La guerre d'Algérie a été instrumentalisée dans le débat politique par le député Claude Goasguen… La détestation des musulmans mélange bel et bien les genres. De la centrifugeuse politicienne passée dans le bain des médias, il en ressort un verbiage de plus en plus dangereux pour l'équilibre social en France. Un brin de Maghrébins non intégrés, un soupçon de guerre d'Algérie mal digérée, un zeste d'immigration «qu'on n'a pas su contrôler depuis 30 ans», l'islam de France ou l'islam en France «ingérable», le terrorisme dont les musulmans sont rendus coupables et, nouveauté, la démographie de l'Afrique qui «nous menace», telle que définie par un ancien président, Nicolas Sarkozy, et par un de ses soutiens, le député Claude Goasguen. Qu'est-ce qui pousse ces politiciens à développer un discours qui s'apparente de plus en plus à de la manipulation d'opinion ? Ainsi, dans un débat sur la chaîne de télévision parlementaire LCP, le député Claude Goasguen (parti de droite Les Républicains s'est laissé aller à quelques étonnants propos. Outre l'Afrique «débordante», il a remis la lointaine guerre d'Algérie dans l'actualité. Ainsi, a-t-il énoncé sans demi-mesure : «Nous n'avons pas voulu voir l'immigration avec les yeux qui étaient ceux des hommes politiques lucides. Nous avons un problème avec les Maghrébins, incontestable. Cette affaire de la guerre d'Algérie a été très mal perçue par la communauté musulmane maghrébine de la troisième génération mais aussi par certains Français. Elle ressort. Aujourd'hui, il faut avoir le courage de l'aborder non pas dans la discrimination, mais franchement...» Il n'en dira pas plus, car le journaliste passa déjà à autre chose. Si cela n'y suffisait pas, il a aussi clamé son dédain envers des centaines de milliers de citoyens étiquetés musulmans : «Je ne suis pas sûr, pour connaître bien la communauté musulmane, que le chemin de la communauté musulmane soit sur la direction d'une identité heureuse. Je dirais même qu'elle m'inquiète de plus en plus, cette communauté musulmane. Elle est absente. C'est vrai qu'il y a des personnalités musulmanes qui viennent de temps en temps passer à la télévision. Mais des millions de musulmans - vous imaginez ce que ça représente pour des millions de musulmans, ce qui se passe en France en ce moment, quelle peut être leur réaction ? Est-ce que vous auriez, vous... par exemple si des catholiques venaient assassiner d'autres personnes en France, mais je serais le premier à descendre dans la rue pour sanctionner les catholiques en question vigoureusement.» «Goasguen empoisonne le débat par ses déclarations scandaleuses» Nous avons demandé à Abdallah Zekri, secrétaire général du Conseil français du culte musulman et président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, son sentiment sur cette nouvelle fièvre verbale : «Claude Goasguen dénigre les Maghrébins et la communauté musulmane, il discrédite et empoisonne le débat par ses déclarations scandaleuses.» Sur l'injonction toujours répétée que les musulmans se positionnent face au terrorisme, Abdallah Zekri rappelle que les Maghrébins «n'ont pas à se justifier des horreurs politiciennes et militaires commises par des monstres». Concernant ce rappel d'une guerre d'Algérie qui a abouti à une indépendance trop chèrement acquise, «Claude Goasguen est dans la nostalgie de l'Algérie française dont il fut un farouche partisan dans sa jeunesse et afflige le musulman de tous les maux». Il rejoint, par là, son mentor, l'ex-président Sarkozy qui, depuis qu'il a retrouvé le chemin de l'activité politique, s'en est pris publiquement par deux fois à l'Algérie. M. Zekri le souligne clairement : «Claude Goasguen, dépassé par le temps, pêche à contre-courant et sème la haine et la discorde entre les Français dans des hypocrisies politiciennes extrémistes pour des enjeux électoraux en faveur de Sarkozy.» Une démarche où il fait «l'amalgame entre la guerre d'Algérie, le mal être des jeunes de banlieues et le terrorisme». Abdallah Zekri souligne que Claude Goasguen est, pourtant, membre du groupe d'amitié France-Maroc de l'Assemblée nationale, une position ambivalente, «à moins qu'il fasse la différence entre Maghrébins Marocains et Maghrébins algériens !» «Ce qui n'est pas douteux puisque M. Goasguen a aussi déclaré que ‘les jeunes Français d'origine algérienne ne se reconnaissent plus dans la France', concluant : ‘Nous avons un problème avec la guerre d'Algérie» Enfin, il faut aussi rappeler que le CFCM avait poursuivi le député en 2015 pour des propos islamophobes incitant à la haine raciale devant le tribunal correctionnel de Nîmes. Hélas, d'autres propos venant d'un personnel politique rivé sur les urnes de 2017 alimenteront de nouveau la chronique insatiable : «Nous serons très vigilants sur ses prochaines déclarations, ainsi que sur celles de ses amis politiques qui se laisseraient aller à des propos diffamatoires, racistes et stigmatisant envers les Français de confession musulmane, en cette période de campagne qui, malheureusement, vire au populisme.»