Le centre de la répression policière est sorti du canton algérois pour s'étendre peu à peu à l'ensemble des wilayas du pays. C'est en tout cas cette lecture qui se dégage après l'arrestation, avant-hier après-midi au chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, de quatre membres d'associations engagées pacifiquement contre l'augmentation du prix du ticket de bus urbain, passé de 15 à 20 DA, et l'anarchie qui gangrène le secteur. L'arrestation, décrite comme «brutale» a eu lieu, mardi après-midi, devant le siège de la wilaya de Béjaïa. Des membres d'une dizaine d'associations, dont l'Association pour la défense et l'information du consommateur (ADIC), et une foule de citoyens étaient en rassemblement, lorsque, subitement, des dizaines de policiers antiémeute ont surgi de l'intérieur de l'enceinte de wilaya et ont dispersé la foule, avant de procéder à l'arrestation de quatre protestataires. L'un d'eux, Yanis Adjlia, président de l'association Adic qui a initié le mouvement, témoigne : «Nous venions de sortir du bureau du secrétaire général de la wilaya et avions décidé de rejoindre le rassemblement après que celui-ci nous ait signifié que nous ne pouvions pas rencontrer le wali pour lui exposer nos revendications. C'est à ce moment-là que des dizaines de policiers antiémeute se sont abattus sur nous et m'ont arrêté avec trois de mes camarades. L'un d'eux a pris un coup de matraque au niveau des côtes. Un fois au commissariat, j'ai demandé à attendre mon avocat, ce que les policiers m'ont refusé. C'est alors que ces derniers nous ont séparés et forcés à signer des PV, sous un déluge d'injures.» Aussitôt informées, les sections de Béjaïa du FFS, du RCD et de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH) ont fait vite de condamner cette répression. Dans un communiqué de presse, le FFS, qui apporte son soutien au mouvement de la population de Béjaïa, condamne une arrestation «arbitraire», dénotant l'envie de «musellement des mouvements associatifs aux dépens des valeurs démocratiques, de la liberté d'expression en faisant fi des lois de la République». De son côté, dans un communiqué, le RCD qui dit «avoir eu à participer à des actions pour la défense des consommateurs», condamne «énergiquement cette répression», dénonçant «une atteinte aux libertés démocratiques», tout en apportant son soutien «indéfectible» au mouvement. La LADDH, à travers le responsable du CDDH de Béjaïa, a exprimé sa «solidarité avec les membres de l'association Adic» et appelle les autorités publiques «à cesser toute intimidation à l'encontre de citoyens qui s'expriment pacifiquement à travers un rassemblement pour dénoncer l'augmentation des prix du transport». A ces condamnations, il faut ajouter des centaines de messages de solidarité fusant à travers les réseaux sociaux. Malgré les intimidations, le président de l'Adic a décidé d'aller plus loin dans son combat, espérant rallier la population au mouvement de protestation. Hier, enveloppé dans un carton sur lequel on pouvait lire «Je boycotte le transport, l'augmentation c'est du vol», il a entamé une campagne de sensibilisation en sillonnant les rues de la ville de Béjaïa.