Réglé comme un métronome, le Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier, qui étonne par sa longévité et son renouvellement constant, tiendra sa 38e édition du 21 au 29 octobre avec plusieurs nouveautés. Ainsi, lors de la conférence de presse en prélude du festival, ont été annoncés les changements dans le staff dirigeant. Ils étaient attendus mais il manquait les noms. Le plus important est l'arrivée à la présidence du festival de l'ex-ministre de la Culture, Aurélie Philippetti. L'aura de cette femme politique peut aider le festival à combler un déficit d'images supposé dans les médias français mais aussi à attirer plus de partenaires et de sponsors et disposer de plus de films exclusifs et de vedettes présentes, sans compter l'indispensable confiance des producteurs et distributeurs. Visiblement heureuse, l'ex-ministre a déclaré : «Je mettrai toute mon énergie et mon amour du cinéma au service de la poursuite de cette belle histoire.» Concernant toujours le staff, on note la promotion de Christophe Leparc en tant que directeur du festival, soit un changement dans la continuité malgré les turbulences de ces deux dernières années. Les effets de la crise économique sur le secteur culturel en France sont néfastes et les subventions tendent à se raréfier, entraînant dans leur sillage la disparition de nombreuses manifestations culturelles, y compris les bien établies. De son côté, le maire de la ville, qui a repris en main le festival, a parlé d'une augmentation du budget de la manifestation dépassant pour l'édition 2016, le million d'euros. Comme à son habitude, le programme du festival semble alléchant. Exit une nouvelle fois la thématique dominante pour pouvoir agir dans plusieurs directions. Pour le directeur du festival, le Cinemed de Montpellier est «avant tout un lieu d'échanges et de dialogue dont la gourmandise nourrit la curiosité de ses publics». Et, justement le goût des cinéphiles devrait être comblé par le regard porté sur la Tunisie post-révolution et les courts métrages algériens. Le Maghreb continue à attirer les projecteurs sur lui et ses cinémas exercent une fascination à toute épreuve sur le public de Montpellier. La présence dans le jury de la compétition officielle de l'actrice marocaine Loubna Abidar n'est pas passée inaperçu. Héroïne courageuse du film très controversé au Maroc et ailleurs, Much Loved, cette actrice vient de sortir en mai dernier, aux éditions Stock, une autobiographie intitulée La dangereuse. Elle y raconte ses déboires et les multiples agressions qu'elle a subies. Pour la soirée d'ouverture, vendredi 21 octobre, le réalisateur d'origine algérienne Rachid Djaïdani verra son film, Tour de France, inaugurer la semaine du cinéma méditerranéen. A la base écrivain, son premier récit, intitulé Boumkoeur (1999), avait fait un tabac grâce à son style très lyrique. Avec Rengaine, c'est son deuxième film, un road-movie où Gérard Depardieu et Sadek font la rencontre sur les routes de France de deux bons gars. Une histoire d'amitié va naître entre Serge, maçon du Nord, et un rappeur prometteur nommé Far'hook. Leurs pérégrinations vont aboutir à Marseille. Pour revenir à la compétition officielle où les films concourent pour l'Antigone d'or, cette année le festival n'a retenu que neuf longs métrages, soit trois films en moins. L'Etoile d'Alger, de Rachid Benhadj, figure parmi les films sélectionnés. Ce long métrage raconte l'histoire de Moussa, épris de musique et rêvant à une carrière qui le mènera sur les traces de son idole, Michael Jackson. Mais cela se passe au début des années quatre-vingt-dix. La conjoncture du pays et la tournure des événements ne vont pas arranger les choses. Dans cette sélection, on retiendra aussi le film Personal Affairs, de la Palestinienne Maha Haj. Le film nous plonge dans la vie quotidienne d'un vieux couple, vivant à Nazareth et en pleins préparatifs rendre visite à leur fils en Suède. De son côté, le Tunisien Lotfi Achour propose Demain dès l'aube, une réflexion sur les incertitudes d'un avenir meilleur après la fin de la dictature de Ben Ali. Le Cinemed associe aussi les cinéphiles qui viennent voir les films dans l'attribution du Prix du Public Midi-Libre. Ainsi les spectateurs auront le choix entre huit longs métrages sélectionnés dans la catégorie Panorama, où l'on retrouve le film Timgad, de Fabrice Benchaouche. Ce long métrage raconte l'histoire d'un jeune archéologue franco-algérien. Jamel le bien nommé va travailler sur le site grandiose de Timgad. Entre les ruines à sauvegarder et les enfants qui fréquentent le site, il vivra une aventure sportive exaltante. Un autre film retient l'attention dans cette sélection : Tombé du ciel, du Libanais Wissam Charaf. L'intrigue du film revient sur la réapparition dans le Beyrouth actuel d'un milicien supposé mort quelques années auparavant. Un thème récurrent dans les sociétés en guerre mais avec un traitement novateur, selon les organisateurs du festival. On peut aussi évoquer le film musical Massilia Sound System, de Christian Philibert. Ce long métrage retrace l'histoire du groupe Massilia, à l'origine de la mode hip-hop mais qui reste marginalisé par les médias. L'autre compétition attendue est celle des films documentaires. Elle est toujours relevée, car les organisateurs ne retiennent que neuf films sur les trois cents qu'ils visionnent. Le réalisateur Mohamed Ouzine avec Samir dans la poussière nous parle du quotidien d'un jeune contrebandier algérien qui fait passer du carburant de l'Algérie vers le Maroc en utilisant une mule. On peut également signaler la projection du documentaire de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, intitulé Zeineb n'aime pas la neige, l'histoire d'une fille de neuf ans qui doit quitter Tunis pour suivre sa mère au Canada. Hélas, le climat froid du pays d'accueil ne lui convient pas. Et, comme annoncé plus haut, on arrive à la compétition des courts métrages avec, en invité d'honneur, le cinéma algérien. Il faut dire que depuis quelques années, les cinéastes algériens ont produit des œuvres très intéressantes et c'est dans cet esprit que le Cinemed reste très attentif aux courts métrages algériens. Ainsi, le public découvrira lors d'une soirée spéciale, intitulée «Algérie: nouvelles vagues», qui aura lieu le samedi 22 octobre, le moyen métrage de Damien Ounouri, Kindil (40') et évoque le problème de l'accès difficile des femmes à certaines plages. Le deuxième est aussi un moyen métrage de Dania Reymond. Le Jardin d'Essai, comme son nom l'indique, se déroule sur ce lieu mythique et luxuriant. La caméra suit une équipe de tournage qui prépare un film. Pour revenir à la compétition officielle des courts métrages, on signale la présence de L'échappée, de Hamid Saidji, une balade dans les rues d'Alger à bord d'un taxi pittoresque. Par ailleurs, des cinéastes confirmés proposent dans le cadre du festival des films poignants. Silence, de l'Iranien Ali Asgari traite de la problématique des migrants, toujours d'actualité en Europe. Le court métrage évoque les difficultés à se faire comprendre quand on vient du Kurdistan et qu'on atterrit en Italie. Pour sa part, Sabrine Khoury, avec Santé, raconte l'histoire d'un couple formé d'une Palestinienne et d'un Israélien, danseurs de salsa. Avec Submarine, Mouna Akl traite d'écologie et de cette plaie gigantesque qu'est la décharge de Beyrouth située en plein centre-ville et au bord de la mer. Comme d'habitude, le Cinemed rendra des hommages aux artistes disparus du 7e art. Cette année, le cinéma de l'Italien Ettore Scola sera mis en avant avec la projection de quelques films qui ont fait sa notoriété, dont Le dîner. Enfin, le festival reste fidèle à ses rituels didactiques, en proposant à des lycéens des classes-masters pour se familiariser avec cet art du spectacle et de mieux appréhender les métiers du cinéma. Les porteurs de projets de films auront aussi la possibilité de défendre leur travail devant un jury de professionnels pour obtenir des bourses d'aide. Beaucoup de Montpelliérains ont compris que c'est toujours gratifiant de passer ses vacances au cinéma.