La suppression de la retraite anticipée ne semble pas faire l'unanimité. Si certains syndicalistes la qualifient d'avantageuse pour les travailleurs, d'autres parlent de bricolage du gouvernement qui s'entête à ne pas chercher les solutions là où elles se trouvent. Désormais, la retraite anticipée ne sera plus possible. Dès l'amendement de la loi, les travailleurs devront atteindre 60 ans révolus (55 ans pour les femmes), pour prétendre à une retraite. Prise lors de la dernière tripartite ayant réuni dimanche dernier le patronat, le gouvernement et le syndicat, la décision ne fait pas consensus. Ancien secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs retraités (Fntr), Abdelmadjid Azzi, salue la mesure et affirme que celle-ci n'est que «justice rendue». Il rappelle que la retraite anticipée a été instaurée en 1997, sur proposition de l'Ugta, afin de faire face aux conséquences de la restructuration sur les travailleurs. «A l'époque, elle était introduite dans la loi pour une période transitoire sans pour autant définir sa durée. Le travailleur avait le droit de prendre une retraite dont la pension devait être complétée par l'Etat. Ce qui n'a pas été fait. La Fédération des retraités exige a depuis longtemps du gouvernement d'honorer ses engagements qui avaient atteint, fin 2015, 500 milliards de dinars, mais en vain. Tout au long de ces années, nous avons même demandé à l'Ugta d'exiger la suppression des départs anticipés sans toutefois aboutir à des réponses», explique Abdelmadjid Azzi. A le croire, la suppression de la retraite anticipée serait «un avantage pour les salariés». Un avis que ne partage nullement Noureddine Bouderba, ancien syndicaliste du secteur parapétrolier. Selon lui, le gouvernement fait dans «le bricolage» parce que, ajoute-t-il, le déséquilibre «ne se résout pas par cette mesure mais plutôt par la rationalisation des ressources de la Caisse et de sa gestion». M. Bouderba trouve que la solution «passe par le renforcement des ressources qui existent» et conteste la thèse, selon laquelle il y a trop de retraités : «Nous avons 1,7 million de retraités pour une population de 40 millions. Nous sommes un pays très jeune. Il faut développer le salariat et lutter contre l'emploi informel ou exonéré de déclaration par l'Etat.» M. Bouderba rappelle qu'en 1990, la Caisse nationale de retraites avait en réserve 32 mois de pensions, «mais a utilisé cette manne pour faire de la politique. Pourquoi l'Etat ne participe-t-il pas de manière active dans le financement de cette Caisse comme le font de nombreux pays en Europe à hauteur de 25 à 50% ? Les dépenses solidaires dépassent rarement les 10%. Le gouvernement peut faire un effort pour préserver l'équilibre de la CNR. Annuler la retraite anticipée est très grave». L'ancien syndicaliste plaide pour la recherche de nouvelles ressources de financement de la Caisse à travers, par exemple, la fiscalité, précisant : «Nous sommes toujours dans le bricolage. Il aurait fallu penser à revoir le taux de cotisation, qui reste très infime et renflouer la trésorerie au lieu de priver les travailleurs de leur droit de prendre leur retraite lorsqu'ils ont une maladie professionnelle non reconnue comme telle ou qui font des travaux pénibles. De nombreuses solutions qui peuvent améliorer la santé financière de la Caisse existent et peuvent permettre de garder la retraite anticipée. L'une d'elles est la réforme de la gestion de cette Caisse. Tout le monde sait qu'il y a un problème de gouvernance auquel il faut remédier pour rationaliser les dépenses, rentabiliser les revenus et améliorer la gestion. Ce sont les solutions qu'on aurait dû privilégier au lieu d'aller vers des mesures aussi graves qu'extrêmes comme l'annulation de la retraite anticipée et de limiter l'âge révolu de cette retraite à 60 ans.» Les avis des deux anciens syndicalistes ne se rejoignent certes pas, mais mettent cependant en exergue une situation de mal-gouvernance, qui aurait dû appeler à un plus grand débat, permettant aux travailleurs de préserver leur droit à la retraite après des années de labeur.