Le ministre du Tourisme, Abdelouahab Nouri, a lancé jeudi un véritable pavé dans la mare. Il affirme, sans donner plus de détail, que des parcelles de terrain appartenant au Parc Dounia, des Grand-Vents, à Alger, ont été données en concession. Si le ministre n'a pas mis de nom sur les faits qu'il aborde, il remet au-devant de la scène publique un des grands gâchis de ces dernières années. Car, ce projet, présenté dans un premier temps comme étant le nouveau poumon de la capitale, cache des affaires dont les Algériens pourraient bien se passer. Le vrai scandale, derrière ces centaines d'hectares pris à des familles et à la collectivité, ne va pas être révélé de sitôt. Parc Dounia est donc une histoire d'amour où se mêlent argent, politique et diplomatie. Dans le sillage des grandes annonces du gouvernement pour attirer des «investisseurs étrangers», l'ancien ministre de l'Environnement, Cherif Rahmani, signe, en fanfare, un contrat avec la société émiratie Eemar, pour la création d'un nouveau parc dans la périphérie ouest de la capitale. Pour trouver l'assiette de terrain, le gouvernement s'est appuyé sur la récupération des anciennes exploitations agricoles collectives (EAC) dont la propriété est passée du ministère de l'Agriculture à celui de l'Environnement. Mais cela ne suffit pas. L'Etat, qui a passé un accord avec le gouvernement émirati, a exproprié plusieurs propriétaires. Le motif ? «La construction d'un projet d'utilité publique» qui consiste en l'aménagement d'un parc public d'une superficie totale de 365 hectares. Les expropriations ont coûté à l'Etat environ 200 millions de dollars. Un coût qui aurait pu être plus élevé : au lieu des 100 000 ou 150 000 DA le mètre carré, les autorités ont indemnisé les propriétaires à hauteur de 20 000 DA le mètre carré. Les Emiratis, «qui ont acquis le terrain au dinar symbolique (environ 4 millions de dinars)», selon un ancien dirigeant qui a travaillé dans le domaine, passent à l'acte : après avoir réglé les problèmes administratifs, ils font connaître leurs propositions. Ils proposent de créer 20 000 logements promotionnels haut standing, deux villages touristiques, avec villas de luxe autour des lacs qui ornent le parc et un hôpital international. Pour cela, les Emiratis réclament une concession complète du site. Nous sommes donc loin, très loin, du projet d'utilité publique qui devait voir pousser des dizaines de milliers d'arbres et des espaces gazonnés qui devaient constituer une alternative au Parc zoologique de Ben Aknoun. Les Emiratis «ont investi du vent», avait résumé, en son temps, Ahmed Ouyahia, quelques mois seulement avant de quitter son poste de Premier ministre en 2012. Le changement opéré dans la nature même du projet a incité, donc, les anciens propriétaires expropriés à déposer des plaintes pour récupérer leurs terres. Ils ne comprennent pas comment on est passé du projet d'un parc naturel à celui d'un projet immobilier. Les affaires sont toujours en cours dans les tribunaux. Ce qui bloque d'ailleurs le projet dans son intégralité. Depuis 2014 et dans le but de donner un coup d'accélérateur au projet, les autorités ont décidé de confier la structure au ministère du Tourisme. Amar Ghoul, alors détenteur d'un super portefeuille qui englobait également l'Aménagement du territoire et de l'Artisanat, demande l'aménagement du site en octroyant des assiettes aux porteurs de petits commerces (fast-food, vendeurs de fleurs, de jouets…). «L'opération est impossible parce que, en principe, le site est accordé en concession à la partie émiratie. L'Etat ne peut donc rien faire», confie un connaisseur du site. Il reste maintenant à savoir pourquoi et pour quels desseins Abdelouahab Nouri a lancé une telle accusation. Ira-t-il jusqu'au bout ?