Il est temps d'ouvrir un débat serein sur les futures politiques de taux de change à adopter. Apparemment les mesures administratives sont entrain de donner peu de résultats. La balance commerciale se dégrade et pose le problème des réserves de change à moyen terme. Le problème est beaucoup plus grave que celui du déficit budgétaire. Ce dernier peut être financé par plusieurs moyens : endettement national, réduction des taux de réserve obligatoire et un minimum de création monétaire (indiquer clairement les limites). Ce n'est que si on épuise ces éléments que l'on puisse considérer l'endettement externe. Cependant, les déficits de balance de paiement influent directement sur les réserves. Le taux de couverture des importations par les exportations est passé de 74% durant les trois premiers mois de 2015 à 51% pour la même période en 2016. Il y a donc une sérieuse menace sur le niveau des réserves. A ce rythme là l'épuisement sera beaucoup plus rapide que prévu. Vu le déficit de productivité, une réduction drastique des réserves sera sévèrement ressentie par l'économie nationale. Nous avons les yeux rivés sur le budget. Chose tout à fait normale parce que c'est à ce niveau là que les conséquences les plus importantes d'une réduction des ressources extérieures se font sentir, en économie de rente. Cependant, les problèmes de balance de paiement sont plus sérieux et plus difficile à régler. Ce sont les difficultés de balance de paiement qui nous conduit droit aux couloirs du FMI. Il nous faut donc être plus vigilant sur la question. Les mécanismes d'interrelation entre balance des paiements et budget sont multiples et parfois complexes. Dans notre contexte, caractérisé par l'inertie de la productivité, la gestion prudentielle des réserves de change acquiert une importance considérable. Or, nous constatons de par l'expérience d'un très grand nombre de pays que les décideurs ont tendance à négliger les remèdes nécessaires jusqu'à ce que la question devienne intenable. Quelques expériences internationales Nous ne pouvons plus faire l'économie d'un débat sur la politique du taux de change au moment où les réserves s'épuisent rapidement. Mieux vaut prévenir que guérir. Les expériences internationales ne sont pas encourageantes à cet égard. Dans la plupart des cas, les décideurs politiques attendent que la situation devienne intenable pour accepter une dévaluation de la monnaie à son niveau «réel». Il est rare que les décideurs prennent les devants juste à temps pour laisser leur monnaie atterrir à son niveau réel. L'Argentine, l'Indonésie, etc., ont tous voulu garder un niveau surévalué de leur monnaie jusqu'à ce que les réserves fondent et le recours à l'endettement externe devienne difficile. Durant la crise asiatique, l'Indonésie, malgré les anticipations des marchés, les décideurs avaient préféré défendre la monnaie jusqu'à épuisement des réserves. Finalement, le pays accepta de laisser sa monnaie se diriger vers un taux de change plus réaliste. Il faut plutôt anticiper et éviter une telle situation. Le Nigeria vient de connaître l'un des pires épisodes de son histoire économique. La situation est la même : sacrifier les réserves pour garder un taux de change irréaliste. Depuis de nombreuses années, les autorités du pays ont refusé de dévaluer et ont commencé à sacrifier les réserves pour défendre une parité de la naira (monnaie nationale) indéfendable. Officiellement, au début de l'année, 1 $ valait 197 nairas. Mais sur le marché parallèle, le taux de marché, la valeur du dollar se situe à 390 nairas. Le taux officiel surévaluait la monnaie nationale de presque 100%. La plupart des économistes du pays avaient depuis longtemps averti les décideurs du danger des politiques qui consistaient à réduire la parité de montants symboliques et laisser la monnaie surévaluée. Ce n'est que récemment que le point de vue des autorités sur la question a évolué. Mais entre-temps, les réserves avaient fondu comme neige sous le soleil. Leur niveau a atteint 26 milliards de dollars c'est-à-dire six mois d'importations. Finalement, la réalité avaient eu raison de l'entêtement des décideurs, mais après quoi ? Les alternatives d'action Le schéma s'est répété maintes fois. Les dévaluations se font toujours sous la douleur et après que les réserves de change deviennent insignifiantes. En réalité, les décideurs ont deux et seulement deux alternatives : instaurer des réformes qui rendent l'économie nationale plus compétitive ou dévaluée. La première option serait la meilleure mais la plus délicate à mener. Peu de pays arrivent à améliorer leur compétitivité assez vite pour éviter une dévaluation importante. Il n'est pas aisé de qualifier les ressources humaines, d'améliorer le management national, de décentraliser et de prendre toutes les panoplies de décisions qui concourent à faire évoluer l'efficacité économique globale. L'ensemble des décisions qui contribuent à ces résultats prend du temps à se dessiner et à produire les résultats escomptés. Certes, un pays prend toujours les deux types de décisions en même temps : structurelles et conjoncturelles. Mais force est de constater que dans de pareilles situations, il faut faire vite et régler rapidement la question du taux de change. Cette dernière produit des résultats plus rapides. En fait, nos décideurs font face à plusieurs alternatives, chacune avec son lot d'avantages et d'inconvénients. La première concerne l'inertie : continuer à faire la même chose. Dans notre cas, on espère que le management administratif des importations produise des résultats importants. Pour le moment, les résultats sont décevants. Il faut alors réviser la stratégie ou les modes opératoires pour améliorer les performances de la balance des paiements. La seconde consisterait à dévaluer le dinar et faire en sorte que la parité, soit à son niveau d'équilibre. Il y a de nombreux inconvénients qu'il faut gérer à court terme : la hausse des prix à l'importation et donc l'envolée de l'inflation. L'Etat peut continuer à soutenir les prix des produits de première nécessité. Les résultats seraient nettement meilleurs si les subventions vont directement cibler les catégories de populations les plus faibles. Le débat sur les subventions est fort connu. Il y a un consensus pour les maintenir uniquement pour les catégories les plus vulnérables. La troisième alternative serait la meilleure, mais il faut convaincre les instances internationales qui l'ont toujours rejetée, surtout le FMI. Il faut alors négocier des dispositions transitoires. Cette pratique conviendrait le mieux à notre pays pendant une période transitoire. Il s'agit d'avoir deux types de taux de change l'un pour les produits indispensables (première nécessité, technologie, équipement de production) et le second librement déterminé pour le reste des produits. Cela conviendrait bien au type d'économie, comme celles de l'Algérie pour une période de transition vers un taux librement déterminé. Mais il faut convaincre les instances internationales. Ceci serait une question de communication, de relations publiques et de persuasion. Mais il faut agir vite. Les réserves s'épuisent. Et l'alternative du statut quo est la plus mauvaise des options.