Ce n'est plus une vue de l'esprit, l'Algérie est bel et bien aux portes du FMI, redoutable institution internationale qui prête quelques sous aux pays en cessation de paiement en les soumettant à de lourdes conditions. L'Algérie a subi cette situation au milieu des années 1990 avec les néfastes conséquences que l'on sait sur les entreprises et la population. Si le gouvernement Sellal tente aujourd'hui d'éviter cette issue fatale, manifestement il le fait maladroitement. Les deux dernières tentatives — l'emprunt obligataire et la bancarisation de l'argent de l'informel — se sont même révélées un échec alors même qu'elles étaient présentées comme «révolutionnaires» (un taux d'intérêt à 5% et une variante de l'amnistie fiscale). Elles n'ont pas créé d'engouement au sein de la société algérienne et à l'intérieur du tissu économique national. C'est la démonstration que la crise que vit l'Algérie a besoin d'abord et avant tout de réformes majeures, brassant les domaines politique et économique. Les solutions strictement financières ne peuvent servir que d'appoints. L'Algérie a besoin d'un sérieux et profond diagnostic suivi de mesures audacieuses et d'envergure. Toute mise à plat devrait se faire sans complaisance, couvrant toutes les périodes écoulées, de l'après-indépendance à aujourd'hui, et loin des lectures officielles promptes à enjoliver les bilans. Le diagnostic ne peut émaner que de structures et de personnalités indépendantes. Quant aux autorités, elles interviennent en second lieu pour la formulation de nouvelles stratégies mais en étroite concertation avec les acteurs politiques, économiques et sociaux. Le voudront-elles ? Seront-elles capables de prendre en compte des points de vue autres que ceux développés par les instances gouvernementales ? Tiendront-elles compte des avis des partis politiques de l'opposition munis d'un programme économique ? Le pouvoir politique sera jugé sur cela, sur sa capacité à aller loin, sur sa volonté réelle de préparer une alternative au passage par le FMI. Les autorités ne doivent pas se draper de l'illusion du consensus pour imposer leurs propres règles. En tout état de cause, elles sont au milieu du gué avec une marge de manœuvre qui se rétrécit de jour en jour. Le temps presse, la crise s'aggrave un peu plus, le secteur productif, tant public que privé, est en panne faute d'argent, les investisseurs nationaux et étrangers ne frappent plus aux portes, les pénuries s'installent et cela dans un contexte de réapparition de la pauvreté avec son lot de désespoir et de tentation de recours à la violence. Le chômage frappe durement les centaines de milliers de jeunes qui arrivent sur le marché du travail alors même que la démographie entre dans un cycle de progression alarmante. Si l'Algérie est aux portes du FMI, elle est également guettée par le syndrome vénézuelien : un Etat pétrolier riche réduit à faire la guerre à son peuple, car ne pouvant plus lui assurer des conditions de survie. On n'en est pas encore là, mais le gouvernement ne démontre aucune volonté de bousculer l'ordre des choses de manière franche. Il a été jusque-là incapable ne serait-ce que de faire baisser les dépenses liées au fonctionnement de l'appareil d'Etat et de rectifier les politiques de transferts sociaux. Pis, après l'échec de l'emprunt obligataire et de la bancarisation de l'argent de l'informel, les autorités semblent tétanisées. Pour preuve, le silence du gouvernement issu du dernier remaniement ministériel. Il était pourtant censé relancer la «nouvelle doctrine économique» prônée par le Premier ministre, sans résultat jusque-là. Solution de facilité, les pouvoirs publics continuent de piocher dans les maigres placements financiers à l'extérieur, une cagnotte censée servir aux générations futures et qui se tarira définitivement dans une année.