Dans un contexte dramatique marqué par la mort, la semaine dernière, d'un enfant de 3 ans noyé dans la bâche d'eau dans l'enceinte même d'une crèche à Oran, beaucoup de parents se posent la question: «Nos enfants placés dans les crèches sont-ils entre de bonnes mains ?» Le nombre de femmes actives ne cesse d'augmenter et la demande sur les crèches ne fait que croître, créant un déséquilibre entre l'offre et la demande. C'est ainsi qu'on retrouve des crèches qui ne répondent pas aux normes et qui emploient un personnel non qualifié. Des centaines d'enfants subissent en silence les conséquences, parfois désastreuses, dues à des incompétences au sein des crèches. Mais les plaintes ne viennent pas uniquement de parents. «J'ai vu des employées à la crèche manger les repas des enfants. Si les enfants ne mangent pas assez rapidement, elles n'ont pas de patience, donc soit leur repas est détourné, soit il est jeté pour faire croire aux parents que l'enfant a tout fini», explique Mlle Asma. Cette jeune fille qui a travaillé dans deux crèches à Bir El Djir et à Oran pendant près de deux années a dû quitter ce domaine à cause de plusieurs défaillances. «Pour les enfants en bas âge, certaines éducatrices ne prennent pas la peine de leur changer leur couche. Cette dernière n'est changée que peu temps avant l'arrivée des parents, sans parler des punitions, des châtiments corporels et des insultes. Les parents doivent rester attentifs aux réactions et aux paroles de leurs enfants quand ils les récupèrent en fin de journée sous peine de passer à côté d'une maltraitance», ajoute-elle. «Si des parents se plaignent de la mauvaise prise en charge de leur progéniture dans ces établissements, la responsable leur explique qu'ils peuvent récupérer leur enfant quand ils veulent parce qu'elle a une longue liste d'attente», explique Mlle Asma. «Il n'est décidément pas facile pour des parents de partir pour une longue journée de travail en toute confiance. Les gérants de ces centres trompent les parents à qui ils interdisent de pénétrer à l'intérieur des établissements», témoigne Djamila, mère de famille. «L'année dernière, j'ai placé ma fille de 4 ans et demi dans une crèche à Maraval. Je devais la récupérer à 17h. Mais pour le premier jour, j'ai décidé d'aller un peu plus tôt. J'étais surprise de trouver ma fille et tous les autres enfants assis à même sol dans la cour sous un soleil de plomb à attendre leurs parents. J'ai pris ma fille et je ne suis plus jamais revenue». Aussi, certaines garderies accueillent les enfants dans des endroits qui ne répondent à aucune norme. Des garages et des caves sont même transformés en crèches. «Même quelques crèches reconnues par les autorités ne se conforment pas à la loi. Les gérants se font des fortunes au détriment du bien-être des enfants. Les salles sont étroites, le mobilier est vétuste. Ils ne respectent pas le nombre d'enfants autorisé (1,40 m2/enfant au minimum). Ils préfèrent recruter un personnel sans niveau d'instruction, car ça coûte moins cher. Or, le personnel spécialisé est capable de protéger et aider l'enfant et détecte certaines maladies comme l'autisme et les difficultés dans l'apprentissage», dira une directrice de crèche implantée à Maraval. Pourtant, le décret exécutif n° 08-287 du 17 septembre 2008 fixant les conditions de création, d'organisation, de fonctionnement et de contrôle des établissements et centres d'accueil de la petite enfance est clair à ce sujet. Mais entre la loi et la réalité, il y a un monde. Heureusement, toutes les crèches ne sont pas comme cela. Suite au dernier drame qui a coûté la vie à un enfant, une campagne de contrôle de toutes les crèches a été lancée. Officiellement, il est recensé au niveau de la direction de l'Action sociale, 342 crèches sur tout le territoire de la wilaya. Mais, ce chiffre est loin de refléter la réalité.