Décentralisation du pouvoir, autosuffisance alimentaire, préservation des ressources naturelles, réhabilitation des services de base, telles sont les grandes lignes exposées et préconisées par Mohand Amokrane Cherifi, expert et ancien ministre du Commerce, lors de la conférence économique et sociale organisée par le FFS, hier, à Alger. M. Cherifi plante le décor, en rappelant que les contextes régional et international ont changé depuis la crise économique qui frappe l'Europe. Selon lui, les pays de l'OCDE ont changé leurs stratégies en fonction de leurs intérêts économiques et stratégiques qui consistent à capter les matières premières des pays arabes et de l'Asie. «C'est une mondialisation prédatrice (…) Notre souveraineté se trouve visée, sinon menacée», prévient-il. Selon lui, les chantiers sont immenses et le plan d'action du gouvernement se révèle «insuffisant». Sur le plan économique, le président du comité éthique du FFS plaide pour une décentralisation du pouvoir en faveur des collectivités locales et de l'entreprise nationale. «Aucun pays ne s'est développé sans un transfert du pouvoir vers les collectivités locales. La gestion est tellement centralisée que les investissements n'arrivent pas à se mettre en place. Les entreprises n'ont pas un droit décisionnel», indique l'orateur, soutenant qu'il faudrait soustraire le capital national à l'emprise du capital étranger. Selon M. Cherifi, le gouvernement, en instituant la loi dite 51/49 sur l'investissement étranger, a commis «une erreur stratégique». «Il fallait être dominant dans les secteurs stratégiques (télécoms, cimenteries…)», insiste-t-il, rappelant que le FFS a toujours prôné la préservation des secteurs stratégiques. Si l'Algérie dispose d'un bas de laine confortable, le régime, selon ses dires, «ne sait pas» comment s'y prendre. «Que deviennent les réserves de change, le fonds de régulation des recettes et l'or ? Où sont-ils placés et à quel taux ? Y aurait-il une garantie que ces fonds ne seraient pas gelés en cas de conflit majeur ?», s'interroge le conférencier, soulignant que des comptes de certains pays, comme la Libye et l'Iran, ont été bloqués par les puissances occidentales. Evoquant le sujet des hydrocarbures, il appelle le gouvernement à ne plus accorder de nouvelles autorisations d'exploitation aux multinationales. «Il faut conserver ces ressources et extraire seulement pour les besoins du financement de notre économie. L'argent dans les banques n'est pas bien exploité», dénonce cet expert onusien. Celui-ci est contre l'exploitation du gaz de schiste, piste actuellement à l'étude au niveau du gouvernement algérien. Pour M. Cherifi, les techniques d'exploitation du cette ressource demeurent expérimentales et constituent un grand danger pour l'environnement. Autre sujet abordé : les importations massives. M. Cherifi estime nécessaire d'aller vers une autosuffisance pour certains produits alimentaires, dont le blé, le lait et les viandes. Sur le dossier de l'adhésion à l'OMC, l'Algérie fait «fausse route». «Nous n'avons pas de produits à exporter, excepté le pétrole», dit-il, préconisant une ouverture «progressive» de l'économie nationale. L'intégration régionale devrait passer avant toute autre intégration et le développement économique, tributaire d'une volonté politique, doit «coller aux aspirations de la population», relève cet expert auprès du PNUD. Sur le plan social, M. Cherif estime que l'Algérie accuse un grand retard en matière d'infrastructures de base. L'urgence consiste, à ses yeux, de garantir aux populations un accès facile aux services sociaux de base, comme l'eau, le transport, l'électricité et les soins. Autre échec soulevé, celui de l'école qui «n'est pas adaptée à former un citoyen ou un cadre de l'économie». La crise du logement et celle du chômage constituent par ailleurs des bombes à retardement. «Le statu quo est suicidaire (…) Dans les 20 prochaines années, on aura plus d'habitants, la crise du logement et du chômage sera exacerbée et les ressources naturelle vont encore diminuer. Si l'on ne répond pas aux aspirations de la population, ça va éclater», alerte-t-il.