Le contentieux entre l'Algérie et la France ne semble pas avoir pris fin. Du moins sur le plan mémoriel. Plus d'un siècle après, 36 crânes de résistants algériens tués par l'armée coloniale puis décapités sont toujours conservés dans des cartons au sous-sol du musée de l'Homme à Paris. Boubaghla, à la tête d'une forte insurrection en Kabylie, cheikh Bouziane, Issa El Hammadi, Si Moussa Al Darkaoui, Mokhtar Al Titraoui, ainsi que d'autres résistants algériens ont combattu «l'ennemi français» à la fin du XIXe siècle. Les crânes font partie des collections anthropologiques du musée de l'Homme à Paris, mais ne sont plus accessibles au public. C'est l'historien Farid Belkadi qui, faisant un travail de recherche sur Boubaghla, a découvert que certains fragments des corps étaient conservés au musée de l'Homme depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans sa collection ethnique. Ils proviennent de nombreux résistants tués ou emprisonnés lors de nombreuses batailles contre l'armée coloniale. Interrogé par France 24, le directeur du Muséum national d'histoire naturelle, Michel Guiraud, a expliqué que «ces crânes proviennent de diverses collectes souvent issues de missions d'exploration qui avaient lieu au cours du XIXe siècle». Il a ajouté que sur les 1800 crânes conservés au musée, seule l'identité de quelque 500 crânes est connue, dont 36 appartenant à des résistants algériens. Après avoir été conservés par des collectionneurs, ces crânes ont été ensuite cédés au musée de l'Homme en 1880. Ce dernier ne sait pas quoi en faire. «ça reste des objets scientifiques, ajoute le directeur du musée. Le fait que ce soit des restes identifiés rajoute un élément, ce n'est pas un élément scientifique, mais plutôt moral puisqu'il peut y avoir des descendants qui peuvent réclamer ces crânes. Cependant, personne ne les a réclamés.» Pourtant, une pétition qui a rassemblé près de 30 000 signatures, dont des historiens (voir El Watan du 25 mai 2016) avait été lancée pour demander aux autorités algériennes de rapatrier les crânes. Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, pour sa part, déclarait en juillet dernier que des démarches étaient entreprises auprès des autorités françaises pour permettre leur récupération. «En collaboration avec notre ministère des Affaires étrangères, nous œuvrons à la récupération de ces restes pour leur donner une sépulture digne. Des rencontres se tiennent régulièrement dans ce sens», avait-il affirmé lors d'une rencontre à Oran. Pour Farid Belkadi, chercheur et historien, cité par France24, la place de ces crânes ne doit pas être au musée de l'Homme : «Ces crânes n'appartiennent pas à des voleurs ou à des bandits. Ce sont des résistants algériens, comme Cherif Boubaghla, qui était à la tête d'une puissante insurrection en Kabylie au début de 1850, ou cheikh Bouziane, héros de la bataille de Zaatcha en 1849. Ils doivent être enterrés dans leur pays.»