Ils sont partout. Dans les axes routiers, à l'entrée de la ville, sous les ponts. Femmes, hommes et enfants. Des milliers de mendiants maliens, nigériens et syriens sillonnent les artères de la capitale en quête de charité. Ce sont pour la plupart des réfugiés qui ont fui les affres de la guerre au Mali et en Syrie. A Dar El Beïda, ces réfugiés ont élu domicile sous un pont. Ils ont installé leur camp aux abords du chemin de fer. Le passage des trains ne semble nullement les gêner. Des matelas et des effets vestimentaires occupent le moindre espace. Le rangement est sommaire, mais tout le monde se retrouve dans cette anarchie. Dans le camp, des femmes s'affairent à laver des ustensiles de cuisine ternes. Des enfants en bas âge jouent avec des branches d'arbres et boîtes de conserves. Au passage du train, l'alerte est vite donnée par les adultes. Aucun enfant ne doit se trouver sur le rail. Une fois le train passé, les adultes baissent la tension et les enfants réinvestissent le rail. Des hommes plus âgés, à la mine défaite, tiennent entre les mains des chapelets. Ils murmurent inlassablement des paroles incompréhensibles. La descente aux enfers ne semble pas les inquiéter outre mesure. Pour faire face aux besoins de leur progéniture, ils sont contraints de mendier. Très tôt le matin, les pères de famille, les femmes et les enfants partent en groupe. Munis de petits récipients, ils s'installent sur les glissières de l'autoroute et abordent les voitures qui passent. Ce n'est qu'en fin de journée qu'ils rallient le camp pour se retrouver entre concitoyens. Le camp a été démonté par les services de sécurité, il y a quelques jours. Cependant, à peine la vigilance relâchée, qu'ils ont repris possession des lieux, avec armes et bagages. Si la plupart de ces réfugiés de guerre sont obligés de quémander afin de nourrir leurs enfants, d'autres étaient mendiants dans leur pays d'origine. Pour eux, ce n'est que la continuité d'une activité lucrative héritée de père en fils. C'est ainsi que des familles syriennes entières de réfugiés se retrouvent sur les routes pour demander l'aumône. Elles n'hésitent pas à utiliser leurs propres enfants dans la mendicité. Que ce soit sous un soleil de plomb ou sous une pluie battante, les enfants n'ont jamais un moment de répit. Ils passent des journées entières à respirer la fumée toxique des voitures. Le laxisme des pouvoirs publics, quand il s'agit de mendiants adultes, peut se comprendre, mais quand il s'agit d'enfants qui sont exploités, il n'est nullement acceptable. «Quand une mère ne se soucie pas de sa propre progéniture, en l'exposant à tous les risques, elle est indigne d'être mère», confie un automobiliste. «Les pouvoirs publics doivent protéger ces enfants», conclut-il.