Du point de vue stricto sensu du droit, l'action judiciaire engagée contre la chaîne de télévision privée KBC pour avoir tourné son émission phare «Ki hna ki nass» au ton résolument libre, conçue sur le concept du «Grand journal» de Canal+ dans un studio que l'on dit placé sous scellés, apparaît dans l'absolu recevable. Encore faudrait-il que le délit soit confirmé ! Mais la célérité et la fermeté avec lesquelles cette affaire est prise en main par les pouvoirs publics laissent sceptiques quant aux objectifs réels inavoués poursuivis à travers cette passe d'armes avec cette chaîne qui est déjà dans le collimateur de la justice à la suite du rachat des actifs du groupe de presse El Khabar par NessProd, filiale de Cevital. Le procès de cette transaction, dont le ministère de la Communication conteste la légalité, n'a pas encore connu son dénouement qu'une autre plainte, autrement plus grave celle-là, relevant du pénal, cible cette fois la chaîne de télévision KBC. Une nouvelle bataille judiciaire s'ouvre donc entre le nouveau propriétaire du groupe El Khabar via le gérant de la chaîne KBC et les pouvoirs publics, chacun s'estimant fort de son bon droit ; la partie plaignante qui n'est pas identifiée et la partie mise en cause qui plaide non coupable et la bonne foi. Avec à l'appui, pour cette dernière, deux arguments de poids : le contrat de location du studio en question dûment établi auprès du notaire et l'existence d'un précédent en la matière ; d'autres chaînes de télévision privées ont sous-traité dans les mêmes conditions et le même contexte avec le même studio de tournage sans être inquiétées par la justice. La trame des deux procès procède du même mode opératoire. Les pouvoirs publics laissent faire, poussent à la «faute» avant de sévir après coup et de brandir le glaive de la justice. Car dans cette affaire comme dans la transaction commerciale de la vente des actifs d'El Khabar, si l'intention des pouvoirs publics est véritablement de faire respecter la loi comme on le proclame, pourquoi alors cette réaction toujours tardive des autorités pour brandir le carton rouge ? Si le droit était rendu au moment des faits, on aurait pu faire l'économie de tous ces procès sur lesquels pèse fatalement une légitime suspicion quand on voit les dédales obscurs empruntés par ces affaires qui prennent la tournure d'un véritable imbroglio politico-judiciaire. N'ayant pas trouvé les arguments juridiques pour fermer la chaîne de télévision KBC à laquelle on prête un enjeu important dans la perspective des prochaines échéances électorales, le pouvoir se voit offrir sur un plateau d'argent ce cadeau du ciel du flagrant délit de violation présumée des scellés pour porter le coup de grâce à la «bête immonde». Cette nouvelle affaire projette l'avenir du groupe El Khabar au-delà du verdict final du procès déjà en cours. L'intention du pouvoir apparaît en effet dans toute sa clarté. On ne se suffit pas seulement de l'annulation de la vente des actifs du groupe. Econduire Rebrab n'est pas une finalité en soi. L'objectif ultime est de sceller le sort de la chaîne de télévision qui ne devrait pas survivre dans le scénario qui semble se préciser, même dans l'hypothèse de la reprise par l'ancien collectif de ses actions. Le clap est donné.