De nombreux Algériens se passionnent pour les championnats de football étrangers, la Liga espagnole en particulier. Football technique, spectaculaire et de niveau supérieur, ce championnat ne laisse aucun amateur de la ronde balle indifférent. Les férus de ce sport n'ont d'autres choix, chez nous, devant les mièvreries de la compétition locale, que de se passionner pour le football en Europe qui du reste capte l'intérêt de la planète toute entière. C'est normal. Mais comme partout ailleurs, nos concitoyens se scindent radicalement en deux : les Barcistes et les royalistes. A chaque journée de la Liga, les admirateurs de Barcelone et Madrid se livrent, via les réseaux sociaux, une petite guéguerre sympathique. A la moindre victoire barcelonaise, les «meringués» se font petits sur facebook et à chaque succès du Real, les «blaugranas» se dissolvent chimiquement sur la Toile… Mise à part les championnats de France et d'Allemagne, qui ont révélé très tôt leurs lauréats (enlevant par la même beaucoup de saveur à l'esprit de compétition), les autres tableaux livrent un intérêt grandissant au spectacle à chaque fin de saison. Il en va ainsi de la Liga espagnole. Remake. Quatre ou cinq journées en arrière, la messe semblait dite sur le déroulé final de l'épreuve avec une bonne douzaine de brassées d'avance du FC Barcelone sur ses rivaux traditionnels, particulièrement le Real de Madrid, qui prenait eau de toutes parts. La venue de Zidane à la barre technique, en remplacement de l'Espagnol Benitez, a redonné du plaisir à jouer aux maillots immaculés et leur a assuré de nouveau la régularité du succès, journée après journée, pendant que le voisin de l'Atletico restait un compétiteur métronomique. Mais voilà que dans ce décor de déjà vu, le football a ses raisons que la raison ne connaît pas. Ce tableau qu'on pensait figé, avec l'inéluctable dynamique du sacre promis au Barça, pensait-on, n'en était pas un… En dix jours, toutes les données ont changé pour le club de Barcelone. Cela avait commencé le 2 avril au Camp Nou. Défaite inattendue face au grand rival madrilène. Gros coup sur la tête. Depuis, la mécanique bien huilée qui nous avait donné du plaisir se met à grincer. Deux autres défaites en championnat et une élimination en quart de finale de la Champions league jettent l'effroi sur les Ramblas catalanes. L'ennemi juré n'est plus qu'à un point de distance du fauteuil, par ailleurs partagé par l'Atletico. A cinq longueurs de la fin, Barcelone se retrouve coincé entre Madrid… et Madrid. Comment en sont-ils arrivés là ? Les observateurs d'ici et d'ailleurs y vont de leurs analyses. Un constat commun : les Blaugranas sont des rameurs fatigués à quelques encablures du rivage. Et quand on est las des efforts précédents, une saturation physique impose peu de performances. Rareté de la vitesse d'exécution qui faisait la force du Barça, peu de mobilité et quasi impasse sur l'acharnement répétitif à vouloir récupérer la balle très vite. Conséquences : moins de disponibilité, moins de visibilité, moins d'efficacité à se retrouver devant et surtout plus d'espaces cédés à l'adversaire avec des boulevards offerts aux contre-attaques. Quand Valence très affaibli, qui a pris sur le même Nou Camp sept buts en Coupe du roi et qui vient jeter dans toute la Catalogne et ailleurs un doute extrême, c'est que quelque chose ne tourne plus rond au sein de l'équipe de Luis Enrique. Depuis quelque temps, le FCB ne surprend plus. Un jeu stéréotypé imposé par un Messi qui recherche continuellement Neymar, et un Neymar qui recherche continuellement Messi. Un entraîneur, Luis Enrique, timoré par l'ordre sportif établi au Barça : on ne remplace pas Messi, même s'il marche sur le terrain, et on ne met pas Neymar sur la touche, même s'il abuse de ce petit jeu des plages cariocas. Face à cet ordre établi, Iniesta, le déstabilisateur des défenses adverses, ne sait plus quand il doit accélérer et quand il doit réorienter ses jaillissements. Bien regroupés en défense et au milieu, les joueurs adverses ont tout le loisir de percuter Sergio Busquets qui passe plus de temps à terre que debout ces derniers temps. L'arrière-garde n'est pas en reste. Piqué irrégulier n'est plus le grand Piqué d'autrefois, et Mascherano se met, depuis quelques semaines, à fauter gravement sur ses placements, ce qui fait le bonheur des attaquants embusqués (Griezmann en Champions league…). Bref, le moral est en berne dans la maison blaugrana. Faire reposer Messi et Neymar au prochain match ? Impossible, vous répondront les fans catalans : ces deux joueurs, même s'ils n'ont pas le rendement attendu, peuvent faire la décision à n'importe quel moment du match… En plus, le banc des remplaçants est largement dégarni. Permettez cette dernière réflexion de votre serviteur du jour : depuis quelque temps, la personnalité de Lionel Messi écrase de tout son extraordinaire talent la formation du FC Barcelone. Le petit Argentin est ce qu'il est aujourd'hui, peut-être le meilleur joueur du monde et l'un des tout meilleurs de tout les temps. Mais il a besoin de revenir à plus d'humilité. Il est venu très jeune à l'équipe, il s'est incrusté à la collectivité de l'équipe, puis il flotte ces deux dernières années au-dessus de l'équipe, lui imposant sa manière de faire et sa manière d'être. Léo doit se mettre au service de ses coéquipiers en s'intégrant au jeu collectif qui fait la force des Barcelonais. A près de 29 ans, c'est-à-dire au tournant de sa carrière et après une dizaine d'années sans discontinuité au plus haut niveau, la «Pulga» possède encore les moyens physiques, techniques et psychologiques pour marquer durablement, à notre immense plaisir, l'histoire passionnante du football mondial, en demeurant ce qu'il a été : 169 centimètres de muscles et d'os, mais un géant de la balle ronde, génial et admiré par la planète tout entière.