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«Le forcing de la jeunesse sahraouie pour reprendre les armes»
Conflit du Sahara Occidental
Publié dans El Watan le 30 - 03 - 2016

Tahar-Eddine Ammari, maître de conférences à la faculté de droit de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, et Ahmed Kateb, enseignant à l'université d'Alger, ont animé hier à Alger une intéressante conférence sur le conflit du Sahara occidental.
Intéressante car elle pointe le curseur sur les raisons des dernières manœuvres marocaines. Entrant directement dans le vif du sujet, M. Ammari a expliqué la querelle qui oppose depuis peu le Maroc à l'Organisation des Nations unies (ONU) autour de la question du Sahara occidental par «les revers essuyés cette année par la diplomatie marocaine» (annulation par la Cour européenne de justice d'un accord agricole et de pêche liant l'UE au Maroc et résolution adoptée par le Parlement européen sur la situation des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés).
Pour Tahar-Eddine Ammari, ces revers ont provoqué une panique générale à Rabat dans la mesure où ils démontrent d'une part «l'échec patent du projet d'autonomie avancée» que le Maroc a tenté de vendre à la communauté internationale pour contourner le référendum d'autodétermination, droit inaliénable reconnu au peuple sahraoui, et d'autre part «un attachement de la communauté internationale au respect de la légalité internationale».
En décidant de passer à la trappe l'accord agricole et de pêche entre l'UE et le Maroc, a-t-il expliqué, la Cour européenne de justice ne fait en réalité rien d'autre que de reconnaître le Front Polisario comme représentant légitime du peuple sahraoui et de pointer l'illégalité de l'occupation du Sahara occidental par le Maroc.
Ce verdict cinglant a fait craindre au roi Mohammed VI et à sa cour un effet boule de neige qui aurait amené le Conseil de sécurité de l'Onu à élargir les compétences de la Mission de l'ONU pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) à la surveillance des droits de l'homme. Une vieille revendication des Sahraouis eu égard aux violations massives et systématiques des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés.
Pris de panique et dans la crainte de subir un autre important revers, ajoute Tahar-Eddine Ammari, le Maroc a donc décidé de saborder le processus de règlement du conflit en entreprenant de démanteler la Minurso. Citant l'exemple de la marche verte en 1975 qui a conduit à la colonisation du Sahara occidental, le conférencier a expliqué que «le Maroc a toujours eu la même attitude à chaque fois qu'il se sentait en danger ou pris à la gorge».
Le soutien inconditionnel de la France
Tahar-Eddine Ammari souligne cependant que le Maroc ne se serait pas permis d'adopter une telle attitude de défiance à l'égard de l'ONU et de la communauté internationale s'il n'était pas assuré du soutien inconditionnel de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui s'est opposée jusque-là à toutes les résolutions allant dans le sens du respect du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Tout cela, dit-il, pour protéger ses intérêts et ceux des entreprises françaises activant dans les territoires sahraouis occupés. «La France n'acceptera jamais un Sahara occidental sous influence algérienne», a-t-il martelé. Rabat, ajoute le conférencier, est soutenu aussi par l'Arabie Saoudite et certaines autres monarchies du Golfe pour lesquelles Mohammed VI sous-traite.
De son côté, Ahmed Kateb a fait le point sur la Minurso et cela depuis sa création à nos jours. Soulignant d'emblée l'échec de l'entreprise du Maroc ayant consisté à faire croire à la communauté internationale que le conflit du Sahara occidental est un problème qui oppose l'Algérie au Maroc, M. Kateb a soutenu que le Maroc s'est de tout temps employé à mettre des bâtons dans les roues de la Minurso.
Il a indiqué, à ce propos, que la Minurso n'a jamais pu s'acquitter de la totalité des missions dont elle a été investie par le Conseil de sécurité de l'ONU. La Mission onusienne, a-t-il dit, s'est juste bornée depuis sa création à «surveiller le cessez-le-feu, instaurer des mesures de confiance et déminer des territoires par l'armée coloniale marocaine».
Quid de la suite des événements ? Ahmed Kateb a estimé que le comportement marocain est dangereux dans la mesure où il est susceptible de porter atteinte à la stabilité de la région. «Les mesures de rétorsion prises par le Maroc à l'encontre de la Minurso est un casus belli», a-t-il estimé non sans espérer que le Conseil de sécurité de l'ONU prendra ses responsabilités le moment venu pour éviter le pire à la région.
Présent à la conférence-débat, le chargé d'affaires de l'ambassade de la République arabe sahraouie démocratique à Alger, M'hamed Echeikh, a abondé dans le même sens.
A ce propos, il a révélé que les derniers développements dans la région et la réponse frileuse du Conseil de sécurité aux provocations marocaines ont convaincu la jeunesse sahraouie de la nécessité de reprendre les armes, précisant que l'opinion sahraouie reproche actuellement à ses leaders leur propension à chercher à calmer les choses à chaque fois qu'il y a crise. «Nous avons reçu une demande officielle des représentants de la diaspora sahraouie dans laquelle on nous demande de permettre à des centaines de jeunes de regagner les camps de réfugiés.
Aujourd'hui, comme l'ensemble de nos jeunes, ils ne sont pas du tout d'accord avec la politique du gouvernement sahraoui qui consiste à toujours calmer la situation. Ils veulent reprendre les armes et sont décidés à s'engager pour libérer leur pays», a révélé M'hamed Echeikh d'un ton grave.


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