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La crise expliquée par Mohand Amokrane Cherifi
Il parle des «limites» du système politique actuel
Publié dans El Watan le 19 - 09 - 2016

Le statu quo que connaît le pays est le résultat d'une convergence entre les intérêts occidentaux et ceux de notre système politique pour que rien ne change en Algérie.
C'est que qu'affirme Mohand Amokrane Cherifi, expert onusien et ancien ministre sous Chadli Bendjedid. La raison est qu'une alternative réellement démocratique constitue pour eux une perspective pleine d'incertitudes, avec le risque de remise en cause des rentes de situation politiques et économiques.
Ce membre de l'instance présidentielle du FFS, qui a pris part au débat sur la situation socioéconomique organisé samedi par ce parti, assure que ceux qui font la décision au sein du système savent bien que la source du problème est le système lui-même. Le refus d'aller dans le sens du changement demandé par toutes les forces de l'opposition démocratique s'explique par la certitude du régime que seul le statu quo va maintenir ses intérêts et arranger ses principaux partenaires occidentaux.
L'appui extérieur
Ce coordinateur exécutif de l'Alliance mondiale des villes contre la pauvreté dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) relève le «fort soutien» des pays européens et des Etats-Unis au régime qui leur assure, en contrepartie, l'approvisionnement en pétrole et gaz, un code des investissements libéral avec l'ouverture sans contrepartie du marché et une collaboration active dans la lutte contre le terrorisme et l'émigration illégale.
Le système, explique-t-il encore, s'appuie donc sur les ressources financières et le soutien des Occidentaux. Mais pour Mohand Amokrane Cherifi, cela ne suffit pas pour se maintenir durablement. N'ayant pas la confiance du peuple, le système est malgré tout en état de faiblesse, donc facile à influencer et à manœuvrer.
Les limites du système actuel, souligne cet ancien ministre, sont qu'il «ne pourra pas compter indéfiniment ni sur les ressources financières pour se légitimer socialement, car les ressources baissent et les besoins grandissent, ni sur la force, car il y a une limite à l'autoritarisme et à la répression pour gérer des conflits politiques ou des revendications sociales».
Une réalité effrayante
M. Cherifi se dit ainsi convaincu que «si deux générations ont vécu sans avoir pu exercer pleinement leur droit à l'autodétermination, ni joui de toutes les libertés démocratiques et de la protection d'un Etat de droit, la troisième génération actuelle mieux informée de ses droits de citoyen ne se laissera pas faire passivement comme ses grands-parents et parents».
La réalité est toute autre et rend inévitable un changement de système à plus ou moins brève échéance. Ce changement inéluctable pourrait être pacifique comme il pourrait être violent. Un changement qui viendra sous la pression conjuguée de la population et de la communauté internationale anticipant l'évolution de la situation interne.
Cet expert international décrit une réalité «explosive». Il évoque une rentrée difficile qui attend ceux qui ont un emploi : la précarité, un pouvoir d'achat en baisse avec de nouvelles taxes, la dévaluation du dinar et l'inflation en hausse, le recul des subventions aux biens et services essentiels. Il parle d'un chômage en progression, avec 400 000 nouveaux arrivants sur le marché du travail qui viennent s'ajouter au million de chômeurs de longue durée.
La colère monte
La jonction des jeunes chômeurs avec les anciens va faire un cocktail explosif. Mohand Amokrane Cherifi assure que «sans la solidarité familiale, le seul exutoire reste le travail informel, l'émigration clandestine, le travail des enfants, le vol et les trafics en tous genres, la mendicité et la prostitution». «La protection sociale et la création d'emplois sont nettement insuffisantes. Avec le recul de l'investissement et le projet d'un nouveau code du travail qui faciliterait les licenciements et limiterait le droit de grève, la situation va empirer», estime-t-il. Selon lui, la colère qui monte risque de conduire au chaos.
Le nouveau modèle de croissance que le gouvernement veut mettre en place est irréalisable pour la simple raison qu'il n'a pas l'adhésion des citoyens, des acteurs de la société civile et des partis politiques représentatifs. Le maintien de la gouvernance centralisée, avec un système de décision lent, opaque et non démocratique, empêche toute émergence d'une économie diversifiée basée sur des entreprises performantes.
Autre facteur handicapant, il y a la sous-traitance du développement à des firmes étrangères, à la recherche d'une rentabilité financière immédiate, sans garanties économiques et sociales et l'acte d'investissement contrarié sur le plan des procédures, du financement et de la corruption. Ainsi donc, Mohand Amokrane Cherifi conclut par la nécessité du changement du système politique pour provoquer une véritable dynamique socioéconomique génératrice de richesses et de développement.


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