On croyait avoir tout vu dans la panoplie des «prouesses» du pouvoir autoritaire algérien contre la presse indépendante et la liberté d'expression depuis les années 1990. Hélas pour la démocratie, il n'en est rien. Après avoir épuisé tous les procédés qui vont du harcèlement judiciaire au chantage économique à travers les pressions exercées sur les annonceurs publicitaires dans l'unique but d'étouffer la liberté d'informer, le régime Bouteflika vient de se singulariser en tentant, encore une fois, d'instrumentaliser la justice. Et ce, pour essayer d'annuler une transaction conclue entre les actionnaires du quotidien arabophone El Khabar et une société de production Ness Prod appartenant au groupe Cevital. Une attaque qui révèle bien l'état des lieux de la liberté de la presse en Algérie, au moment où l'on s'apprête à commémorer la Journée internationale de la presse, le 3 mai. Avec ses coups bas, le régime peut se flatter, sans gloire aucune, de figurer parmi les plus fermés de la planète. Les propos peu convaincants du ministre de la Communication et la confusion juridique entretenue témoignent d'une volonté d'enfumer l'opinion publique, particulièrement dans la conjoncture actuelle marquée par l'immobilisme généralisé du fait d'un pouvoir absent sur la scène nationale depuis la maladie du président de la République. La manipulation politique du clan au pouvoir pour essayer d'en «découdre» avec toute contestation est encore plus évidente dès lors qu'elle s'inscrit dans une logique de reconduction du régime, avec ou sans Bouteflika. D'où ces attaques répétées des cercles du pouvoir ou de milieux qui lui sont proches contre la presse indépendante et la liberté d'expression, qui sont autant de barrages à ces tentations totalitaires mal dissimulées du pouvoir en place. C'est là la gravité du problème. Car, au-delà de cette affaire et des faux arguments avancés pour justifier le dépôt de plainte contre El Khabar, la dérive du régime actuel fait peser de lourdes menaces sur certains titres de la presse indépendante, alors que d'autres, parce qu'ils sont favorables, voire même du régime, ne sont nullement inquiétés. Bien au contraire, on sait que le président du Forum des chefs d'entreprises et premier bétonneur du pays est en possession de plusieurs chaînes de télé et de journaux sans que l'on s'en offusque dans les sphères officielles. Il n'est pas le seul, et le ministre en charge de la Communication n'a rien dit. Après l'acharnement contre les blogueurs d'internet jugés dangereux pour la sécurité du pays pour avoir critiqué le régime et accusé la main de l'étranger, derrière eux, cette volonté de mise au pas des médias se veut le prélude à un passage en force du régime dans sa reconduction, écartant par la même toute intention d'alternance démocratique.