La décision prise lors de la dernière tripartite, fixant l'âge de la retraite à 60 ans, montre toute la légèreté et le bricolage avec lesquels le gouvernement gère le pays. Pris de court par une crise économique qu'il n'arrive plus à juguler, il n'en a ni les moyens ni le temps, l'Exécutif panique après la réaction du monde du travail à une décision qui remet en cause l'un des acquis important du travailleur algérien : le départ à la retraite avant 60 ans. La mobilisation qu'a vécue, la semaine dernière, la zone industrielle de Rouiba, le remue-ménage qu'ont connu certaines régions du sud du pays et la préparation d'une riposte concertée par les syndicats autonomes, entre autres ceux du secteur de l'éducation et de la santé, calment visiblement les ardeurs du gouvernement et de ses partenaires, patrons et syndicats. Une instruction cosignée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et la Fonction publique a semé la zizanie dans le pays. Dans le document qui a circulé d'abord sur les réseaux sociaux avant qu'il ne soit vérifié, il était demandé à la Caisse nationale des retraites (CNR) de suspendre le traitement des dossiers de demande de départ en retraite anticipée. Le gouvernement voulait certainement anticiper une ruée massive des travailleurs vers les caisses de retraites avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Selon des indiscrétions aussi bien dans le secteur économique qu'au niveau de la Fonction publique, c'est l'hémorragie. Depuis quelque temps déjà, des milliers de cadres, sinon des dizaines de milliers ont fait valoir leur droit à la retraite à un âge précoce. Le phénomène pose deux questions cruciales. La première est liée à la difficulté de remplacer des cadres ayant cumulé de la compétence et de l'expérience dans leur domaine. La deuxième est strictement d'ordre économique. Les caisses se vident et étant déjà déficitaires, le départ massif à la retraite des centaines de milliers de travailleurs ne pourrait qu'aggraver la situation suffisamment problématique pour ceux qui gèrent le pays. Si la CNR a démenti le contenu de l'instruction en soutenant, dans une déclaration faite à la presse jeudi dernier, que «les travailleurs souhaitant prétendre à la retraite proportionnelle peuvent déposer leurs dossiers dans toutes les agences CNR du pays», il est difficile de croire que le gouvernement est prêt à renoncer à une décision inévitable dans un contexte de grave crise économique. Il sera peut-être enclin à faire des concessions pour calmer les esprits et diviser, par ruse et par tactique, le monde du travail en vue d'éviter une réaction massive de ce dernier. C'est un peu le sens de la recommandation de la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR) qui «propose de prendre en compte les travailleurs des professions pénibles dans certains secteurs d'activités», lors de la révision de cette ordonnance 97-13. Dans une déclaration reprise par l'APS, le secrétaire général de la Fédération, Smaïl Boukris, a appelé à promulguer un décret en se référant à l'article 7 de la loi 83-12 relative à la retraite, lequel stipule : «Les travailleurs occupés dans des emplois présentant des conditions particulières de nuisance, bénéficient de la pension avant l'âge prévu à l'article 6 de la loi», qui est de «60 ans pour les hommes et de 55 ans pour les femmes». «Ce décret fixera alors la liste des emplois présentant des conditions particulières, les âges correspondants ainsi que la durée minimale écoulée lors de ces exercices», a expliqué M. Boukris. Pas seulement, le secrétaire général de la fédération UGTA a plaidé aussi pour bonifier le calcul de la retraite des travailleurs aux longues carrières et ayant à leur actif plus de 32 ans d'exercice, et ce, lors de leur départ à la retraite, à l'âge de 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes. Le même responsable syndical a affirmé que la FNTR adhère «pleinement» à la décision de la dernière tripartite relative à la révision de l'ordonnance 97-13 pour limiter l'âge de la retraite à 60 ans, qualifiant cette décision de «logique», dans le sens où elle assure «la pérennité» de la Caisse de retraite. Le gouvernement, soutenu par l'UGTA de Abdelmadjid Sidi Saïd, n'a en réalité pas d'autre choix. Réussira-t-il à faire accepter sa décision ? L'empoignade avec les syndicats autonomes s'annonce chaude.