L'exposition collective «Picturie générale III» réunissant les œuvres d'une vingtaine de plasticiens, de photographes et de sculpteurs algériens dans les locaux d'un ancien «Souk El Fellah» (galerie marchande étatique) a été inaugurée samedi à Alger. Après deux expositions organisées dans un appartement et dans les locaux d'une entreprise, ce collectif de jeunes artistes, habitué des lieux alternatifs d'expositions, a investi une partie de cet ancien marché de la rue Volta (centre d'Alger), propriété d'un industriel privé algérien, pour une exposition où les expressions artistiques les plus diverses s'affichent dans un lieu pour le moins inédit. Accrochées sur des murs en béton décrépis sur près d'une centaine de mètres de long, attachées à poutres hautes de dix mètres sous un plafond en forme de serre, les œuvres exposées témoignent d'une vitalité créative qui aborde aussi bien des thèmes comme l'écologie, la consommation et l'urbanisation que des obsessions liées au corps, à l'enfance ou encore la part animale de l'homme. Chez les peintres où les triptyques sont dominants, les visiteurs pourront ainsi apprécier les œuvres évocatrices et puissantes de Maya Bencheikh El Fegoun, hybrides et contestataires de Mehdi Bardi Djelil ou encore celles épurées et sensuelles de Fella Tamzali-Tahari. Intitulé «Oumlil», le triptyque de Maya Bencheikh El Fegoun représente des scènes et des rituels comme la circoncision ou la première coupe de cheveux, en s'attachant à reproduire la disproportion entre les corps adultes et ceux des enfants pour offrir une vision quasi psychanalytique de ces moments fondateurs dans la vie des jeunes garçons. Limpides par leurs traits, leurs formes et leurs couleurs, les tableaux de Fella Tamzali-Tahari, regroupés sous le titre «Souk Ennessa» proposent, quant à eux, une vision de corps féminins éprouvés ou à la tâche, tandis que Mehdi Djelil convoque à travers des figures mi- humaines mi- oiseaux le grand poète perse Attar dans des tableaux à forte consonance politique. Côté photographie, ce sont les cents clichés pris à Alger, Bejaia, Tunis et Bamako par Youcef Krach qui ont le plus attiré les visiteurs. Des photos accrochées sans cadre pour «mieux coller au lieu» de l'exposition, a expliqué le photographe. Toutes aussi variées, les installations et les sculptures de l'exposition évoquent le mal être des pêcheurs de la côte ouest d'Alger cernés par l'urbanisation chez Fatima Chafaa, les cultures urbaines symbolisées par les chaussures chez Mohamed Bourouissa ou encore les jeux d'enfants chez Fares Yessad. Les visiteurs du vernissage,- plus d'une centaine, entre artistes, écrivains, familles, ambassadeurs, gens du quartier ou simples curieux-, ont, quant à eux, étaient unanimes à saluer une exposition «inédite» dans un lieu inhabituel. C'est le cas par exemple du grand peintre algérien Denis Martinez qui a salué « la liberté» et «l'universalité» de cette jeune génération d'artistes qui ont, dit-il, «investi un espace en friche» pour en faire «un territoire d'expression collective». La création de lieux d'exposition et de travail dans des structures semblables à l'ex-marché Volta est une revendication portée depuis quelques années par de nombreux artistes algériens. Ces demandes s'inspirent d'expériences relevées dans de nombreux autres pays au Maghreb et ailleurs où des lieux comme des abattoirs ou des anciennes usines ont pu été réaménagés pour les artistes, tout en conservant leur aspect architectural originel. L'exposition «Picturie générale III» est programmée jusqu'au 21 mai avec, en outre, des tables rondes sur l'art contemporain et des visites pour les écoliers.