Il est des problèmes qui demeurent insolvables en dépit des bonnes volontés et des efforts consentis des décideurs. C'est le cas du triptyque pédagogie-transport et hébergement au niveau des universités et centres universitaires à travers l'ensemble du pays. La rentrée 2016-2017, à peine entamée, a déjà annoncé la couleur. Les étudiants grincent des dents et l'administration se justifie. L'étudiant universitaire d'aujourd'hui est-il davantage exposé à des conditions sociopédagogiques peu aisées qui rendent son cursus compliqué ? A priori, oui. Des recoupements d'informations font état de malaise dans plusieurs universités du pays : surcharges des cités d'hébergement, insuffisance de moyens pédagogiques et du transport. «Chaque rentrée universitaire s'accompagne d'un lot de problèmes qui ne sont en fait que l'accumulation de ceux abordés l'année dernière et qui n'ont pas été résolus», selon l'Union générale des étudiants libres (UGEL), section du campus Mentouri. Cette dernière a d'ores et déjà alerté, à travers un communiqué, sur le retard dans le début des cours, les dysfonctionnements dans les transferts et le passage au master, entre autres. Il est vrai que les étudiants déambulent dans les halls du bloc des Lettres et l'esplanade ne désemplit pas. La rentrée universitaire est devenue depuis un lustre ou deux synonyme du parcours du combattant. «C'est la galère», nous certifient Amir, Manel et Hicham qui ont eu maille avec l'administration pour une question de transfert. C'est aussi la galère pour cette doctorante qui pourrait ne pas bénéficier d'un stage de courte durée. «Le département de chimie nous a informés que les stages de courtes durées seront réduits de moitié», dira-telle, en supposant que cette décision serait motivée par «la politique d'austérité qui touche indéniablement l'université». L'austérité, ce vocable usité de nos jours, n'est pas un leurre, mais une réalité. De l'aveu même du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, «l'étudiant ne paye pas les prestations d'hébergement, transport et restauration à leur juste prix». C'est dans cette perspective qu'une réunion sur les œuvres sociales est programmée avant la fin de l'année. Austérité, comme la réduction des bus de transport dont souffrent surtout les étudiants de l'université Constantine 3 où les navettes ne sont pas suffisantes. D'ailleurs, les étudiants dans leur majorité sont saignés par les taxis fraudeurs qui desservent cette région à laquelle aucun moyen de transport n'est affecté. Cette même université est sous les feux de la rampe depuis l'ouverture de ses portes en 2013. Les problèmes s'y accumulent d'année en année. C'est un pôle universitaire amené à être le plus grand en Afrique puisqu'en définitive il abritera pas moins de 10 facultés d'une capacité de 4000 places pédagogiques chacune, 19 résidences d'une capacité de 38 000 lits, un restaurant de 4000 places, 4 salles de conférences, un parc scientifique, un pôle sportif, une bibliothèque de 3000 places, un auditorium de 1000 places, et 1500 logements qui seront éventuellement attribués comme logements de fonction. Une très jolie carte postale qui concrètement est loin de répondre aux besoins des étudiants et résidents. Ces derniers n'ont de cesse de se plaindre des conditions d'hébergement et de restauration depuis la mise en service de plusieurs cités «U». Le problème du transport est aussi l'un des points d'achoppement qui entravent la mobilité des étudiants. Implantée dans l'extension de l'unité de voisinage (UV) 5 de la nouvelle ville, loin de toute agglomération et dépourvue de tous services, autant dire «au bout du monde». Depuis deux ans, ce sont les étudiants en médecine qui montent au créneau. Leurs tribulations entre ce campus et celui des chalets des pins où se situe l'ancienne faculté de médecine a exacerbé leur patience. Ils sont 1200 étudiants dont l'année commence mal. Outre les tracas liés au transport, ils se heurtent au problème de locaux et de moyens pédagogiques, selon leurs dires. Explicitement, les amphithéâtres se sont révélés exigus devant leur nombre important. L'administration a réglé le problème en les répartissant sur d'autres instituts, dont ceux des arts et de l'urbanisme. DES ETUDIANTS ET DES TRIBULATIONS Pour les concernés, cela représente une entrave supplémentaire sur leur parcours quotidien, déjà bien émaillé par les difficultés de déplacement. Et ce n'est pas tout. Il est question de moyens pédagogiques décriés dont l'absence des data shows pour suivre les cours. L'organisation des cycles en médecine est, en sus, pointée du doigt. Après avoir passé les 1re et 2e années sur le campus Constantine 3, les étudiants qui entameront les stages pratiques dès les 3e et 4e années seront transférés à la faculté de médecine des chalets des pins, située à plus de vingt kilomètres. «La question du transport se poserait de nouveau», expliquent-ils. Le rectorat dont le premier responsable vient tout juste de prendre ses fonctions a certes apporté des éclaircissements concernant tous ces points par le biais de déclarations à la presse, mais c'est une lapalissade que des difficultés éparses subsistent et que les conditions du bon fonctionnement ne sont pas encore réunies. Ces étudiants sont en fait les «dommages collatéraux» de cette politique d'austérité soulevée un peu plus haut. L'Etat a projeté la construction d'un nouveau Centre hospitalo-universitaire (CHU) sur le même site de la nouvelle ville Ali Mendjeli, à quelques encablures de ce pôle universitaire. Et ainsi, les étudiants inscrits à la faculté de médecine Constantine 3 pourront suivre leur formation au niveau de ce nouveau CHU. Mais c'était compter sans la crise pétrolière. La chute des prix du baril de pétrole depuis deux ans a poussé l'Etat à une rationalisation des dépenses. Et partant, le ministère de la Santé qui a programmé l'édification d'une dizaine de CHU dont un second à Constantine s'est ravisé. Résultat, ce sont ces futurs médecins qui sont en train de payer les frais. DE LA SECURITE EN PARTICULIER La liste des tracas auxquels font face les étudiants s'allonge de jour en jour. Celui de la sécurité revient tel un leitmotiv interpeller l'administration et les autorités locales. Il faut rappeler que l'université à Constantine fait appel à des sociétés privées de gardiennage. L'expérience la plus amère est certainement celle vécue au niveau de l'institut Inataa où les agents de sécurité, le 5 mai 2015, pour briser le mouvement de grève des étudiants, ont utilisé des chiens. Dix-sept étudiants ont été blessés. La justice est passée et les agents impliqués ont été condamnés, le 7 avril 2016, à 2 ans de prison ferme. A priori, les agents de sécurité ignorent ou feingnent d'ignorer les limites de leur mission. Parfois, ils outrepassent leurs prérogatives pour s'interférer dans des situations qui ne sont pas de leur ressort. C'est ainsi que jeudi dernier une étudiante de Constantine 3 a été agressée par l'un d'eux. S'ensuivra une altercation entre étudiants et l'agent en question qui appellera à la rescousse ses copains «fraudeurs», stationnés aux abords de l'enceinte universitaire. Le pire a été évité. La gendarmerie a chassé ces «taxis clandestins» et l'université a saisi la justice. Ce sont peut-être des actes isolés, mais de graves précédents dont l'impact sur l'intégrité morale et physique des étudiants n'est pas négligeable. Ils en parlent sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, il n'est même pas utile de se déplacer sur les campus pour s'imprégner de l'atmosphère qui y prévaut. Désormais, le Net s'en charge. De guerre lasse, les étudiants n'ayant pas d'écho à leurs revendications saisissent l'opinion via Facebook. Leurs craintes, interrogations et préoccupations sont exprimées sur la Toile. Peut-être afin de les partager avec le plus grand nombre et, par ricochet, mieux les médiatiser.