Redonner vie à des lieux abandonnés, débattre de culture dans un hangar, regarder des films ou assister aux performances de graffeurs…C'est ce que vous propose, jusqu'au 22 septembre, le projet artistique El Medreb, organisé par le collectif Trans Cultural Dialogues à El Hamma (Belcourt). - Le projet El Medreb tend à se réapproprier des lieux abandonnés à Belcourt pour y invoquer différentes expressions artistiques. Pourquoi s'intéresser à des lieux désertés ? Nous nous sommes intéressés aux bâtiments abandonnés — car plus que de simples espaces, les bâtiments abandonnés sont gorgés de mémoire — car ils inspirent les passants, les artistes et même les experts. Ils traduisent le mythe, le récit et impactent la mémoire collective du lieu. En état de friche, ces bâtiments deviennent permissifs et l'espace par excellence d'actions alternatives et éphémères. La permissivité de la friche est propice à l'émergence de processus d'appropriation de la part d'individus ou d'associations à vocation culturelle ou pas. Les multiples interventions menées sur une friche urbaine impactent de façon incroyable le futur de cette dernière et parfois même permettent de changer le destin du bâtiment ou de tout le quartier. - Quel rôle ont joué les habitants du quartier ? Les habitants du quartier ont joué un rôle décisif dans la recherche. Ils nous ont expliqué leur quartier, ils nous ont raconté leurs histoires et n'ont pas hésité à nous ouvrir les portes de leurs maisons pour nous montrer des photos et même nous inviter à déjeuner. Nous avons rencontré des habitants qui se mobilisaient jour et nuit, même durant le Ramadhan, pour nous guider à travers leur quartier, nous offrir un café dans leur mythique Kahwa CRB. Sans eux, la recherche n'aurait aucun sens. - Comment s'est faite l'élaboration du programme du projet El Medreb ? La programmation n'est que le fruit de la recherche. Par exemple la programmation cinéma est venue suite au fait que beaucoup de cinémas d'El Hamma (Belcourt) ont été abandonnés, détruits ou fermés. L'activité «histoire en graffiti» est née du fait qu'on voulait illustrer tous les récits urbains récoltés lors de la recherche, une façon de se souvenir de la mémoire collective à travers des dessins, des images, des mots écrits sur les murs du quartier. Cette activité sera prise en charge par les graffeurs Ser-Das, ELMT, Sneak, El Panchow et Myriam Zeggat. Une table ronde a été programmée pour confronter des visions multiples d'architectes, experts, artistes, habitants et collectivités locales sur le sujet des bâtiments en friche et comment envisager la revitalisation de ces endroits oubliés et laissés à l'abandon dans nos villes. Par ailleurs, nous avons invités le Marocain Mohamed Faridji et le Tunisien Hatem Boukesra, qui travaillent depuis longtemps sur le sujet de la mémoire collective, la réactivation d'espaces abandonnés et l'expérimentation d'une culture de proximité dans des quartiers populaires afin de bénéficier de l'expérience de nos voisins. Ces derniers vont réaliser des ateliers avec les habitants du quartier pour la création du musée collectif d'El Hamma et des représentations théâtrales. Enfin, la «Zerda» d'El Medreb est une façon de réunir des personnes venant de différents backgrounds dans un même endroit, qui est un hangar abandonné, afin de partager plusieurs performances artistiques, dont l'activité «Parkour» réalisé par Algerian Parkour Family, une activité physique qui vise un déplacement libre dans les espaces, dans le but de franchir toutes les limites, celles de l'espace, du corps et de l'esprit, au son des musiques d'un compositeur algérien, El 3ou, qui remet des chansons algériennes anciennes au goût du jour. D'ailleurs, il composera une musique spécialement pour le projet El Medreb, inspirée des grands chanteurs chaâbi du quartier d'El Hamma. - Pensez-vous que le fait d'investir des lieux dans la ville qui ne sont pas forcément aménagés soit une manière de délaisser «la culture officielle» enfermée dans des galeries, des musées... ? Ce serait plutôt une manière de rendre la culture accessible à tout le monde et de dire qui est facile d'investir ces espaces quand on se donne vraiment la peine de le faire. Nous n'avons pas hésité à nous rapprocher de la mairie de Belouizdad ainsi que de l'OGEBC pour leur demander de mettre à notre disposition l'un de leurs hangars, ainsi que l'association Sidra pour faciliter les activités dans le quartier et d'autres sponsors.