Jusqu'au début de 1997, la République tchèque a fait figure "d'enfant modèle" de la transition en Europe de l'Est avec la permanence de la stabilité de la monnaie depuis 1991, un déficit budgétaire quasi nul (0,1 % du PNB en 1996) avec une inflation maintenue à 10 % et une croissance avoisinant les 4,4 %. La dévaluation de la couronne, le 26 mai 1997, a été perçue comme le premier coup de tonnerre dans un ciel serein, et a aussitôt provoqué un ébranlement de la coalition au pouvoir. L'année 1997 a marqué la fin des illusions concernant le "miracle" économique tchèque sans cesse exalté dans le discours aux accents ultralibéraux de l'équipe de V. Klaus, au pouvoir depuis 1993. La réalité révèle une situation préoccupante : la croissance du PIB a représenté à peine 1 % en 1997 contre 3,9 % en 1996 et 6,4 % en 1995. Après avoir diminué de 1,7 % au premier semestre de 1998, le PIB pourrait connaître une baisse de 1 à 2 % pour l'ensemble de l'année, et la dette extérieure s'élevait, en 1997, à 21 milliards de dollars. De surcroît, au premier trimestre 1998, les investissements étrangers semblaient avoir quelque peu déserté la République tchèque. La politique de rigueur mise en place lors de la grande crise financière de 1997 a entraîné une diminution des salaires réels de 3,6 %, conduisant à une baisse de la consommation privée de 4,5 %. Ce constat a été fait par Petr Fiser, ancien directeur de la section juridique du ministère des Finances de la République tchèque, dans le cadre du séminaire sur la privatisation tchèque, organisé hier conjointement par le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements et l'ambassade de Tchèque en Algérie. Selon Petr, la privatisation avait été un élément clé de la transformation économique de la République tchèque. Quelque 80% des moyens de production étaient passés sous le contrôle du secteur privé "la stabilité macroéconomique constituait un élément essentiel de la transformation et la meilleure garantie d'un climat favorable aux investissements. Le gouvernement appliquait une politique monétaire rigoureuse et s'efforçait d'équilibrer le budget, d'assurer une croissance stable à moyen terme et de réduire les charges fiscales. La compétitivité des entreprises avait été affectée par l'appréciation en termes réels de la couronne, mais des mesures étaient actuellement prises pour décourager les apports de capitaux à court terme et stabiliser les pressions inflationnistes, notamment grâce à un élargissement de la marge de fluctuation des taux de change", explique-t-il. L'ancien directeur tchèque a donné des détails sur le fonctionnement des fonds d'investissement pour la privatisation; les liens existant entre ces fonds et les banques n'étaient pas considérés comme négatifs. Il a précisé que l'objectif de la privatisation n'était pas de réduire la concentration pour ce qui était du contrôle des entreprises, mais d'assurer une gestion efficace. Les nouveaux propriétaires devaient se charger de la restructuration, sans aide publique. Toutefois, les entreprises des secteurs "stratégiques" (métallurgie, charbon, gaz, électricité et pétrochimie), dans lesquelles l'Etat possédait toujours une participation, ont été restructurées avant d'être privatisées ou avant que l'Etat ne réduise sa participation, au cas par cas. "La procédure de mise en faillite était lente parce que les tribunaux étaient surchargés, parce que l'on préférait restructurer les entreprises et parce qu'il fallait procéder à des négociations complexes avec les créanciers. Toutefois, de nombreuses entreprises non viables avaient été fermées", affirme-t-il. Prenant la parole, Libor Svoboda, questeur de l'université économique de Prague et ancien vice-ministre des Finances, a expliqué dans son exposé que le processus de privatisation des entreprises s'est déroulé en trois phases. La première, en 1992-1993, s'est concrétisée par la vente de coupons aux citoyens représentant un capital de 650 milliards de couronnes. Après la seconde vague, en 1993, la part des coupons rachetés par une dizaine de fonds d'investissements, partiellement contrôlés par l'État, s'élevait à plus de 50 %. La troisième qui devait ouvrir au marché les grandes entreprises nationales s'est pour part effectuée au rabais (jusqu'à 40 % du prix), et pour une autre part a été gelée. Au total, 85 % des entreprises sont passées aux mains d'actionnaires privés et 70 % des coupons ont été échangés contre des parts des 400 fonds de privatisation et d'investissements créés pour gérer le processus. L'État avait cependant conservé une participation importante dans la sidérurgie, la chimie, les services publics, l'énergie et dans certains secteurs à caractère stratégique. En ce qui concerne la privatisation des banques, c'est Michal Frankal, membre du conseil de l'Office des télécommunications tchèques et ancien député au Parlement qui a prit la parole. Ce dernier a déclaré que dans les années 90, la situation des banques tchèques était précaire du fait de l'ampleur de créances douteuses, ce qui rendait difficile leur vente au secteur privé. Toutefois le processus de privatisation des banques, enclenché dès 1996, concernait 4 banques, considérées comme facteur de la stabilité fiscale de la République tchèque, à savoir la Banque de commerce, d'investissement de poste, la Caisse d'épargne tchèque et la Banque commerciale. Ce n'est que deux ans plus tard que le gouvernement a pris sa décision. "C'était trop tard. Le bon moment était raté", explique Frankal tout en argumentant le fait que la période 92-95 était la plus propice au processus de privatisation des banques. La privatisation du secteur bancaire (les 4 banques) s'est achevée en 2001 à l'issue d'un processus long et coûteux. En chiffre, la privatisation des banques a coûté 5 milliards de dollars, les frais de transformation et de privatisation (17 milliards de dollars), les frais d'assainissement (4 milliards de dollars). La Banque de commerce, rachetée par KBC, une banque belge, à 2 milliards de dollars, la Banque d'investissement de poste rachetée par une banque chinoise, la Caisse d'épargne tchèque qui posait plus de problèmes du fait que la caisse était totalement vide, a été, enfin de compte racheté par une banque autrichienne pour 2 milliards de dollars et la dernière banque à être privatisée c'est la Banque commerciale qui a été racheté par la banque française Société générale pour 2 milliards de dollars également. Dans l'industrie automobile, la restructuration a été achevée. À la fin de 1997, l'État ne possédait plus que 1%. 66 % de ce secteur, le capital étant désormais réparti entre des investisseurs étrangers (42 %), des fonds d'investissement (10 %) et d'autres actionnaires (35 %).