Quelle mouche a donc piqué les autorités algériennes pour refuser un visa au journaliste du quotidien Le Monde qui devait accompagner le Premier ministre français, Manuel Valls, lors de sa visite à Alger ? Le journal avait effectivement publié une photo du président Abdelaziz Bouteflika à côté de celles d'autres chefs d'Etat impliqués dans le scandale Panama Papers. La réaction est trop brutale et disproportionnée par rapport au «délit», si délit il y a. Toucher à un organe de presse qui est considéré comme une institution très respectée dans le monde ne passe pas inaperçu. Les Algériens ont-ils agi sous la colère, ou est-ce un acte mûrement réfléchi ? Il n'est pas dans la tradition algérienne de réagir aussi brutalement et de se faire des ennemis aussi gratuitement. Aux yeux des Français, Alger s'est attaqué à un principe sacro-saint : la liberté d'expression. Au point que Manuel Valls a téléphoné à son homologue algérien, Abdelmalek Sellal, pour tenter de recoller les morceaux. Mais ce dernier n'a rien pu faire. Même l'envoyé du «Petit Journal» de Canal+ n'a pas échappé à l'ire algérienne. Première conséquence : toute la presse française s'est solidarisée avec Le Monde en décidant de boycotter le voyage du Premier ministre français. On la comprend, surtout qu'elle ne s'est pas encore relevée du deuil suite à l'attentat contre Charlie Hebdo. Personne n'est en droit de lui dicter sa conduite. La réaction intempestive d'Alger pourrait également influer négativement sur la visite de M. Valls, surtout qu'il a été annoncé qu'elle sera l'occasion pour signer d'importants contrats. De toute évidence, le pouvoir algérien a raté une occasion pour manifester son attachement à la liberté de la presse. Ce n'est pas la première fois qu'il est dénigré ou cité comme mauvais exemple par les médias internationaux. Abdessalem Bouchouareb n'a pas craint le ridicule en osant parler de «complot intérieur et extérieur», une théorie que même les plus niais ne gobent plus. Y a-t-il panique quelque part ? Déjà empêtré avec le scandaleux retour du sulfureux Chakib Khelil, devenu un symbole de corruption qu'il est préférable de ne pas fréquenter, voilà qu'arrive une autre tuile avec Abdessalem Bouchouareb et rien ne dit que d'autres noms ne vont pas surgir des Panama Papers. Ce clan, qui est en train de renvoyer l'Algérie à la mendicité internationale, croit sans doute que la meilleure défense c'est l'attaque, afin de se prémunir des révélations à venir. Pourtant, c'est en France que se trouvent les milliards pillés des caisses de l'Etat. Le dernier des parvenus, Amar Saadani, est passé du statut de pompiste et de «danseuse» à celui de personnalité avec appartements et comptes bien garnis à Paris. C'est celui-là qui va critiquer la France ?