Forgée dans les durs moments de la barbarie et de la terreur, la presse indépendante, qui a payé le prix fort pour garder allumée la flamme de la liberté, fait face aujourd'hui à une autre épreuve de force engagée par le pouvoir en place. En défendant courageusement leur rôle d'animateur et d'agitateur d'idées, en ouvrant leur espace à l'expression libre et à toutes les sensibilités politiques et sociales, tout en assumant son ton critique, des journaux comme El Watan etEl Khabar s'attirent les foudres des décideurs. Les autorités politiques du pays s'attaquent ainsi aux derniers fiefs de la démocratie. La reconduction de Abdelaziz Bouteflika au palais présidentiel pour un quatrième mandat a été le point d'orgue de cette nouvelle guerre faite à la liberté de la presse. Le pouvoir de Bouteflika s'ingénie en matière de harcèlement et de coups tordus. Après les procès en cascade contre des journalistes et la suspension de journaux, les tenants de l'ordre établi s'acharnent par un procédé pernicieux à asphyxier financièrement des journaux attachés à leur indépendance économique et à leur indépendance éditoriale. L'objectif est d'achever l'un des derniers acquis d'Octobre 1988 encore en vie, pour ne laisser en surfacequ'une presse aux ordres et façonner ainsi un paysage médiatique servile. C'est la mission fixée au ministre de la Communication. La sale besogne consiste à couper une des sources de financement des journaux, la publicité. Des chefs d'entreprises privées nationaux et étrangers ont été «conviés» à ne plus placer leurs annonces dans des journaux, El Watan etEl Khabar notamment. Un odieux chantage. Si certains annonceurs résistent à la menace, beaucoup d'autres ont fini par céder. El Watan, dont les sources de financement viennent exclusivement de ses ventes et de la publicité privée, en prend un coup, mais sans courber l'échine. Votre journal coûtera à partir d'aujourd'hui 20 DA. C'est un effort demandé à nos lecteurs pour pouvoir poursuivre l'aventure d'une entreprise d'information indépendante.Porté par des valeurs de liberté et de progrès, jaloux de son indépendance, votre journal restera viscéralement attaché à son engagement citoyen et demeurera fidèle au serment des martyrs de la liberté de la presse. Il restera la vigie d'une société assoiffée de liberté en abordant de manière vive toutes les questions qui agitent le pays. Il continuera à accueillir dans ses colonnes tous les Algériens dans leur diversité. El Watan continuera à être le journal où on lira ce que les pouvoirs cherchent à occulter, mais aussi de l'information indépendante. Il ne renoncera jamais à cette belle aventure qu'il partage avec des Algériens ; voir émerger un pays développé et un Etat moderne et démocratique. Son énergie, il la puise dans le courage et l'engagement de son équipe portée par un idéal. Mais aussi et surtout dans la fidélité de ses lecteurs dont la confiance ne cesse de se renouveler. «Même à 50 DA, les gens doivent acheter ce journal qui fait vire la démocratie», témoigne l'opposant Mohamed Arezki Ferrad. Un journalisme libre et indépendant est avant tout une exigence démocratique, un besoin vital pour une société en mouvement. C'est là un nouveau pari que prendra avec courage et abnégation notre journal.En s'attaquant à la presse libre, le pouvoir se trompe de combat.