Abordée dans les débats depuis plusieurs années et mise en valeur par les experts, les Organisations non gouvernementales (ONG) et les institutions internationales, l'Evaluation des politiques publiques (EPP) tarde à trouver un terrain propice faute d'organisation, de moyens, et pour bon nombre d'observateurs, faute de volonté politique. Et pourtant, c'est une piste qui mène droit vers l'amélioration de la dépense publique, la lutte contre la corruption et l'établissement d'un système de bonne gouvernance. L'urgence de mettre en place une autorité dévaluation a été soulignée à maintes reprises bien avant l'amorce de la chute des prix du pétrole. Le collectif Nabni, faut-il le rappeler, dans son rapport Nabni 2020 a déjà appelé à la mise en place d'un cadre indépendant d'EPP, à travers la contractualisation, à des organismes indépendants, privés, ou relevant de la société civile ou des centres de recherches pour l'évaluation de toutes les nouvelles interventions dans le domaine économique, avec transparence totale sur les résultats et les données collectées. «Il est plus que temps de le faire. Dès le lancement de Nabni, en 2011, nous avons proposé de mettre l'amélioration de la gouvernance publique au cœur de tout projet de réforme. Dans le rapport Nabni 2012, dans la 100e et dernière mesure, nous proposions de renforcer l'implication de la société civile et de l'expertise nationale dans le débat sur les politiques publiques. Dans le rapport Nabni 2020, le chantier 42 proposait la création d'une agence indépendante d'évaluation des politiques publiques», nous rappellera à ce sujet le porte-parole du collectif. Et de poursuivre : «Avec ces deux types d'intervention : une évaluation citoyenne, locale et de proximité ; une évaluation indépendante, systématique et experte, nous pensons que nous arriverons à améliorer l'action de l'Etat et la vie des citoyens et réduire les gaspillages – cette dernière dimension est de plus en plus critique pour l'Algérie». Absence de données exhaustives C'est en effet le cas actuellement avec l'urgence de rationaliser les dépenses et d'adopter une politique de diversification économique solide face à la baisse des prix du pétrole. Mais faudrait-il aussi évaluer toutes les mesures appliquées dans ce cadre (exonérations fiscales, assainissement des entreprises publiques). Et ce d'autant qu'on a assisté au cours de ces dernières années à de nombreux programmes qui ont donné lieu à de maigres résultats et de surcroît entachés par des affaires de corruption et de tentatives de détournements, même si les représentants du gouvernement tentent de les minimiser. Cela pour souligner encore que le travail d'évaluation qui se fait attendre, surtout en l'absence de données fiables. Lesquelles sont, faudrait-il le reconnaître, difficiles à ramasser en l'absence d'un système d'information fiable et face au manque de coordination entre les différents acteurs concernés par les opérations d'évaluation. Logements, emplois, transferts sociaux… Des opérations qui ne répondent pas uniquement, selon les experts, à un impératif budgétaire. Mais c'est aussi dans le souci d'améliorer l'efficacité de l'intervention publique, à condition de disposer d'une information objective permettant d'identifier les politiques et les dispositifs produisant les résultats. A condition également de disposer d'une organisation propre dédiée à la réalisation de ce type d'actions, tant au niveau central qu'à celui des collectivités locales ou même des entreprises. Le cas de la politique d'investissement n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Il y a eu à titre d'exemple les différents programmes de mise à niveau des entreprises, l'appui à la création d'emplois via les différents dispositifs (Ansej, CNAC…), la privatisation, les formules dédiées au logement, les différents plans de développement agricole, les transferts sociaux, le projet de l'autoroute Est-Ouest et les quelques exemples de partenariat public-privé. Autant de dossiers qui n'ont pas fait l'objet d'évaluation exhaustive. D'où l'appel pressant pour l'institutionnalisation de l'EPP. La semaine dernière, une table ronde a regroupé à l'Institut supérieur de gestion et de planification experts, députés et représentants du Conseil national économique et social (CNES) autour de cette thématique. Une rencontre initiée par le Réseau national d'EPP (EvalDZ), lancé, pour rappel en octobre 2015, par un collectif d'experts et universitaires algériens. L'Agenda tracé par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour la période 2016-2030 en vue de réaliser les 17 Objectifs de développement durable (ODD) explique cette démarche lancée dans le cadre d'une initiative mondiale EvalParteners. En Algérie, le réseau est toujours à ses débuts même s'il compte de plus en plus d'éléments, dont des membres du collectif Nabni. Une année après son lancement, il n'a pas encore réussi à avoir un cadre légal (agrément) face aux lenteurs administratives. «La mobilisation de l'expertise nationale, sa formation et le développement de ses capacités peut être d'une aide précieuse pour les institutions publiques», estime à ce sujet Abdelkrim Boudra. Pourvu que l'administration joue le jeu en mettant fin aux blocages et en apportant son appui à de telles initiatives. Commençons d'abord par évaluer réellement l'impact de la crise avant d'essayer de faire passer le message de l'austérité et de parler perspectives.