Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'y a pas une seule conserverie de poissons dans tout l'Est algérien, depuis que sont tombées en ruine celles héritées de la colonisation. Les causes de cette absence sont multiples, mais s'il ne fait aucun doute qu'à terme un tel investissement est rentable, il est aussi à haut risque si la matière première reste subordonnée aux milieux interlopes qui ont prise sur le secteur. Un promoteur de Aïn El Assel a pris ce risque, avec des garanties formelles de l'Association des patrons de pêche d'El Kala. Mais, nous dit-il hors de lui, ce n'est pas de là que vient le coup de poignard dans le dos. A Aïn El Assel, de la route nationale, on ne peut ne pas voir le grand hangar entouré d'une clôture, à côté de la station-service et du centre de contrôle technique du même propriétaire. Une construction élevée pour abriter une conserverie de sardines et de thon, d'une capacité journalière de 15t, qui emploiera 75 personnes à plein temps et autant de temporaires en haute saison. Un projet d'un montant global de 135 millions de dinars, financé théoriquement sur fonds propres à hauteur de 10%, 40% au titre d'aide de l'Etat et 50 % sous forme de prêt bancaire. Combine et lenteurs administratives Le projet est achevé à 95 %, selon une expertise récente (sept. 2006) de la direction des pêches de la wilaya et financé à 40% uniquement sur fonds propres, nous dit le promoteur qui a vendu des biens familiaux et hypothéqué ceux de ses autres activités. Il reste à installer les équipements dont les commandes ont été passées auprès des fournisseurs étrangers. La première pierre a été déposée en grande pompe par l'actuel ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques en mai 2003. Récemment encore, en mai 2006, une délégation du même département conduite par son secrétaire général félicite le promoteur et l'encourage à poursuivre. C'est en 1997 que notre interlocuteur, séduit par le discours stimulant des pouvoirs publics et l'aide promise, s'investit dans la réalisation de la conserverie. En 2002, dans le cadre du Calpi, il obtient pour 20 ans la concession d'un terrain de 9000 m2 et d'un montant de 4 millions de dinars. Il lance son projet sans attendre mais, en juillet 2005, alors que ce dernier a pris forme, il reçoit une convocation pour se rendre, le 25 septembre, devant la chambre administrative du tribunal de Constantine où il apprend, à son grand étonnement, qu'il y a une plainte contre lui des services des domaines de la wilaya qui l'accusent d'être « un investisseur fantôme », autrement dit qu'il n'existe pas. L'accusé, qui est intrigué par le rôle flou de cette administration qui n'a pas à se prononcer sur sa qualité d'opérateur économique, produit alors l'arrêté délivré par les domaines pour la concession du terrain et une expertise des mêmes services qui attestent qu'il en est à 50% de réalisation. Les domaines sont déboutés mais ils persistent et portent l'affaire devant le Conseil d'Etat. Pour notre promoteur, il ne fait plus de doute qu'il se trame encore une combine comme celles qu'El Tarf s'en est fait la championne nationale. Cette affaire est à mettre en relation avec la situation dans laquelle se débat le secteur de la pêche. Il n'y a eu, à ce jour, aucun crédit alloué à El Tarf dans le cadre du plan de relance qui prévoyait 900 millions de dinars pour cette wilaya. Ce financement a fini par être ventilé vers d'autres wilayas à cause de lenteurs administratives, en 2004, et dont la responsabilité est attribuée à l'administration locale qui a bloqué 89 dossiers d'investissement. « Lors de sa visite, en mai 2006, le SG du MPRH, qui a reconnu cette défaillance, a pris à son tour des engagements, mais ils n'ont toujours pas vu le jour. Ailleurs, les projets sont réalisés à 100% », nous a déclaré le représentant de l'Association des patrons pêcheurs.