Pour sa troisième édition, l'expo collective «Picturie générale» a élu domicile dans les locaux désaffectés du marché de la rue Volta au centre d'Alger. Après une première édition au sein de l'école d'art Artissimo (2013), une deuxième à l'espace La Baignoire (2014), cette expo, qui se présentait comme «une superette» d'art contemporain, passe à la dimension supérieure : celle de Souk El Fellah. Vestiges de l'Algérie socialiste, le souvenir de ces marchés étatiques reste vif dans l'imaginaire collectif et la culture populaire. L'écrivain Samir Toumi, qui a participé à la mise en place de l'expo, se souvient : «La rumeur d'un arrivage de produits bruissait dans les villes et les campagnes, et aussitôt de longues processions de clients – les fameuses chaînes – se formaient aux portes des Souk El Fellah. Le soir venu, chacun rentrait chez soi avec le trophée du jour, si durement arraché : un sac de riz, un bidon d'huile Safia, ou un arrosoir en plastique, en provenance de Yougoslavie». En guise de produits rares, il s'agit cette fois des peintures, sculptures et installations d'une joyeuse bande d'artistes. Ils sont une vingtaine à exposer des œuvres inédites pour la plupart. «On a choisi dès le départ de ne pas imposer de thème», explique Mourad Krinah, commissaire de «Picturie» qui expose également une sérigraphie en grand format collée directement au mur du bâtiment. C'est également le cas des 100 photos de Youcef Krache, tapissant le mur décrépi de micro-scènes de vie entre l'Algérie, le Mali et la Tunisie... Issu de l'Ecole supérieure des Beaux-arts, le collectif qui compose «Picturie générale» s'ouvre progressivement à des artistes aux profils plus atypiques. «L'idée est de mettre en valeur une génération d'artistes qui émerge, notre génération. Au départ, on travaille naturellement avec les gens qu'on connaît, mais avec le temps on découvre, notamment grâce à internet, d'autres artistes venus d'autres horizons. Chacun vient avec son univers personnel et c'est ce qui fait la diversité de l'expo», ajoute Krinah. L'installation est présente en force dans cet immense espace de jeu mis à la disposition des artistes par l'industriel Issaad Rebrab. Walid Bouchouchi expose un très grand sac Tati décoré de haricots, Fares Yessad sort sa Roulma 2.0, customisée en voiture de collection, Mohamed Bourouissa accroche une grappe de baskets au plafond, Fatima Chafaa jette des hameçons dans des bouches d'égout, Adel Bentounsi dégoupille ses flûtes explosives, tandis que la «performeuse» Sarah El Hamed se met elle-même en scène dans un cube aux allures de mausolée. C'est dire la variété des œuvres qui dénotent toutefois d'un même souci de contemporanéité (ou, plus simplement, d'actualité) dans la thématique ou dans le regard. C'est aussi le cas de la grande toile accrochée au plafond de Yasser Ameur (alias L'homme jaune) qui revisite une nouvelle fois le thème de l'émigration clandestine. La peinture n'est pas en reste avec, entre autres, un triptyque de Maya Bencheikh El Fegoun sur le monde de l'enfance et un autre de Fella Tamzali- Tahari sur le corps féminin. Mehdi Bardi Djelil, fournisseur attitré des «Picturies», est aussi présent avec ses personnages déjantés à qui il donne des ailes dans une série d'allégories ornithologiques… On ne pourra pas citer tous les artistes présents, c'est pourquoi nous vous recommandons vivement d'aller les découvrir par vous-mêmes. L'expo «Picturie Générale III» se poursuit jusqu'au 21 mai. Les artistes sont présents tous les jours (de 13h à 18h), sauf les vendredis. Enfin, le 15 mai est prévue une table ronde sur le thème de la réhabilitation des friches animée par des artistes, des architectes et des acteurs culturels. A suivre…