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“Le pouvoir ne gère que le pouvoir”
Sid-Ahmed Ghozali à Liberté
Publié dans Liberté le 09 - 12 - 2004

Dans cet entretien, l'ancien Chef du gouvernement revient sur la présidentielle du 8 avril dernier et sur les grandes questions de l'heure dont la privatisation.
Liberté : Les privatisations sont à l'ordre du jour, mais on ne comprend toujours pas quelle est au juste la démarche du gouvernement. On ne sait pas où cela va. Quelle est votre opinion à ce propos ?
Sid-Ahmed Ghozali : Vous ne le savez pas parce que tout simplement le gouvernement lui-même ne le sait pas. C'est malheureusement une réalité : il n'y a pas dans notre pays un gouvernement avec une vision économique précise. C'est aussi simple que cela. Le terme même de privatisation a été dévoyé. Car le but de cette privation au départ était de transformer une économie bureaucratique étatique en une économie de marché libérale. En ce sens qu'il s'agit d'une privatisation de l'économie au sens large. Mais cette privatisation a été réduite de façon scandaleuse à la privatisation des entreprises publiques uniquement. La privatisation veut dire arriver à ce que l'essentiel de l'économie nationale soit pris en charge par l'entreprise et l'initiative privée. Et c'est la seule voie pour arriver à attirer un maximum de potentialités nationales. Aussi la fonction principale de l'Etat doit-elle être celle de régulateur dans tous les domaines. Et c'est dans le cadre de ces lois que se trouvent les limites de la liberté d'entreprise. Il faut à ce propos savoir qu'une économie de marché ne peut exister si elle ne repose pas sur une liberté d'entreprise. Le fond du problème donc réside dans cette absence de volonté politique réelle qui bloque tout le reste. Et même la privatisation de ces entreprises dont on parle n'a pas été faite. Je vais vous donner un exemple qui illustre parfaitement la démarche du gouvernement. Je prends le cadre du tourisme. La logique veut que si réellement on voulait privatiser le secteur du tourisme, la démarche consisterait à initier des lois et règlements qui encouragent les Algériens à investir dans ce secteur. Pour cela, il faut se fixer un but politique, lequel devrait être consigné dans un programme expliquant ce que l'on veut faire dans le secteur du tourisme.
Vous pensez donc que c'est une vision incohérente ?
Je vous donne un autre exemple concernant l'économie de marché qui vous permettra de mieux comprendre cette situation.
Abdelhamid Temmar, lorsqu'il était ministre chargé des Participations de l'Etat, avait dit en décembre 2000 quelque chose qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Il a en effet déclaré que “dans six mois l'Algérie va basculer dans l'économie de marché”. L'expression en elle-même illustre une méconnaissance du dossier. Car on ne bascule pas vers une économie de marché en six mois. Le passage à l'économie de marché est un long processus. Et moi, je peux vous dire que même quatre ans après cette déclaration nous ne sommes pas encore dans une économie de marché. Cela pour de multiples raisons : d'abord parce qu'il n'y a pas de volonté politique pour le faire et ensuite pensez-vous qu'on puisse aller à une économie de marché quand on n'a pas de banques ? Je peux vous dire à ce sujet que nous avons des structures bureaucratiques que nous avons héritées de l'économie socialiste, mais qui ne sont pas des banques. Et nous ne pouvons pas avoir de banques tant qu'il n'y a pas de banques privées. Essayez de payer quelque chose avec un chèque, vous ne pouvez pas le faire ! Les banques elles-mêmes n'acceptent pas le chèque. Comment une économie de marché pourra-t-elle se développer uniquement sur la base des échanges en espèces comme du temps du troc d'il y a 14 siècles ? Et le chèque est déjà dépassé dans les pays développés ! Il a été remplacé par la carte de crédit.
Vous dites que ce qui bloque les privatisations et de façon générale les réformes économiques, c'est en réalité l'absence de volonté politique pour ce faire. À votre avis, pourquoi n'y a-t-il pas justement cette volonté politique ?
ll y a un problème de fond à ce sujet. C'est que dans votre préoccupation, vous partez d'un postulat naturel mais qui est faux, à savoir que normalement un pouvoir politique doit s'occuper des problèmes du pays. Et à partir de là vous vous dites pourquoi le pouvoir ne se lance pas dans les privatisations ? Pourquoi ne règle-t-il pas le problème du chômage, de la bureaucratie, de la justice, de la pauvreté ? Et bien c'est là où réside le problème algérien : il y a longtemps que le pouvoir politique a perdu sa raison d'être et s'est détourné de sa mission originelle qui est celle de s'occuper des problèmes du pays. Chez nous, le pouvoir politique est là uniquement pour gérer le pouvoir, c'est pour cela qu'il ne s'occupe pas des problèmes du pays.
Qu'est-ce que gérer le pouvoir pour vous ?
C'est être au pouvoir et se perpétuer au pouvoir. Et être au pouvoir, c'est devenu une obsession pour ceux qui le détiennent. Nous sommes en face d'un régime qui n'a pas confiance en le peuple. Même les gens sincères dans ce régime sont convaincus que pour sauver le pays, il faut le faire avec eux seulement.
C'est pour cela qu'à chaque échéance présidentielle, ils font tout pour se maintenir au pouvoir et pour que leur pouvoir perdure. Et une fois l'échéance passée, ils préparent tout de suite la suivante sans toutefois se soucier des préoccupations des citoyens.
Donc les détenteurs de la décision politique ne pensent qu'à assurer la pérennité du pouvoir ?
C'est ce que j'appelle le pouvoir pour le pouvoir. Ils sont là, pour certains d'entre eux, pour maintenir des privilèges et, pour d'autres, par conviction. Mais ce qui est tragique, c'est qu'ils sont en même temps totalement incompétents.
Le ministre de l'Energie projette de remettre au goût du jour l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures. Le pays a-t-il besoin d'un tel projet de loi ?
Cet avant-projet de loi a été trois fois programmé en Conseil de gouvernement et a été à chaque fois retiré. Déjà là vous avez une réponse : il ne s'agit pas d'une loi qui repose sur un objectif stratégique de production. La démarche n'est pas non plus fondée sur une conviction de changer les lois dans le secteur. Parce que si tel était le cas, le projet de loi n'aurait jamais été retiré par trois fois. De plus, l'initiateur du projet de loi n'a pas présenté son texte en l'expliquant sous cet angle. Bien au contraire, il a adopté à son égard une démarche politicienne : en effet, dès qu'il y a un tollé, le projet est retiré. Et son retrait est tactique, puisqu'une année après, il est encore une fois remis au goût du jour. Mais quand la personne est convaincue de son projet, elle vient avec l'esprit que “ça passe où ça casse”. Mais fondamentalement, la démarche de Chakib Khelil est politicienne et exprime une intention cachée de privatiser Sonatrach. Cela dit, du point de vue du fond, il ne faut pas qu'on nous invoque l'argument de la production pétrolière. Chakib Khelil cite aussi à ce propos et de façon malhonnête, intellectuellement parlant, les Etats-Unis. Il dit à ce sujet qu'ils n'ont pas de société nationale. La nation américaine compte des centaines de sociétés américaines pétrolières privées mais nationales. Nous avons besoin d'une société nationale d'Etat qui est la seule façon pour nous d'être des partenaires sérieux. Par conséquent, il n'y a absolument aucune cause défendable derrière la privatisation de Sonatrach.
Quelle est l'arrière-pensée politicienne dont vous parlez ?
L'arrière-pensée est en réalité de plaire aux Américains et à l'Administration Bush. Mais les Américains ce n'est pas ce qui les intéresse. Il y a aussi dans cette démarche, une revanche à prendre sur tout ce qui a été fait par Boumediene. Mais cela nous pouvons le mettre sur le compte des problèmes psychopathologiques de l'homme.
Et pour l'accord d'association avec l'Union européenne...
C'est exactement la même chose. Ce qui compte, c'est l'effet d'annonce, c'est-à-dire créer un climat pour dire qu'on est allé à Bruxelles et on a amélioré l'image de l'Algérie à l'étranger.
Vous voulez dire, que l'initiative de signer un accord d'association avec l'UE, qui traduirait une avancée dans la marche des réformes, n'en est rien ?
Evidemment qu'il n'en est rien ! Sinon où sont les réformes ?
Nous avons bâclé la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne uniquement pour l'effet d'annonce. Je tiens à préciser à ce propos que le problème ne réside pas dans le fait de savoir s'il faut être partenaire ou non avec l'Union européenne. La réponse est pour moi, oui, il faut être partenaire avec l'UE. Mais tout accord est le résultat d'une négociation. Autrement dit, il faut mettre de son côté les meilleures conditions qui soient pour négocier au mieux l'accord. Et pour cela, il faut prendre le temps nécessaire pour mettre à niveau nos entreprises sinon la signature de l'accord d'association avant cette procédure reviendrait à tuer nos entreprises dans l'œuf. Nous avons donc un avantage considérable qui est celui de prendre le temps de négocier, mais nous avons précipité l'accord et nous l'avons signé dans de mauvaises conditions. Cela étant, je peux vous dire qu'il arrivera un jour quand il y aura un pouvoir sérieux où nous renégocieront à nouveau l'accord d'association avec l'UE.
Il existe une incohérence et une division au sein de l'actuelle équipe gouvernementale par rapport aux questions économiques et politiques. Ces incohérences sont-elles dues à deux façons différentes de voir les choses ?
Il y a une absence totale de vision économique qui elle-même est due à une absence totale de volonté politique de prendre en main les problèmes de la nation. Aussi les divisions au sein de l'équipe gouvernementale traduisent l'absence de cette vision économique et politique. Les membres du gouvernement sont différents, la seule chose qui les unis est qu'ils ont été désignés en même temps dans la même équipe gouvernementale. Mais sans pour autant avoir de projet politique et économique précis et commun à défendre. C'est pour cela que chacun est livré à lui-même. Il ne faut pas imputé ces incohérences aux ministres eux-mêmes qui peuvent être compétents.
L'alliance présidentielle formée autour du FLN, du MSP et du RND diverge sur le projet du gouvernement qu'elle est censée soutenir. Qu'en pensez-vous ?
Vous utilisez le terme d'alliance, le terme de projet, exactement comme si vous vous trouviez en démocratie … En outre, les termes de cette alliance basée sur un programme et une vision politique ont été consignés noir sur blanc… C'est cela une véritable alliance au sens politique du terme. Et à partir de leur vision politique commune, ils se répartissent les portefeuilles. Mais ici chez nous, quand vous utilisez le terme d'alliance, il faut le faire au sens algérien du terme. Le RND, le FLN et le MSP n'ont pas constitué une alliance autour d'un programme ou d'une vision politique. Cette alliance s'est faite de façon improvisée pour le partage du pouvoir. Mais c'est surtout une alliance cinéma.
C'est le président Bouteflika ?
Absolument pas. Lui-même est seulement un figurant.
Lors du congrès de l'ONM, le chef de l'Etat avait dit qu'après la stabilisation du pays, il procéderait à la révision du paysage politique. Que signifie une révision du champ politique et pensez-vous que Bouteflika puisse parvenir à le faire?
C'est quoi cette histoire de stabilisation ? Mais je croyais que c'était déjà stabilisé ! Puisque, il a crié sur tous les toits depuis la concorde civile qu'il a ramené la paix et la stabilité ! Comment continue-t-il à dire qu'il va ramener la stabilité ? Et qu'est-ce que ça peut vouloir dire une révision de la classe politique après la stabilisation ?
Tout cela ce sont des paroles et des arguments qu'on invente et qui signifient en fait que nous ne sommes pas dans un Etat de droit. D'ailleurs, lui-même l'a dit lors de la campagne électorale présidentielle en disant qu'il n'y aurait pas de partis nouveaux tant qu'il n'y aurait pas la stabilisation. C'est comme si le FD était un danger pour la stabilisation du pays. Cette démarche traduit également à mon sens cette tendance du pouvoir à ne porter aucun respect pour l'Algérien. Ceci étant, le FD et Wafa sont des partis agréés du fait de la loi, puisque l'absence de réponse après le dépôt du dossier d'agrément revient à les reconnaître. Mais le fait que le gouvernement se garde de donner de réponse à notre agrément, c'est une façon de nous interdire administrativement ce qu'il n'ose pas dire politiquement. Dans les faits, je ne peux vous dire que cela nous crée beaucoup d'obstacles : on ne peut pas ouvrir un compte ou louer un local parce qu'on nous demanderait l'agrément du parti. Tout comme je ne peux pas recruter des militants ou ramasser des cotisations.
L'élection du 8 avril a vu la reconduction de l'actuel président de la République. Quel crédit accordez-vous à cette élection ? Et quelles sont les leçons que vous retenez de ce rendez-vous électoral ?
Le 8 avril a été une reconduction des pratiques passées sous une forme différentes. Est-ce que cela veut dire que le 8 avril a été un jour banal ? Non ! Bien qu'il n'ait été que la reconduction d'un processus, il a aussi apporté une réponse à des questions qu'on continuait à se poser avant le 8 avril.
Notre interrogation principale était de savoir s'il était possible qu'il y ait une prise de conscience dans l'actuel régime pour qu'il y ait un changement dans l'ordre ? Le 8 avril a donné une réponse définitive : le système nous a dit, je ne veux pas changer. Je veux continuer comme cela.
C'est-à-dire continuer à faire les présidents ?
C'est-à-dire à tenir le pouvoir dans sa totalité, de façon occulte et que le président n'est que la façade. Sur ce plan-là, il faut reconnaître que nous, les hommes de bonne volonté qui ont voulu ramener le changement, nous nous sommes trompés. Nous pensions avant le 8 avril que le changement ne pouvait se faire qu'avec les tenants du régime.
Mais en l'occurrence et connaissant donc la réalité du régime, tout changement, et le changement est indispensable, ne pourra se faire que sans les tenants du régime et malgré eux. Et si nous ne réussissons pas à provoquer ce changement, alors ce sera le changement dans le désordre qui viendra de l'extérieur donc de la rue.
N. M.


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