Il y a eu plus de 78 blessés, 50 ovins complètement carbonisés, plusieurs maisons endommagées par les flammes. L'un des quatre gazoducs reliant Hassi R'mel à Arzew a été littéralement déchiqueté par une explosion à la hauteur du douar B'khaïtia II, dans la commune de Si Abdelmoumène, à seulement 4 km au nord de Mohammadia. C'est jeudi, à 7h15, alors que les habitants du douar étaient encore plongés dans un profond sommeil, que la terrible explosion a eu lieu. L'intensité du choc sera telle qu'elle sera perçue dans les agglomérations de Aïn Nouissy, Mesra, Sirat et Fornaka dans la wilaya de Mostaganem. Le bruit sera encore plus violent à Mohammadia, Sig et Bethioua. Instantanément après l'explosion, une flamme gigantesque s'élèvera vers le ciel. Elle restera visible depuis les localités précitées jusqu'à l'extinction du feu qui interviendra au bout de deux heures d'un insoutenable cauchemar chez les habitants de B'khaïtia II, dont plusieurs familles resteront complètement piégées dans leurs habitations, alors qu'à l'extérieur, la chaleur dégagée par l'énorme incendie transformait tout un pan du village en véritable four. C'est un incontestable miracle si pendant tout ce temps, on ne déplore, selon les premières estimations effectuées auprès de la population, aucune victime. Toutefois, selon des témoignages concordants, plusieurs familles seront évacuées pour soins vers l'hôpital de Mohammadia. On citera, entre autres, le cas des frères Benaouda, Abdelkader et Mohamed Nouar ainsi que 8 membres de leurs familles qui ont été exposés aux flammes. En effet, leurs trois maisons étant les plus proches du lieu de l'explosion, ils seront deux heures durant exposés à une chaleur torride et suffocante. Les 33 brebis de la famille, retenues dans un enclos de fortune, seront calcinées. Un autre éleveur perdra 17 brebis. Les familles de Teguigue Bagdad, Teguigue M'hamed, Athmane M'hamed, Guennoun Ali, Diala Mohamed et Hasna Abdelkader seront également piégées par les flammes à l'intérieur de leurs demeures de fortune. Brûlés à différents degrés, les membres de ces familles seront évacués vers l'hôpital. Consécutivement à la psychose générale qui s'emparera de la population, ce sont des voisins moins exposés qui viendront leur porter secours. Ils seront vite rejoints par la Protection civile et les gendarmes de Mohammadia. Face à l'ampleur du brasier, toutes les brigades de la plaine de la Macta convergeront vers le lieu du sinistre. Totalement démunis face au feu, les pompiers ne feront que constater les dégâts jusqu'à l'arrivée de 3 camions d'intervention du RTO, relevant de Sonatrach. Mieux préparés que leurs collègues de la Protection civile, ils s'attelleront à répandre un liquide de refroidissement sur les habitations ainsi que sur le pipe en feu. Par ailleurs, l'incursion de brigands sans vergogne nous a été signalée par plusieurs citoyens dont les proches auraient été victimes de vols. Encore heureux que le gazoduc soit équipé d'électrovannes qui se ferment automatiquement dès la chute de pression à l'intérieur de la conduite. C'est ainsi qu'au bout de 2 heures d'enfer, le feu finira par s'estomper faute de gaz. Au niveau du point de rupture, un cratère de 4 mètres de profondeur aura été creusé. Le tube en acier a subi des dégâts sur pas moins de 30 mètres. L'intensité de l'explosion aura été telle que des scories d'argile incandescentes ont été projetées sur un rayon de 800 mètres, endommageant les lampadaires et les rares tuiles des maisons. Selon les déclarations d'un agent de Sonatrach rencontré sur les lieux, l'explosion du gazoduc serait due à la forte corrosion dont les stigmates sont visibles sur une plaque de métal arrachée à la conduite. En effet, des fissures sont nettement visibles, ce qui dénote la présence d'agents corrosifs dans le sol. Selon ce technicien, le point de rupture se situe au Kilomètre 473. Construit en 1982, ce pipeline est chargé de transporter du gaz à une pression de 50 bars, ce qui explique l'intensité de l'explosion. Toutefois, c'est le passage d'une véritable autoroute du gaz – pas moins de 4 gazoducs distants de quelques mètres l'un de l'autre- traversant les marais de la Macta, qui semble poser problème. Certains observateurs feront remarquer que cette zone humide, dont la salinité est légendaire, aurait due être évitée. Car en moins de 3 ans, c'est la seconde explosion qui est signalée dans la région. N'y a-t-il pas un risque à continuer à exploiter ces pipes ? Malgré l'optimisme de cet employé de Sonatrach qui nous déclarait que les réparations n'allaient pas excéder 48 heures, il y a à l'évidence une négligence coupable d'avoir laissé s'ériger ces bidonvilles tout au long des gazoducs. Certains citoyens n'hésitent plus à se rapprocher inconsidérément de ces tuyaux en acier de 52 pouces qui véhiculent un produit hautement inflammable. L'explosion de B'khaïtia II pourra-t-elle aider à mieux raisonner la construction des agglomérations et à remettre en cause la fiabilité des installations pétrolières qui traversent tout le pays ? Faudra-t-il continuer à se voiler la face alors que le danger est réel et, à voir l'état de dégradation des canalisations, probablement imminent ?