« 98 mois de hogra barakat », cet écriteau placardé à l'entrée de la Maison du peuple, siège de l'UGTA, à Alger, résume à lui seul l'état de désespoir dans lequel se sont embourbés les ex-travailleurs de l'entreprise des transports urbain et suburbain d'Alger (Etusa). Victime d'un « licenciement économique », comme il leur a été notifiés en septembre 1998, une trentaine de travailleurs de cette entreprise, toutes catégories professionnelles confondues, ont décidé de revenir à la charge en entamant depuis hier devant le siège de la Centrale syndicale une grève de la faim illimitée. « Nous sommes en grève de la faim jusqu'au règlement de notre situation conformément aux textes de loi et décrets législatifs du travail en vigueur », annoncent-ils sur une pancarte collée sur les lieux de leur retraite. Ces protestataires réclament leur réintégration à leur poste ou du moins des indemnités. Au début, la compression des effectifs au sein de l'Etusa avait concerné au total 302 travailleurs. Si 144 parmi eux, selon leurs témoignages, ont pu être admis à la CNAC, d'autres réintégrés à leurs postes, 36 cas se trouvent aujourd'hui ni réintégrés ni indemnisés et leurs dossiers rejetés par la Caisse nationale de chômage. L'un des travailleurs évoque 32 cas qui ont été repêchés par l'entreprise dans des conditions vagues. Alors que 11 concernés par ce licenciement qui ont pu avoir gain de cause au niveau de la justice, selon lui, n'ont pu être réintégrés à ce jour à leur poste. L'ex-directeur de l'unité 2 d'Alger, M. Kessab, regrette la non-application des décisions de justice. « Que le président de la République sache que les juges font leur travail, mais il n'y a pas d'application des décisions de justice », dénonce-t-il. Ce dernier réfute le motif qui a été retenu contre lui pour son limogeage, en l'occurrence « meneur de grève », laquelle a été déclenchée en 1998 par les travailleurs de l'Etusa. Pour lui, « c'était plutôt un règlement de compte et les meneurs d'hommes ont simplement été écartés ». Les travailleurs de cette entreprise avaient, pour rappel, recouru à une grève de 22 jours entre mars et avril 1998 pour protester contre le licenciement de l'ex-directeur de l'Etusa, M. Ziani. En septembre de la même année, un licenciement abusif avait été décidé. Depuis, une trentaine de ces travailleurs, totalisant pour la plupart d'entre eux de 10 à 30 ans d'ancienneté, vit dans des conditions dramatiques. « Deux de mes enfants se trouvent aujourd'hui en prison, je n'avais rien à leur donner, ils sont devenus des voleurs », regrette l'un des travailleurs, dépité, qui se dit prêt à mourir sur le parvis du siège de l'UGTA pour arracher ses droits. M. Belakhdar, faisant partie du lot de ces compressés, évoque comme origine de leur marasme actuel, « un PV de non-réconciliation non conforme ». « C'est ce PV qui a engendré la perte de nos droits », précise-t-il. Celui-ci dénonce le fait que les notifications d'admission ou de rejet ne sont jamais arrivées à leurs destinataires. « Les notifications ont été adressées à l'entreprise qui ne les a pas distribuées aux concernés », dénonce-t-il. Il regrette, également, que son entreprise opte pour un recrutement massif sans donner la priorité aux compressés. Or, selon lui, la loi 90-11 dans son article 69, confortée par la convention collective dans son article 57, donne la priorité aux travailleurs compressés. Ces ex-travailleurs manifestent aussi leur colère contre la désignation de cadres supérieurs au sein du syndicat de l'entreprise Etusa. « Le signataire du volet social qui représente le syndicat de l'entreprise et qui est un cadre supérieur est illégal. L'article 10 du statut de l'UGTA et l'article 97 de la loi 90-11 ne lui donnent pas le droit d'être désigné à ce poste », selon Belakhdar. Ce dernier témoigne aussi que des cadres en retraite, qui ont même bénéficié d'indemnités, sont toujours en exercice, alors que, selon lui, l'article 68 de la convention collective écarte cet état de fait. Cela dit, huit ans de combat de ces travailleurs n'ont pas suffi. « Plusieurs correspondances ont été adressées au ministre du Travail et de la Sécurité sociale qui sont restées sans suite. Nous avons été reçus par un sous-directeur du ministère des Transports et par le SG de l'UGTA, sans résultat », regrette M. Belakhdar. Aujourd'hui, ils se disent ne croire qu'en les personnes du chef de l'Etat et du chef du gouvernement pour régler leurs doléances, sans quoi ils n'écartent point de recourir à des actions plus spectaculaires, comme camper avec leurs enfants à Alger.