Le match contre le Cameroun (1-1) a réveillé les démons qui sommeillaient au sein et autour de l'équipe nationale. Le mal qui couvait depuis des mois, pour ne pas dire des années, a éclaté au grand jour, menaçant la stabilité de la sélection. Aujourd'hui, l'équipe nationale est en danger. Comment en est-on arrivé là ? Il faut remonter dans le temps pour tenter de comprendre. Au commencement, il y avait le départ de Vahid Halilhodzic et l'arrivée de Christian Gourcuff. Les circonstances du départ du premier et la venue du second n'ont pas été un modèle du genre en matière de séparation et de recrutement d'un sélectionneur. L'épisode de la visite que Christian Gourcuff a effectuée au Centre technique de Sidi Moussa alors que Vahid Halilhodzic était encore en poste et en place au CTN a été une maladresse assumée. Les joueurs ont vécu cela de l'intérieur et ont refoulé leurs sentiments pour ne pas gêner le nouveau coach. Avec Christian Gourcuff, le message passait mieux. Il y avait moins de tension au sein et autour du groupe. Les premiers résultats positifs aidant, tout le monde adhérait au discours et à la méthode du breton. L'accalmie allait être de courte durée. Les options et choix tactiques ont commencé à faire grincer des dents. L'ambiance devenait de plus en plus lourde. Le coach faisait l'objet de critiques à peine voilées de la part d'individus qui partageaient le quotidien des verts. Les sorties amicales face à la Guinée (0-2) et au Sénégal (1-0) au stade du 5 Juillet ont provoqué la fracture définitive entre l'entraîneur français et l'équipe nationale. Lorsqu'il a fait part aux joueurs de sa volonté de rentrer chez lui, il n'a pas vu venir le moindre signal de la Fédération pour tenter de le faire changer d'avis. Les joueurs ont vécu de l'intérieur cette seconde séparation et ont manifesté leur soutien et solidarité avec Christian Gourcuff lors du match contre la Tanzanie à Blida. Après le but de Sofiane Feghouli, ils se sont tous dirigés vers le banc des remplaçants pour congratuler le coach et envoyer un signe fort au président de la Fédération. Manière de lui dire : «Nous sommes tous solidaires avec le coach.» Rajevac, erreur de casting ? S'ouvre alors le chapitre Milovan Rajevac, recruté après le tirage au sort de la Coupe du monde 2018. Bonjour les dégâts. Le Serbe, qui ne parle pas un mot de français, va devoir passer par un interprète (un compatriote) pour communiquer avec les joueurs. Beaucoup ont assimilé ce choix à une erreur de casting qui n'allait pas tarder à se confirmer. Une précision utile. Sur la difficulté de communiquer avec le nouveau sélectionneur à cause de la langue, tous les joueurs interrogés par les organes de presse ont répondu à l'unisson : «Le football est une langage universel. On n'a pas besoin de parler la même langue pour se comprendre», qui s'est transformée quelques semaines après par des critiques acerbes et irrévérencieuses : «C'est un bekouche (muet) et il n'a pas la voilure pour diriger l'équipe d'Algérie.» Ces mots durs ont été prononcés par des joueurs qui avaient encensé Milovan Rajevac à son arrivée. La méfiance s'est vite installée. Le sélectionneur a rapidement saisi la difficulté de la tâche qui l'attendait. La première convocation, Algérie-Lesotho, il a confié le soin de la faire au staff en place. Tout s'est bien passé, les joueurs se sont bien amusés sur le terrain, les supporters étaient aux anges et les commentaires étaient positifs. Lui, il n'était pas sur la même longueur d'onde. Il s'est rapidement projeté sur le match contre le Cameroun et a commencé à bâtir son plan de bataille. Le bilan qu'il a tiré du stage et du match et plus particulièrement le niveau et la forme des joueurs l'ont beaucoup inquiété. Il a décidé d'associer son staff dans la difficile mission de sélectionner les joueurs et de faire les douloureux arbitrages en matière de choix le jour J. C'est à ce moment là que de profondes divergences sont apparues au sein du staff technique. Des divergences au sein du staff concernant la composante Les choix du sélectionneur étaient aux antipodes de ceux de ses collaborateurs. Lui voulait aligner des joueurs prêts physiquement, qui comptabilisaient un appréciable temps de jeu et eux prônaient de faire confiance aux cadres (Feghouli, Brahimi, Mesloub...) même s'ils accusaient un important déficit en temps de jeu. Rajevac a résisté et fait savoir que le choix et le dernier mot lui revenaient. Des joueurs sont alors rentrés en dissidence contre lui. La veille et le jour du match contre le Cameroun, l'équipe nationale était au bord de l'implosion. La concentration s'est diluée dans la vive tension et les menaces à peine voilées des uns et des autres. En maintenant le cap et ses choix, Milovan Rajevac s'est fragilisé. Il a voulu mourir avec ses idées. Il a payé le prix du cadeau empoisonné qui lui a été légué. Feghouli et Brahimi voulaient jouer le match contre le Cameroun. Ils étaient motivés et se sont déclarés prêts à relever le défi malgré leur faible temps de jeu. Rajevac n'a pas voulu prendre ce risque et a décidé d'aligner les joueurs en possession de leurs moyens physiques et techniques et a «oublié» qu'il a titularisé des joueurs au faible temps de jeu, qui ont peu ou pas du tout joué avec leur club. Des joueurs se révoltent Tous ces événements se sont enchaînés pour déboucher sur la révolte du vestiaire. Les joueurs ont fait front uni contre Rajevac. Le staff a senti le vent tourner et s'est positionné contre le patron de la barre technique. Les joueurs et le staff ainsi que ceux qui gravitent autour de la sélection ont lâché Rajevac, coupable à leurs yeux d'intransigeance dans la composition de l'équipe. Un semblant d'union sacrée s'est formé l'espace du temps du match. Le retour aux vestiaires a été mouvementé. Des joueurs ont laissé éclater leur colère. Des noms d'oiseaux ont été sifflés à l'oreille de Rajevac, un cadre a refusé de lui serrer la main et lui a balancé : «A cause de toi nous n'avons pas gagné. Nous ne voulons plus de toi comme coach.» Un autre joueur a feint de balancer sa chaussure sur le sélectionneur qui, à bout de nerfs, s'est dirigé vers le joueur avec l'intention de lui mettre des coups. Ce n'était pas beau à voir. L'ambiance dans le vestiaire était exécrable. Tout le monde s'est ensuite calmé avant de rejoindre Sidi Moussa dans la nuit, le cœur serré, la gorge nouée et la peur d'avoir vendangé une partie des chances de qualification au mondial russe. La nuit a été longue et angoissante pour toutes les parties. Certains ont arpenté les couloirs de l'hôtel pendant une bonne partie de la nuit. Le président de la Fédération s'est rendu sur place et s'est longuement entretenu avec les concernés. Des joueurs, il a retenu qu'ils ne voulaient plus travailler avec Rajevac. Sur ce chapitre, le divorce était consommé. Les joueurs, d'une seule voix, lui ont demandé de mettre fin aux fonctions de Rajevac et se sont engagés à tout mettre en œuvre pour revenir avec une victoire du Nigeria le mois prochain. Mohamed Raouraoua s'est ensuite réuni avec l'ensemble des membres du staff technique, individuellement et collectivement, pour connaître leur avis. Ils ont tous plaidé pour le renvoi du sélectionneur. Le président s'est ensuite entretenu avec le coach qui avait récupéré ses esprits après les incidents du vestiaire. Au plus fort de la tension dans le vestiaire, Rajevac a dit à Raouraoua, via le traducteur : «Président, donnez-moi carte blanche pour préparer le match contre le Nigeria et je ne sélectionnerai aucun des joueurs de ce soir, je monterai une équipe de professionnels et de joueurs locaux pour aller ramener la victoire du Nigeria.» Le président Mohamed Raouraoua l'a écouté attentivement et a tranché en faveur des joueurs. L'ère Rajevac s'est achevée dimanche à Blida. Nabil Neghiz va prendre la suite qui ne sera pas une partie de plaisir. Le vestiaire a poussé Rajevac vers la sortie et propulsé l'équipe nationale vers l'inconnu.