Les Britanniques ont voté hier sur leur appartenance à l'Union européenne. Le résultat de ce vote se joue sur le fil, mais un sondage publié hier, en plein scrutin, a partiellement rassuré les marchés financiers en donnant vainqueur le camp du «Remain» (rester dans le giron européen) de quatre points à 52% contre 48%, avec toutefois 12% d'indécis. A l'issue d'une campagne passionnée, axée sur l'immigration et la prospérité économique, les électeurs se pressaient dans tout le pays malgré la pluie balayant certaines régions, dont Londres, pour déposer leurs bulletins de vote. Le résultat final devrait être annoncé ce matin et le Royaume-Uni pourrait alors devenir le premier pays à choisir de quitter l'UE après 60 ans de construction européenne. Dans les bureaux de vote, les électeurs étaient partagés, leurs témoignages traduisant les inquiétudes sur les conséquences d'un Brexit ou, à l'inverse, l'enthousiasme à l'idée de quitter l'UE. Hier, les journaux britanniques soulignaient le caractère historique du vote. «Le jour de l'indépendance», a titré le tabloïd The Sun (pro-Brexit), quand le quotidien The Times (pro-UE) parlait du «Jour du jugement dernier». L'enjeu est de taille et tous les dirigeants européens sont intervenus pour retenir les Britanniques, conscients que leur départ ferait peser une menace de désintégration du club des pays membres de l'UE. Outre les conséquences économiques immédiates pour le pays — forts remous sur les marchés, chute probable de la livre, emplois menacés à la City — un Brexit serait dommageable à plus long terme, ont prévenu toutes les grandes institutions financières internationales, du FMI à l'OCDE. Il ouvrirait aussi une période de turbulences politiques, avec un probable départ de David Cameron qui a lancé ce référendum. Il pourrait aussi conduire les nationalistes écossais, europhiles, à organiser un nouveau référendum sur l'indépendance de leur province. David Cameron, qui joue sa carrière et sa place dans l'histoire, a plaidé jusqu'au dernier jour pour convaincre ses concitoyens de rester dans l'UE, martelant que le pays y serait «plus prospère, plus sûr et plus fort». Clivage Côté Brexit, l'ex-maire de Londres, Boris Johnson, a pris la tête des conservateurs eurosceptiques et prédit des lendemains radieux aux Britanniques s'ils retrouvaient leur «indépendance». Voulant mettre un frein aux divisions qui rongent son parti conservateur sur l'UE, M. Cameron avait annoncé, en janvier 2013, qu'il tiendrait ce référendum s'il était réélu, ce qui fut le cas en 2015. Dans cette atmosphère toxique, le meurtre de la députée pro-UE Jo Cox une semaine avant le scrutin, par un homme invoquant la «liberté pour le Royaume-Uni», a sidéré le pays, sans que l'impact de ce drame sur le vote ne puisse être mesuré. Pendant ce temps, la livre britannique s'envolait face au dollar et montait aussi nettement face à l'euro, les cambistes pariant sur une victoire du camp du maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne alors que les Britanniques se rendaient aux urnes. «Un nouveau sondage penchant en faveur du maintien dans l'UE a entraîné un nouveau plus haut en six mois pour la livre (face au dollar, ndlr) et un bond des marchés d'actions au Royaume-Uni et en Europe», a commenté Jasper Lawler, analyste pour le courtier CMC Markets. Le Conseil des musulmans britanniques (MCB) en Grande-Bretagne a quant à lui appelé la communauté musulmane à voter contre le retrait britannique de l'Union européenne en reconnaissant que nombreux sont ses membres qui préféreraient un Brexit. Le président du MCB, Omer El Hamdoon, a indiqué à une agence de presse que la décision de soutenir le maintien britannique à l'UE émane de sa conscience que c'est un vote «important qui concerne les futures générations» et que les musulmans du Royaume-Uni «devraient soutenir une Europe plus forte». Il reconnaît toutefois que «beaucoup de musulmans sont pour le Brexit en raison des positions xénophobes et islamophobes de certains décideurs européens», ce qui «n'est pas le cas» des Britanniques, affirme-t-il. «Le Royaume-Uni est un bon pays pour les musulmans et les Britanniques, en général, ont toujours été tolérants et respectueux des autres religions et des différences des communautés ; ils méritent à ce titre d'être soutenus», a ajouté M. El Hamdoon. Pour le MCB, qui n'avait pas été impliqué dans la campagne, «sortir de l'UE, c'est courir le risque de perpétuer les clivages dans la société, ce qui augmenterait les crimes haineux contre les musulmans britanniques».