La décision prise par Grine à l'encontre du groupe El Khabar intervient à la veille de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, que les autorités se gargarisent de défendre. L'examen de l'action en référé introduite par le ministère de la Communication pour l'annulation de la cession de parts du capital d'El Khabar au profit d'une filiale du groupe Cevital a été reporté pour demain. Le juge du tribunal administratif de Bir Mourad Raïs (Alger), Taâni Mohamed, a décidé, hier, de renvoyer le dossier vers la deuxième chambre de la même juridiction. «Le tribunal devra nous communiquer demain le dossier de fond et accorder un délai d'une semaine aux avocats de la défense pour leur permettre de déposer leurs conclusions en réponse», s'est contenté d'indiquer, à la sortie du tribunal, l'un des avocats du collectif de défense d'El Khabar, Me Benhamouda Salim. Aucun motif n'a été avancé par le juge qui «cède» l'examen du dossier à son collègue de la deuxième chambre et président de la juridiction administrative. «Le juge n'ignore pas que l'affaire est éminemment politique. Il a voulu que ce soit le juge de la deuxième chambre et en même temps président du tribunal qui assume le verdict. Ce report était prévisible, surtout à la veille de la célébration de la Journée de la liberté de la presse, le 3 mai», explique un avocat, rencontré dans le hall exigu de ce bâtiment de l'ancien tribunal de Bir Mourad Raïs. Cofondateur et actionnaire d'El Khabar, Cherif Rezki estime que la décision du juge administratif était attendue : «C'était prévisible. Nous considérons que le tribunal administratif n'est pas compétent pour statuer dans une telle affaire.» Le ministre de la Communication a réagi le 25 avril à l'annonce de la cession des parts du groupe El Khabar par la filiale NessProd, filiale du groupe Cevital, en affirmant qu'il «allait voir si la loi permettait cette transaction». Le surlendemain une requête d'introduction d'instruction est déposée pour faire annuler l'acte de cession. Selon Cherif Rezki, «le ministre tape à côté». «Grine a été mal conseillé. L'argument de Grine qui veut faire appliquer l'article 24 de la loi sur l'information ne nous concerne pas. L'action en justice a été engagée contre le président du conseil d'administration alors que ce sont les actionnaires du groupe qui ont décidé de leur propre chef la cession», explique-t-il. La décision prise par Grine à l'encontre du groupe El Khabar intervient à la veille de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, que les autorités se gargarisent de défendre. Dans son message diffusé par l'APS, le président Bouteflika rappelle son «attachement à la liberté d'expression». Apportant un démenti à ce discours, M. Rezki dénonce une «cabale et une injustice flagrante» à l'encontre du groupe de presse. «El Khabar dérange. Dès son installation à son poste, Grine avait pour mission de casser El Khabar en exerçant des pressions sur les annonceurs privés pour qu'ils cessent de collaborer avec nous. Bien avant, en tant que directeur de la communication de l'opérateur de téléphonie Djezzy, ce même Grine a voulu faire plier notre journal. Mais il n'y était pas parvenu», dit-il. Le cofondateur du groupe de presse arabophone soutient que le verdict de l'histoire ne sera pas clément avec le ministre Grine et ses mentors : «L'histoire va le rattraper ainsi que ses mentors qui lui ont donné l'ordre de mener une cabale contre notre journal. Au lieu de faire respecter la loi par les propriétaires de journaux qui n'existent pas dans les kiosques, ces gens veulent étouffer les libertés et faire disparaître un quotidien né dans la douleur en 1990.» Concernant la tenue d'une assemblée générale hier et la désignation d'un nouveau conseil d'administration, le désormais directeur de la publication du groupe, Cherif Rezki, affirme que c'est «une pure coïncidence», car «l'AG tenue le 17 avril dernier avait prévu une réunion pour la désignation du conseil d'administration pour ce 2 mai (hier, ndlr).»