Onze ex-salariés de l'Entreprise publique du transport urbain de la wilaya d'Alger et ses environs (Etusa) ont entamé hier leur 4e journée de grève de la faim, dans la rue, sur l'esplanade de la Maison du peuple Abdelhak-Benhamouda. Affaiblis mais déterminés à “défendre leur dignité et leur famille”, ils offraient une mine grave, que la précarité du décor ne saurait minimiser : matelas d'éponge, couvertures usées aux couleurs locales, et des bouteilles d'eau minérale et du sucre en morceaux, ramenés par leurs collègues actifs de l'Etusa. Ces grévistes font partie des 302 travailleurs licenciés en septembre 1998 pour raison économique, à l'heure où l'entreprise comptait un effectif de plus de 3 000 agents. Une compression prévue dans le volet social, négocié par l'administration et le syndicat d'entreprise affilié à l'UGTA. D'emblée, la démarche est contestée par les personnes licenciées, qui exigent des explications sur le choix porté sur leur personne. “Le volet social ne mentionnait ni critères ni paramètres de compression. De plus, le syndicat a été représenté en 1998 par le chef de département des affaires sociales, ce qui est contraire à l'article 10 du statut particulier de l'UGTA”, a fait remarquer Mohamed Belakhdar, 42 ans et père de deux enfants, ayant exercé pendant 13 ans à l'Etusa. Un autre gréviste, en l'occurrence Mohamed Kharroubi, 52 ans, père de 11 enfants et comptant 19 ans de service dans la société de transport, a tenu également à s'exprimer en sa qualité d'ancien secrétaire du syndicat d'entreprise chargé de l'organique. Il a mis en exergue le “retard” mis par l'Etusa pour l'envoi des dossiers de 144 travailleurs compressés (le 27 avril 1999) à la Caisse de chômage (Cnac) pour le paiement de la contribution d'ouverture de droit (COD), en violation de l'article 22 du décret 94-09. Lequel article stipule que l'admission à la Cnac est effective 2 mois après la date de licenciement. “Même quand la Cnac a envoyé plus tard des notifications à l'entreprise pour 83 travailleurs licenciés, ces derniers n'ont pas été informés et n'ont toujours pas perçu leur COD”, a relevé ce fils de combattant de la guerre de Libération nationale. Selon lui, le licenciement pour raisons économiques présente “plusieurs anomalies”. Outre l'absence de critères de compression préalablement établis, 32 personnes ont été “repêchées” en octobre 1998 “mais on ne sait pas sur quelle base” et 36 autres ont vu leur dossier rejeté par la Caisse nationale de retraite “pour cause de non-cotisation de l'Etusa auprès de la Cnas”, tandis qu'un autre employé, du nom de Arezki Amari, a été complètement omis de la liste des bénéficiaires de la COD. “Il y a aussi 11 décisions de justice de réintégration à l'entreprise, certaines datent de 1999, qui ne sont toujours pas appliquées, alors que l'Etusa a recruté plus de 400 agents tous postes confondus en 3 ou 4 ans, en violation de la loi 90-11 et de l'article 20 de la convention collective”, a renchéri M. Belakhdar, en rappelant : “Parmi les travailleurs licenciés, 2 sont décédés, 2 autres ont perdu la raison, certains se sont exilés à l'étranger et d'autres ont divorcé.” Hier, les grévistes de la faim ont déclaré que malgré les démarches entreprises, pendant toutes ces années, auprès de “différentes instances” et en dépit des “nombreuses promesses de responsables”, près d'une centaine de salariés licenciés attendent à ce jour leurs indemnités. Ils ont reconnu que “les choses semblent bouger” depuis l'été dernier, surtout après la journée de protestation du 10 juillet devant le siège de la Centrale syndicale, avec l'implication du SG de l'UGTA et de la Fédération des transports (FNTT). Quelles sont les revendications des contestataires ? “Nous sommes les victimes des erreurs de l'entreprise et de plusieurs complaisances. Nous appelons tous les responsables, à commencer par le président de la République, pour nous intégrer à nos postes de travail, conformément à la loi 90-11, et nous indemniser pour toutes ces années restés sans travail”, a résumé Mohamed Kharroubi. H. Ameyar