Un reportage diffusé sur France introduit les téléspectateurs dans l'intimité du World Philharmonic Orchestre, ce colossal ensemble de musique classique auquel sont associés plus de 80 pays. Au-delà de son gigantisme, le WPO - c'est ainsi qu'il se fait connaître - est une formidable expérience humaine et culturelle d'autant plus attachante qu'elle n'est sous-tendue par aucune arrière-pensée mercantile. Bien au contraire, le World Philharmonic Orchestra se voue à des tâches humanitaires, notamment en direction de tous les enfants du monde. Cet ensemble donne des concerts chaque année et les recettes sont reversées à des fonds d'aide actifs dans tous les continents. Ce WPO s'inscrit par ailleurs en faux contre l'idée reçue selon laquelle il y a une désaffection envers la musique universelle. Quand on considère la diversité des pays qui constituent cette formation, il serait plus correct de parler d'expansion de la musique classique à travers le monde. On découvre ainsi l'existence d'orchestres symphoniques dans des pays comme Oman, l'Indonésie, l'Iran ou la Bosnie-Herzégovine. Et dans tous ces orchestres, il y a cette passion dévorante des œuvres splendides des grands compositeurs qui ont fait la pérennité du genre. Le WPO intègre dans ses rangs les plus brillants solistes de ces orchestres symphoniques en activité dans le monde. Ils viennent d'Afrique du Sud, d'Egypte, de Jordanie, du Liban, de Syrie, autant de pays réputés peu accessibles à la musique universelle. En fait, ces pays ont consenti un effort méritoire pour la formation de leurs élites musicales sans se condamner à l'enfermement dans le terroir. Le succès du WPO démontre qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre les chefs-d'œuvre de la musique universelle et les expressions locales. Un Egyptien peut aimer écouter à la fois Oum Kalsoum et Brahms, un Libanais peut adorer Fairouz et Beethoven dans le même temps. Ce qui compte, c'est l'amour de la musique. Comment expliquer autrement que les plus grandes divas de la musique d'opéra viennent de Corée du Sud ou du Japon et que la Chine forme les plus brillants concertistes pour des instruments comme le piano ou le violon ? C'est d'abord une victoire pour le rapprochement des civilisations, même s'il est possible de rétorquer que l'inverse ne se produit pas vraiment, car l'Occident n'a pu que caricaturer l'Orient. Il faut prendre acte pourtant que dans des périodes de tensions et d'affrontements meurtriers, c'est la musique qui donne une assise à la paix. Les grands solistes qui sont dans le WPO sont des femmes et des hommes de conviction qui se sont donné la main sans se laisser arrêter par des motivations de nationalité, d'origine géographique ou de croyance. La musique transcende tous ces verrous qui empêchent l'établissement de relations sereines dans ce monde déchiré. Le bonheur est de jouer Berlioz, Stravinski, Brahms ou Tchaikowski et de comprendre l'émotion forte de l'œuvre jouée quel que soit le pays d'où l'on vient. Cette connivence de ces remarquables musiciens est un enrichissement, un triomphe de l'espoir contre la fatalité des incompréhensions définitives. L'action du WPO tient alors assez fortement dans la réconciliation du genre humain avec lui-même. La paix n'est jamais aussi merveilleusement assumée que lors de cette communion des musiciens du WPO avec le répertoire universel. Cette culture musicale vaut d'être un plus grand nombre de pays encore. L'un des plus beaux exemples vient du Venezula où il existe des orchestres d'enfants et plus de 50 000 musiciens. Cela ne demande pas la mise en œuvre de moyens pharaoniques, mais plus concrètement un sens aigu des stratégies d'évolution et d'adaptation aux enjeux d'une époque qui est celle d'une brutale mondialisation. Une période qui est aussi celle des mixages, des métissages et des rencontres productives. Lorsque, dans ce sens, était sorti Mozart l'Egyptien, personne n'avait crié au scandale ni jugé l'expérience ridicule. Le ridicule, c'est d'être en situation de ne pas voir que les choses changent et de s'acharner à refuser de participer au changement.