L'association Taddart-iw de Tawrirt a donné la parole à des militants et intellectuels pour témoigner de cet anticolonialiste, enfant d'Aït Waghlis. La bibliothèque de Tibane a vécu, vendredi passé, au rythme de la cérémonie organisée par l'association Taddart-iw, du village Tawrirt, en mémoire à Saïl Mohand Ameziane, un militant anarchiste et libertaire, disparu en 1953, à l'âge de 59 ans. Plusieurs personnalités de divers horizons ont pris part à cette cérémonie, qui a permis de mettre en lumière un intellectuel méconnu, un militant intransigeant au verbe mordant, qui fustigeait à tout vent toutes les canailles du monde : colonialistes, esclavagistes et les hypocrites politiques de tout bord. Les intervenants à la table ronde, tenue à cette occasion, même si leurs approches diffèrent, ont montré, chacun de son côté, les différentes facettes de cet intellectuel méconnu, qui a été de tous les combats d'avant-garde. Djamil Aïssani, de Gehimab, le voit comme unique intellectuel d'expression française des années trente dans le Landerneau intellectuel des Ath Waghlis, Khokhi Abderrazek le considère comme un militant sans frontières, et Mohand Saddek Akrour le voit comme un partisan de l'ordre suprême, à condition que cet ordre soit l'émanation du peuple et non imposé par une quelconque autorité… Tous les intervenants abondaient dans le même sens : Saïl Mohand Ameziane était un grand homme dont l'œuvre doit être dépoussiérée et mise à la portée du grand public. «Ce ne sont pas les anarchistes qui ont colonisé l'Algérie et les autres pays du monde, ce ne sont pas eux non plus qui ont sucé le sang des paysans et des ouvriers et qui ont réduit les gens à l'esclavage, mais plutôt les capitalistes. Et leur permanente domination entraînera dans le monde feu, sang et guerre. Des hommes comme Mohand Saïl sont pour la paix et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est une bonne, très bonne chose pour le village Tawrirt d'avoir ressuscité un tel homme tombé dan l'oubli», déclare en substance Mohand Saddek Akrour. «Pour ceux qui disent que Saïl Mohand Ameziane est contre l'indépendance de l'Algérie, il suffit de revenir à ses écrits. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire des vaincus, ce qui explique le flou qui caractérise notre histoire officielle. Une chose est sûre, Saïl est un fervent anticolonialiste qui lutte pour la liberté de tous les peuples. Il est non seulement un nationaliste, mais un internationaliste !», indique pour sa part Khokhi Abderrazak, élu APC et militant du PST. «Il ne s'agit pas ici dans cette honorable assemblée d'être pour ou contre la vision politique, les idées ou les positions de Saïl, mais de le mettre en lumière et lui rendre justice. C'est un intellectuel qui a commencé à lutter pour son idéal dès les années vingt et il mérite respect et considération», dit un autre intervenant. Cadres du RCD et du PST, militants, syndicalistes et associatifs, les participants à cette table ronde, tenue sous le slogan «Exprimez-vous en toute liberté», n'ont pas tari d'éloges envers cet enfant d'Aït Waghlis, à qui Jacques Prévert a dédié son poème Etranges étrangers. Les témoignages ont été entrecoupés par un intermède musical donné par un groupe de jeunes. Ce qui n'a pas manqué de créer une certaine atmosphère de camaraderie qui a plu d'ailleurs à beaucoup de présents. La fin de la cérémonie a été marquée par un déplacement à la maison natale de Mohand Saïl, où il a été procédé à l'inauguration de la plaque commémorative érigée à sa mémoire. A noter que les écrits journalistiques de Saïl ont été réunis et présentés par Sylvain Boulouque dans la collection «Volontés anarchistes» sous le titre Appel aux travailleurs algériens.