Pour contrecarrer un des projets du gouvernement, la mouvance islamiste s'est trouvé un allié de taille : l'imam cathodique Chemseddine El Djazaïri, alias Chemsou, qui sévit quotidiennement sur la chaîne de télévision Ennahar. Il a émis une fatwa (avis religieux) contre l'emprunt obligataire qu'a lancé l'Etat ce mois-ci en vue de collecter des fonds destinés aux investissements publics. L'imam, qui présente une émission quotidienne sur la chaîne Ennahar TV — pourtant connue pour être le canal qui soutient toutes les options du pouvoir qui finance le journal éponyme avec de la publicité étatique — a donc mené campagne contre l'emprunt obligataire, qualifié de «haram». Selon le mufti autoproclamé, ce projet gouvernemental est «riba» à partir du moment où il génère des bénéfices. «Si l'Algérie est en danger, nous lui donnons tout ce que nous possédons», répète le «cheikh», qui rappelle qu'en 1963, «à l'appel de Ben Bella, les Algériens avaient donné tout ce qu'ils possédaient». Plus que cela, Chemseddine, qui feint de s'en prendre aux salafistes tout en adoptant leurs méthodes, invite le gouvernement à consulter «les oulémas» — se considérant lui-même comme tel — avant de prendre une quelconque décision. Ce qui pose problème dans cette sortie de l'imam cathodique, habitué aux polémiques et aux propos souvent hasardeux, est qu'il officie dans un canal qui fait la promotion à l'excès des options du pouvoir. C'est cette chaîne, adossée à un journal financé en grande partie par la publicité publique, qui a pourtant tenté de faire avaler des couleuvres. A commencer par celle faisant de Chakib Khelil un homme innocent malgré les lourds soupçons qui pèsent sur lui. Cette attaque contre l'emprunt obligataire n'est pas la première sortie rocambolesque de l'homme, qu'un ancien ministre a accusé d'avoir détourné les fonds d'une association. Il y a quelques mois, il s'en était pris au Rapide Club de Relizane de football, qui joue au sein de la Ligue 1, pour avoir choisi comme sponsor Rotary Club International. Il avait appelé, publiquement et à deux reprises, les supporters à se soulever car le sponsor en question est «proche de la franc-maçonnerie». Les explications du président du club n'ont rien pu faire face au déchaînement de l'imam. Pourtant, cheikh Chemseddine, de son vrai nom Chemseddine Bouroubi, n'a pas de formation académique lui permettant de se prononcer sur des questions aussi sensibles et sérieuses. Mais son style décontracté, parfois cocasse, et son langage populaire font de lui un recours pour beaucoup d'Algériens friands d'avis religieux. «Il n'a aucune qualification pour être imam ou mufti», indique dans ce sens Saïd Djabelkheir, chercheur en soufisme. Cela n'empêche, son patron, Anis Rahmani, lui trouve une «qualité» : «Il combat les islamistes», disait-il à un confrère. Sauf que certaines questions sont trop sérieuses pour être traitées avec la légèreté d'une discussion de café.