Comme tous les ans, le monde musulman va célébrer la fête de l'Aïd El Fitr dans la désunion et l'émiettement. Les musulmans rappellent, en effet, à chaque fin du mois sacré de Ramadhan que la oumma islamia (la nation musulmane) est une notion qui n'a qu'une très faible traduction dans la réalité. Comment expliquer, dans le cas contraire, que les musulmans ne commencent pas le jeûne en même temps et ne fêtent pas l'Aïd un même jour. S'il est vrai que l'Islam, à la différence du christianisme, est une religion qui ne s'accommode pas avec l'idée d'un clergé qui aurait pour mission de réguler la pratique du culte un peu comme le fait le Vatican, il n'est interdit nulle part aux musulmans de synchroniser leur calendrier religieux. Cela, d'autant que l'Islam prône l'ordre et le resserrement des rangs. Pourtant, il suffit de vraiment peu aux musulmans pour donner d'eux l'image d'une communauté moins embrouillée et qui sait vivre avec son temps. Une communauté qui ne se laisse pas entraîner dans des polémiques stériles, à l'image de celles opposant depuis des années religieux et astronomes portant, justement, sur la manière d'arrêter la date de l'Aïd El Fitr. Le fait, aujourd'hui, que la question n'ait pas été tranchée a conduit les pays musulmans à recourir aux procédés préconisés à la fois par les religieux et les astronomes pour fixer la date de cette fête. Le résultat, tout le monde le connaît : le monde musulman ou la oumma islamia célèbre deux fois l'Aïd El Fitr durant la même année. Une telle situation irrite bien entendu au plus profond la morale religieuse qui aurait voulu que tous les musulmans de la planète vivent en même temps les moments forts de leur religion. Aussi, la difficulté éprouvée par le monde musulman à trouver une issue à un débat aussi élémentaire - mais préjudiciable à tout point de vue - que celui de s'entendre sur la date renvoie en réalité à toute la problématique du refus des régimes de s'inscrire dans le sens de l'histoire. L'on comprend alors pourquoi l'organisation de la Conférence islamique et la Ligue arabe ne sont encore que des coquilles vides, juste bonnes à mettre des bâtons dans les roues des sociétés civiles arabes et musulmanes. L'on comprend aussi la raison pour laquelle nos pays seront encore incapables, et ce pour longtemps, de convenir d'un Smig politique ou de faire bloc en faveur d'une cause commune.