Le gouvernement peut amener, avec un changement de monnaie fiduciaire, les rois de l'informel à déposer leur argent dans les banques Les conditions économiques dans lesquelles va être lancé cet emprunt obligataire laissent perplexes les spécialistes quant à son aptitude à absorber la masse monétaire interne qu'elle soit formelle ou informelle... Le gouvernement veut faire d'une pierre deux coups avec l'emprunt obligataire national qu'il va lancer: trouver de l'argent pour financer les projets et réduire les déficits, mais aussi absorber l'argent de l'informel. Une ambition qui pour beaucoup de spécialistes est un rêve pieux qui risque de subir le même sort que l'opération de bancarisation lancée en juillet dernier et qui s'avère être un échec cuisant. La solution «miracle» du ministre des Finances Abderrahmane Benkhelfa était devenue le symbole de l'échec du gouvernement dans la gestion de la crise actuelle. A tel point que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal a dû mettre le holà, en annonçant cet emprunt obligataire qui prend les allures d'un aveu d'échec. Néanmoins, les experts qui ne s'étaient pas trompés sur la viabilité de la bancarisation sont tout autant perplexes quant à cet emprunt obligataire. Ils sont formels en soutenant que les conditions économiques actuelles du pays ne sont pas là pour favoriser le bon déroulement de cette opération. Avec une inflation qui a atteint les 5% en 2015, qui risque d'être au double en 2016, et un dinar en chute libre, le taux de 5% d'intérêt fixé pour cet emprunt n'est pas aussi attrayant qu'il en a l'air. C'est vrai qu'il est beaucoup mieux rémunéré que les dépôts bancaires dont les taux tournent actuellement entre 1,75% et 2%, mais il reste très insuffisant pour que les Algériens en général et les financiers en particulier succombent à son charme. Ils offrent des rendements insignifiants pour des risques très importants. Le budget est construit sur un déficit et ayant pour ressource principale les hydrocarbures dont les recettes sont en chute libre. Il faut ajouter à tout cela des conditions exogènes liées aux croyances religieuses et qui fait qu'une grande partie de la société est contre les intérêts qu'un placement financier peut apporter. C'est le grand casse-tête de nos banques. On se souvient de la polémique des microcrédits, de celle des logements... On a du mal donc à imaginer les citoyens lambda se précipiter pour quelque chose qui va au-delà de leurs croyances et qui, surtout, risque de leur apporter que dalle! On a aussi du mal à imaginer que les «barons» de l'informel ramènent chacun sa «chkara» pour la donner à l'Etat sous la forme d'un emprunt obligataire alors que sous leurs matelas, elle leur rapporte beaucoup plus et ce, sans prendre le risque de montrer au fisc qu'ils sont riches. Les logiques économiques ou sociétales vont donc toutes à l'encontre de cet emprunt obligataire, qui, du reste, est une alternative judicieuse aux financements budgétaires, mais dans une vraie économie. Pas en Algérie où les capitaux circulant dans l'informel représentent 26% de la masse monétaire présente sur le marché. Selon la Banque d'Algérie, l'argent liquide circulant dans l'informel oscillerait entre 1000 et 1300 milliards de DA. Beaucoup se demandent donc pourquoi les autorités n'iraient pas vers un changement de monnaie fiduciaire qui obligerait les rois de l'informel à se rendre à la banque pour déposer et changer leur argent qui dans le cas contraire ne vaudrait plus rien. C'est une solution radicale qui ne donnera pas d'autres choix à l'argent de l'informel de retrouver le circuit formel si son propriétaire ne veut pas que comme on dit dans le jargon populaire «Imoutlou fi yadou kima double six»... Le gouvernement avait déjà lancé un ballon sonde au début de l'année sociale en jetant la rumeur à la consommation publique. La panique s'est vite emparée du monde de l'informel qui a commencé à changer ses dinars en euros, ce qui avait accessoirement fait flamber la devise dans la bourse du «Square» mais qui avait surtout montré que les barons de l'informel pouvaient frémir alors que la bancarisation les avaient laissés de marbre. Sans entrer dans les détails techniques et les avantages qu'un tel changement pourrait apporter au pays, il est quasi sûr et certain qu'une grande partie de l'argent informel sera absorbée. Le paiement électronique doit également accompagner cette révolution si on veut véritablement en finir avec la «chkara»... L'Argentine et le Brésil sont là pour nous inspirer...