélicat et inélégant du palais royal. Un geste qui renseigne sur l'arrogance du régime marocain et le mépris qu'il voue aux instances internationales et à son secrétaire général. Mais qui traduit aussi, dans le même temps, la crainte des autorités marocaines que cette visite non souhaitée par Rabat ne prenne des allures de commission d'enquête sur l'occupation et les violations des droits de l'homme au Sahara occidental.