Bien que les premiers syndicats autonomes aient vu le jour en 1990 accompagnant l'ouverture démocratique en Algérie, l'intersyndicale n'a pu apparaître qu'en 2007. Avant cette date, les mouvements de protestation ont été menés séparément. Mais la nature de la revendication en 2007, faut-il le rappeler, le statut général et le régime indemnitaire ont fait que des syndicats ont éprouvé la nécessité de former un front uni. Ainsi, des intersyndicales ont été constituées, tantôt sectorielles, tantôt intersectorielles. Mais tous ces regroupements ne représentent que les travailleurs de la Fonction publique. Tandis que les autres secteurs, à l'instar du secteur économique, ont tenté à maintes reprises de créer leurs syndicats. C'est l'UGTA qui l'emporte à chaque fois. Cependant, la dernière formation intersyndicale formée en 2016, nommée Syndicats autonomes des différents secteurs, reste singulière de par la mobilisation des syndicats de différents secteurs (17 syndicats) et de par la nature des revendications qui touchent tous les travailleurs sans exception (suppression de la retraite anticipée, pouvoir d'achat et le nouveau code du travail). 1- Faire face à la crise En 2017, les citoyens ayant un salaire moyen vont se retrouver dans l'incapacité de payer leurs factures de gaz, eau et électricité ainsi que le remboursement de leurs crédits bancaires. C'est ainsi que Idir Achour, porte-parole du CLA (Conseil des lycées d'Algérie), préfère aborder la question relative à l'impact des mesures prises dans la loi de finances 2017. Economiste de formation, ce syndicaliste avertit du fait que l'augmentation de la TVA de 2% tel que le stipule la loi de finances 2017, cela signifie que 25 produits de première nécessité vont être touchés, ce qui donne une augmentation de 50% de ces produits qu'on achète tous les jours et la baisse de 50% du pouvoir d'achat. Idir Achour rappelle qu'on 2016, le pouvoir d'achat a connu une baisse de 20%. A ce titre, notre interlocuteur estime que les citoyens vont centrer leurs dépenses sur les besoins vitaux. Ils ne trouveront donc pas de quoi payer les factures d'eau et d'électricité. Et d'ajouter : «En 2017, on aura à gérer 17 jours sans salaire dans la mesure où le salaire actuel ne permet de vivre que 12 à 13 jours.» La lutte pour la survie est inévitable. Et la dernière formation intersyndicale se distingue de l'avis des syndicalistes interrogés, par le fait qu'elle prend en charge directement les revendications des travailleurs, les différents syndicats se retrouvent par la force des choses tous concernés. Ce qui a aidé à la concertation. «Le nouveau code du travail et la loi sur la retraite touchent aux acquis des travailleurs», se persuadent nos interlocuteurs. 2- Mobiliser les troupes Au sujet de la réussite du mouvement de grève prévu pour les 17 et 18 octobre et les 25 et 26 du même mois, les syndicalistes interrogés craignent la dislocation. «Le dénominateur commun à tous les syndicats réunis dans le groupe est la défense des acquis sociaux. Suite à la suppression de la retraite anticipée, l'exclusion des syndicats autonomes de l'élaboration du code du travail, et la baisse vertigineuse du pouvoir d'achat. Tout le monde s'est senti interpellé par ces décisions», fait remarquer Meziane Meriane, coordinateur national du Snapest (Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique). La grève prévue pour le mois d'octobre «est souhaitée par tous les syndicats», note Idir Achour. L'élément déclencheur de cette grève demeure la suppression de la retraite anticipée. Néanmoins, cela «a permis de prendre conscience que nous avons beaucoup de dossiers à traiter ensemble, dont le pouvoir d'achat», conclut-il, précisant par la même que cette nouvelle action «n'est que l'aboutissement d'une prise de conscience de l'ensemble des expériences précédentes en dépassant des questions d'ordre subjectif». La mobilisation et le rapport de force l'emporteront, estime le syndicaliste. 3- Convaincre le gouvernement de la révision de la loi sur la retraite «L'objectif assigné à cette action est d'emmener le gouvernement à revenir sur sa décision, mettre un maximum de pression pour contraindre le gouvernement à ouvrir le dialogue», affirme Lyes Merabet, président du SNPSP (Syndicat national des praticiens de santé publique). Ce syndicaliste, qui se montre confiant, estime qu'il y a toujours des alternatives pour la révision de la loi sur la retraite et le code du travail. Au sujet de la réussite de la prochaine action commune aux syndicats autonome, M. Merabet considère cette action comme étant «un processus de maturation» pour l'ensemble des syndicats. «C'est à partir des années 2000 que les syndicats ont commencé à fonctionner correctement. La moyenne d'existence des syndicats est de 15 ans», évalue Dr Merabet. 4- Eviter les erreurs passées Dr Merabet considère que les différentes tentatives de mener des actions communes de par le passé ont permis aux syndicats d'apprendre, et ce, en dépit des échecs. «Il y a de la manipulation et des entraves à tous les niveaux», annonce-t-il. Il n'en demeure pas moins qu'en 2016 «le gouvernement nous a dégagé une plateforme commune. Le fait de ne pas les associer à la tripartite, cela a permis aux syndicats autonomes de s'entendre sur la voie à entreprendre», analyse le médecin. Mais son camarade de l'UNPEF, Messaoud Amraoui, se méfie en mettant en garde contre toute tentative de dislocation au commencement du mouvement de protestation. 5- Dribbler les tentatives de déstabilisation De prime abord, dit-il, tous les syndicats sont autonomes, mais «on sait très bien que parmi les syndicats autonomes, il y a ceux qui sont à la solde du pouvoir. Ces derniers peuvent se retirer à n'importe quel moment, créant une cassure dans le mouvement», craint M. Amraoui, qui rappelle le souvenir du mouvement de la coordination des syndicats de l'éducation déclenché entre 2008 et 2011. Ce mouvement, pour rappel, a vu le retrait de tous les syndicats engagés au départ, excepté l'Unpef et le Cnapest ayant choisi de continuer leur action ensemble. Mais le plus grand problème réside dans la non-reconnaissance de ces formations intersyndicales. Les autorités refusent toujours de reconnaître les confédérations ou les fédérations des syndicats autonomes créées jusque-là. Alors que ces dernières peuvent constituer un deuxième pôle dans les négociations. «Ces intersyndicales se rencontrent pour un objectif bien déterminé et dès que cet objectif se concrétise, elles disparaissent d'office», fait-il remarquer.