Le monde avait hier les yeux rivés vers Varsovie, la capitale de la Pologne, où a eu lieu un sommet de l'Otan qualifié de «crucial» par les membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. Crucial, car les participants à la rencontre devaient non seulement s'entendre sur la nouvelle feuille de route de l'Otan (nouvelle posture stratégique) mais également traiter du terrorisme et enfin adopter une conduite à tenir face au retour de Moscou en Europe et au Moyen-Orient. Dans les faits, l'essentiel des travaux de ce sommet a été consacré à la Russie, ce qui prouve que les Occidentaux sont davantage obsédés par la politique de Vladimir Poutine. Cela plus que n'importe quel autre sujet. Comme au temps de la guerre froide, les Occidentaux ont resserré leurs rangs et tenu à adresser un message ferme à la Russie dont l'implication en Ukraine est perçue comme une source d'inquiétudes. Depuis le début du sommet vendredi, les participants ont martelé que l'Alliance ne tolérerait aucun acte hostile sur son flanc oriental. «Nous sommes unis», a déclaré le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg, au deuxième jour du sommet qui se tient en présence du président Barack Obama et des dirigeants des 28 pays membres. La formule est-elle annonciatrice d'une nouvelle guerre froide ? Le discours de Jens Stoltenberg ne le laisse pas supposer. Le secrétaire général de l'Otan a d'ailleurs pris soin d'accompagner l'avertissement de son organisation de précisions : «Nous ne voyons aucune menace immédiate vis-à-vis d'un allié de l'Otan. Défense forte et dialogue constructif, tels sont les engagements sur lesquels est fondée notre relation avec la Russie.» Les mesures militaires prises par le sommet de l'Otan laissent néanmoins apparaître une méfiance viscérale des Occidentaux à l'égard de la Russie, un pays qu'on cherche clairement à contenir et dont on veut freiner les ambitions. Bouclier antimissiles et troupes Pour preuve, les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Alliance ont décidé vendredi de déployer quatre bataillons dans les Etats baltes et en Pologne. De nombreux spécialistes du dossier soutiennent qu'il s'agit là d'un défi sans précédent envers Moscou depuis la guerre froide. Concrètement, ce renforcement va, notamment, se traduire par l'envoi de 4000 hommes, encadrés par quatre pays (Etats-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne et Canada,), au plus près de la Russie. Au risque de provoquer un peu plus la colère de Moscou, l'Otan a également donné le coup d'envoi à la constitution de son bouclier antimissiles en Europe. Peu probable donc après cette décision que Moscou entende ou prenne au sérieux l'appel au dialogue de l'Otan. Les Russes y voient déjà une agression. Pour eux, le mal est fait. Le sénateur russe Frants Klintsevich, premier-vice-président du Comité de défense et de sécurité du Conseil de la Fédération de Russie, a estimé, à ce propos, que «le déploiement des bataillons de l'OTAN en Pologne et dans les pays baltes, outre le fait de mettre en fonction le système de défense antimissiles, constitue clairement des actes d'agression si on veut appeler les choses par leur nom». «La décision prise par l'Otan au premier jour de son sommet aura un impact extrêmement négatif sur la sphère mondiale», a-t-il ajouté. «Le sommet avait été qualifié d'historique par l'Occident, avant même sa tenue. C'est peut-être vrai, car on va devoir être face à une nouvelle réalité», a estimé le sénateur russe, soulignant que «le sommet de l'OTAN a fait augmenter le degré de tension à un niveau très élevé». «Je n'écarte pas l'idée que maintenant il va falloir attendre 10 à 15 années pour que le monde puisse retourner à ce qu'il était hier», a estimé Frants Klintsevich. Comment réagira la Russie à ces velléités d'encerclement de l'Otan ? Difficile à dire. Le cas ukrainien, encore pendant, laisse toutefois penser que le président Poutine ne se laissera pas faire. Une chose est sûre, tout cela n'augure rien de bon, surtout que le monde est déjà caractérisé par un chaos indescriptible. Et tout semble indiquer que le bras de fer entre l'Otan et la Russie n'en est qu'à ses débuts.