Khaled Tazaghart, député de Béjaïa, ne cesse de demander des nouvelles du jeune enseignant fauché jeudi dernier par un camion au lieudit Sonda, à la sortie sud de la ville de Bouira. Il tente de rassurer les marcheurs : «Il va bien, ne vous inquiétez pas.» Les marcheurs sont arrivés hier en fin de journée à Aomar, après avoir parcouru une trentaine de kilomètres depuis le lycée Krim Belkacem du chef-lieu de wilaya, où ils ont passé la nuit. B. Saïd, 28 ans, professeur d'histoire-géographie dans un établissement de la wilaya de Bordj Bordj Bou Arréridj, a été fauché par un camion jeudi dernier. Il a été évacué en urgence vers l'hôpital Mohamed Boudiaf, d'où il a été transféré vers le CHU de Tizi Ouzou. «Il a été évacué dans un état comateux. Dieu merci, il a repris connaissance ce matin (hier, ndlr).» Les enseignants contractuels sont en colère et dénoncent l'absence des unités de police et de gendarmerie pour réguler la circulation automobile tout au long de la RN5 : «Nos vies sont exposées au danger. Où sont les unités de la Gendarmerie nationale ?» Le député Khaled Tazaghart demande à un officier en civil des Renseignements généraux d'appeler son chef afin de dépêcher des véhicules de police. «Ce secteur relève des prérogatives de la Gendarmerie nationale», lui répond l'officier, tentant de rassurer le député. «Que Dieu te guérisse, Saïd», lit-on sur les pancartes brandies par les enseignants en signe de solidarité avec leur collègue victime d'un accident de route. Son état de santé est stable, nous ont affirmé ses collègues depuis le CHU de Tizi Ouzou. Hier, des parents d'enseignants se sont déplacés pour s'enquérir de l'état de santé de leurs proches, après avoir été informés de l'accident regrettable qui a failli coûter la vie à un des marcheurs, a-t-on constaté. Les contractuels, qui en sont à leur sixième jour de marche entamée dimanche dernier depuis le siège de la direction de l'éducation de la wilaya de Béjaïa, sont déterminés à poursuivre leur périple vers Alger. Douze délégations représentant 42 wilayas prennent part à cette manifestation. «Personne ne pourra nous arrêter ni encore nous dissuader tant que les pouvoirs publics refusent de prendre en charge notre principale revendication, à savoir notre intégration sans concours», nous a dit Ben Mohamed Kafia, un enseignant venu de Annaba, qui compte 15 ans d'ancienneté en tant que contractuel. Abid Boualem de Béjaïa a à son actif 17 ans dans l'enseignement ; il espère une décision politique pour l'intégration de tous les contractuels : «La question de notre intégration relève des prérogatives du chef de l'Etat, seul habilité à répondre favorablement à notre doléance, dès lors que la ministre de l'Education ne cesse de nous dire que notre intégration directe est contraire aux lois en vigueur.» Colère des enseignants «Voilà un exemple et une preuve qui sèment la zizanie et la division au sein du peuple algérien», dit avec colère le député Tazaghart à propos d'un papier publié par le quotidien Ennahar qui a titré, dans son édition de jeudi dernier, que des échauffourées ont éclaté entre les marcheurs et les militants du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK). «Ils ont oublié de citer cet élan de solidarité de la population de la wilaya de Bouira qui s'est mobilisée comme un seul homme pour assister les enseignants», s'emporte le député. Le même avis est partagé par les vacataires : «C'est indigne, cela relève de l'irresponsabilité», s'accordent-ils à dire. Les marcheurs, malgré la fatigue, après avoir parcouru plus de 150 km, ne reculent pas. C'est le cas de cette jeune professeur de français dans un établissement de la wilaya de Boumerdès qui continue la marche malgré son handicap. «Laissez- moi mourir, je ne te pardonnerai jamais… Criminel», lance-t-elle, en refusant de monter dans un véhicule. Il s'agit de Fella Djellal, violemment agressée la semaine passée à Alger par un policier qui lui a asséné un coup de rangers. Malgré sa fracture à la jambe droite, elle a décidé de continuer la marche. «J'ai un certificat de 30 jours d'incapacité de travail établi par un médecin du CHU Mustapha d'Alger. Je ne vais pas lâcher ce criminel, je vais introduire une plainte devant la justice», affirme-t-elle en larmes. Les marcheurs interpellent encore une fois le président de la République afin de solutionner ce problème, à une journée de la reprise des cours. «Nous étions aussi des élèves, alors ne les privez pas de leurs enseignants, Monsieur le Président», clament-ils. Le chemin vers Alger est encore long pour ces marcheurs et la tâche sera de plus en plus rude car des chutes de pluie sont annoncées pour aujourd'hui.