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Remise sur rails du secteur économique
La privatisation en question
Publié dans El Watan le 30 - 10 - 2006

Depuis deux décennies, de nombreuses entreprises publiques à vocation industrielle et commerciale sont passées, partiellement ou en totalité, au secteur privé après avoir été du domaine de l'Etat. Cette vague de privatisations a été la conséquence du séisme universel qui a transformé les données géostratégiques du monde depuis la venue au pouvoir dans l'ex-Union soviétique de Nicolas Gorbatchev qui a conduit à la chute du mur de Berlin en 1989 et à la disparition de la conception marxiste léniniste du corps social et à l'émergence d'une nouvelle vision du monde ; celle de la globalisation ou du modèle néolibéral où la rentabilité domine et où le social a perdu son droit de cité.
Les crises économiques qui ont ébranlé le monde et le chômage qui s'en est suivi ont été les principaux facteurs qui ont amené le gouvernement à penser que le profit est le seul vecteur de la croissance ; c'est celle-ci qui génère des recettes fiscales et une augmentation des dépenses publiques. Les quelques déficits gouvernementaux ont également contribué à alimenter le débat en faveur d'un Etat réduit. Ainsi on préconise de nouveaux moyens pour sortir l'Etat de la crise :
Développer la recherche dans tous les domaines et imaginer une nouvelle division internationale du travail : les domaines de haute technologie et de grande valeur ajoutée réservés aux pays riches et des activités manufacturières aux pays émergents à bas pouvoir d'achat et à bas salaires.
Créer des multinationales qui dominent les secteurs vitaux des économies mondiales (Total Suez, Gaz de France, Alcatel).
Enrayer le chômage dans tous les pays industrialisés en monopolisant la haute technologie par un enseignement et une formation qui va de soi avec le troisième millénaire. La privatisation en Algérie n'est plus un sujet de discorde quant à son opportunité. A tous les niveaux décisionnels, l'accord est total. Sur le plan des principes, les pouvoirs publics actuels, par un travail d'explication de longue haleine, sont arrivés à convaincre les partenaires sociaux les plus impliqués dans ce processus, c'est-à-dire les travailleurs. Elle est cependant un casse-tête chinois à cause de l'incapacité de l'Etat à la réaliser. Elle demeure une charge pour les finances de l'Etat qui chaque année consacre aux entreprises à privatiser encore des subventions importantes car juridiquement, socialement et matériellement elles subsistent. Il s'agit donc de se débarrasser, d'alléger le budget de l'Etat des contraintes financières et sociales que lui impose en termes de charges le secteur qui a été construit en quarante ans et qui constitue une véritable hémorragie pour les finances publiques. Ce secteur, d'après les déclarations gouvernementales, est constitué de 1200 entreprises à privatiser. Celles-ci ne sont homogènes ni par leur dimension ni par leur nature. Elles vont de la petite entreprise commerciale communale à l'entreprise de wilaya à l'entreprise nationale dont parfois l'influence et l'activité dépassent les frontières. L'Etat a déjà réalisé diverses opérations dans ce domaine ; que ce soit au niveau des petites entreprises ou des grandes. De nombreuses entreprises locales ont été cédées aux travailleurs conformément aux textes adoptés dans ce domaine. D'autres grosses opérations ont été réalisées comme celles réalisées avec Henkel ou Sider. En résumé, les textes organisant la privatisation existent. Il s'agit donc de les mettre à exécution. Quel est donc le problème et pourquoi la privatisation tarde à se traduire dans les faits. Ceci tient à plusieurs raisons :
1. Si au niveau des autorités les décisions sont prises, les difficultés se rencontrent dans la pratique quotidienne de la bureaucratie. Il faut donc que cet aspect de l'opération soit revu, étudié et que les lenteurs et disons même que les intérêts cachés au sein de cette bureaucratie disparaissent.
2. Quoi qu'on dise, les entreprises sont pour la plupart des coquilles vides, des charognes qui se disputent des intérêts partisans. Dans ce cas, il faut mettre les exigences financières au deuxième rang et donner la priorité à la capacité managériale des repreneurs et à la conscience qu'ils auront à comprendre que l'Etat qui leur accorde d'énormes avantages a le droit et le devoir non seulement de sauvegarder les emplois qui restent mais à faire preuve d'innovation et de se mettre au niveau de l'économie de ce troisième millénaire.
3. Pour ce faire, créer un fonds spécial pour accompagner les repreneurs qui aura pour but de reconvertir et placer le personnel en surplus et leur fournir les moyens financiers pour exploiter les actifs financiers concédés.
4. Faire en matière de privatisation ce qui a été fait dans le domaine de l'immobilier en consentant des cessions symboliques à long terme aux repreneurs sérieux.
5. Supprimer le ministère des Participations et de la Promotion de l'investissement (privatisation) qui n'a constitué jusqu'à maintenant qu'un handicap aux objectifs de l'Etat dans ce domaine et le remplacer par une structure légère limitée dans le temps.
6. Institutionnaliser la participation des banques privées et publiques dans les entreprises dont le potentiel est avéré. Faire racheter par l'Etat les créances des banques sur les entreprises et créer un marché de celles-ci.
7. Donner la priorité en matière de privatisation aux entreprises agricoles et agroalimentaires pour diminuer les importations. Le premier marché à l'export de l'Algérie devrait être son marché intérieur, dans un premiers temps.
8. Envisager la cession des unités au lieu des entreprises afin d'accroître le tissu des PME et permettre aux privés algériens de constituer un réseau d'entreprises complémentaires les unes des autres.
9. Favoriser la privatisation de masse, au profit des cadres et des travailleurs des petites unités avec la mise en place des conditions de réussite à savoir faire un travail de lobbying pour :
créer un noyau dur d'actionnaires
former les managers
faire accompagner les entreprises par des structures de suivi spécialisées durant les premières années.
10. Banaliser le crédit par la création d'institutions financières spécialisées capables elles-mêmes de comprendre le niveau de motivation de l'entrepreneur et comprendre qu'il n'existe pas de crédit dénué de risque ; création d'une banque pour la PME qui aura également pour vocation de fournir des crédits aux cadres et travailleurs pour reprendre leurs activités. En résumé, la privatisation ne mérite ni le temps ni les fonds qui lui ont été consacrés : l'essentiel est de faire admettre aux acteurs sociaux que ce qu'on appelle privatisation n'est qu'un épiphénomène d'une politique erronée et que le seul remède est de pratiquer une opération chirurgicale en essayant de favoriser ceux qui, travailleurs ou cadres, ont sacrifié leur vie pour l'entreprise. L'Algérie dispose de potentialités qui lui permettent d'assainir son économie, retrouver un schéma de croissance, sans pour cela sacrifier la notion de profit sans laquelle aucune croissance n'est possible. Si le pays arrive à remettre l'économie sur rails et dégager plus de ressources pour les plus démunies ce sera le début du décollage de l'économie. Il est réconfortant de constater qu'en Algérie nous pouvons remettre l'économie sur le sentier de la croissance grâce à l'opportunité que lui a offert la conjoncture économique dans le monde et les atouts dont elle dispose. Comparée aux économies de pays du même niveau de développement que celui de l'Algérie, notre pays a vu le standard de vie réel et non statistique des Algériens faire un bond en avant incontestable sur le plan qualitatif et quantitatif depuis ces cinq dernières années. L'ère de la pénurie est devenue un souvenir et la croissance dans l'agriculture se confirme chaque jour. Depuis quelques années, on sent dans la réalité quotidienne que dans tous les secteurs le citoyen a accès plus facilement à ce qui fait l'essentiel de l'existence : l'eau, l'électricité, la santé, le logement. Le meilleur exemple qui parle de lui-même et que l'on peut constater à l'oeil nu est celui du multimedia. Notre pays est le plus parabolé au monde. Depuis 3 ou 4 ans le phénomène du téléphone portable et le renouvellement du parc automobile dans un délai record sont la preuve d'une incontestable amélioration du niveau de vie. L'émergence de la Chine sur le marché mondial a banalisé le produit de base dans tous les domaines et a permis à un quart de l'humanité non industrialisé à accéder à un certain confort. Il est vrai que des millions d'Algériens ne sont pas encore logés, mais des programmes sont en voie de réalisation et qui prennent forme. Dans l'enseignement, les réformes qui ont été introduites donneront certainement des résultats dans quelques années. Reste le problème lancinant du chômage. Celui-ci a commencé à trouver dans l'agriculture, grâce à la politique menée par les pouvoirs publics dans ce domaine, un début de solution.
L'auteur est Phd, professeur


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