L'exposition Made in Algeria, présentée au Mucem de Marseille jusqu'au 8 mai, dévoile une série de cartes méconnues et donne à comprendre une autre facette de l'histoire du pays. La carte fait-elle naître le territoire ? Ou le territoire pousse-t-il à la création des cartes ? C'est autour de cette question que l'exposition «Made in Algeria, Généalogie d'un territoire» déroule le processus de cartographie du territoire algérien, en donnant à voir des cartes inédites du pays. «Il y a une ambiguïté dans la cartographie qui concerne l'Algérie qui me semble assez unique, explique Zahia Rahmani, commissaire de l'exposition, à El Watan Week-end. En même temps que l'on trace le territoire, on en a une maîtrise en fonction de ses propres besoins. Plus les Français avancent dans la connaissance du pays, plus ils le maîtrisent». Car au Moyen-Âge, à l'époque des royaumes et des empires, on ne trace pas le territoire, on ne dessine pas les frontières. «Au XIIIe siècle, les califats d'Andalousie n'avaient pas de raison de fabriquer des territoires délimités. Il n'existe pas de carte faites par les Ottomans. Alger était le dernier grand port turc, et l'Empire n'a pas mis en place de modernisation de ce territoire qui aurait pu nécessiter une cartographie», ajoute Zahia Rahmani. Colonisation Au XVIIe siècle, ce sont les récits de voyageurs qui servent de base aux géographes. La cartographie est par conséquent «partielle et fautive», résume Jean-Yves Sarrazin, co-commissaire, dans le catalogue de l'exposition. Au XVIIIe siècle, un diplomate français passe près d'un an à Alger. Il décrit une ville «en forme de voile de hunier, qui concentre le pouvoir turc, les corsaires, les maîtres des esclaves». C'est l'une des formes que prendront les tracés d'Alger. Au XVIIIe siècle, alors que des traités de paix permettent de sécuriser la navigation en Méditerranée, les expéditions sont plus nombreuses et permettent de tracer les côtes. Parallèlement, dès 1671, Louis XIV et Colbert regrettent l'absence d'une cartographie précise pour développer le commerce avec la région algérienne. Il existe aujourd'hui plus d'une centaine de cartes datées de cette époque qui concernent le littoral de l'Algérie. Dès le début de la colonisation française, c'est bien la volonté de maîtriser le territoire, de maîtriser les populations et le foncier, qui pousse à la réalisation de cartographies précises. Est-ce alors la carte qui fait naître l'Algérie ? «Non, répond Zahia Rahmani. Ce n'est pas le tracé qui participe à l'identité territoriale, mais la politique que l'on met en place sur ce territoire. Aujourd'hui, dans les régions du sud du pays, on se sent Algérien, mais l'on aspire également à se rapprocher de ceux qui ont une culture commune au Niger, au Mali ou en Libye».