L'insécurité routière a longtemps été considérée comme une problématique réelle et un phénomène dangereux devenant la première cause de mortalité chez les jeunes. En dépit de différentes politiques pour enrayer ce phénomène, le taux de morbidité ne cesse d'augmenter. A l'université de Batna, Houria Bencherif a effectué un travail de recherche pour sa thèse de doctorat afin d'analyser le pourquoi de cet échec. Intitulé «Etude de l'insécurité routière en Algérie : de l'usage des modèles au développement des politiques publiques» et dans lequel elle montre que le système de production de données n'est pas véritablement à la hauteur des enjeux de la sécurité routière. Les accidents de la route continuent à faire trop de victimes. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ce phénomène est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes dans le monde entier et constitue un important problème économique, social et de santé publique. En effet, selon son dernier rapport, l'OMS avance un chiffre alarmant : près de 3500 personnes meurent chaque jour sur les routes et des dizaines de millions sont blessées, dont certaines victimes d'incapacité. En Algérie, le nombre d'accidents de la route dépasse les 42 000 annuellement, causant plus de 4000 décès et 69 000 blessés. Ainsi, l'hécatombe routière est devenue au fil des années un véritable fléau social. Malgré les différentes politiques et autres tentatives des pouvoirs publics pour mettre un terme à ce qui est appelé «le terrorisme routier», les statistiques n'indiquent aucune amélioration appréciable. A l'université de Batna, Houria Bencherif a effectué un travail de recherche pour sa thèse de doctorat afin d'analyser le pourquoi de cet échec. Intitulé «Etude de l'insécurité routière en Algérie : de l'usage des modèles au développement des politiques publiques», la doctorante a fait une analyse détaillée pour connaître les conditions de définition et de mise en œuvre de l'action publique. «Pour cela, nous avons suivi une démarche qui commence par la description et la modélisation de la situation de l'insécurité routière en Algérie en nous basant sur les données disponibles au niveau national et local. L'objectif est de montrer que ces données disponibles peuvent être utilisées pour mieux comprendre le phénomène. Notre objectif dans la présente recherche est de tenter de renforcer cette démarche par une étude axée sur l'évaluation des actions publiques déjà mises en place», instruit-elle dans son étude. Le travail réalisé dans le cadre d'un projet de recherche sur la sécurité routière entre l'université de Batna et l'Union européenne en 2009, établit d'abord des constats : «Près de 75 % des accidents surviennent annuellement en agglomération, contre 25 % en rase campagne. En termes de tués, ce dernier milieu abrite plus des 4/5 des tués, contre 1/4 en agglomération». Ceci est dû essentiellement, explique l'auteur, «au fait que les accidents hors agglomération sont souvent conjugués à l'excès de vitesse, dont les conséquences sont très graves et engendrent par la suite beaucoup de victimes.» Par contre, le réseau routier hors agglomération n'est pas le plus accidentogène, mais les accidents y sont les plus graves. Par région, l'étude indique que l'Est enregistre environ 35% des accidents, des blessés et des tués. Les régions Centre et Ouest enregistrent chacune près de 30%. Quant au Sud, les statistiques indiquent les taux les plus faibles pour les accidents, les blessés et les tués. Pour ce qui est des victimes, il est bon de savoir qu'en Algérie, les premières sont les piétons, les passagers et les conducteurs de véhicules. «En 2012, pour les statistiques des blessés, les piétons sont la catégorie la plus touchée, avec un taux de 56,17%, suivis par les conducteurs, avec 22,86%, les passagers enregistrent un taux de 20,79% en zone urbaine», développe l'étude. Dans les zones rurales, les piétons victimes d'accidents sont les moins nombreux avec un taux de 7,80%. Les plus exposés, par contre, sont les passagers, avec 54,12%, suivis des conducteurs, avec un taux de 38,07%. S'agissant de la mortalité, les statistiques sur le nombre de tués montrent qu'en zone urbaine, le plus grand nombre de victimes est enregistré parmi les piétons, avec un taux de 58,95%, suivis par les passagers avec un taux de 20,66%, puis les conducteurs, avec un taux de 20,39%. En zone rurale, les passagers enregistrent le plus grand nombre de décès, soit un taux de 41,92%, ils sont suivis par les conducteurs avec 36;65%. Les piétons comptent un taux de 21,44%. Notons que l'étude a pris en considération les statistiques de l'année 2012. Organisation Pour ce qui est des causes des accidents de la route, elles se focalisent principalement sur le facteur humain. L'étude, agrémentée de riches statistiques, révèle que «les conducteurs sans travail sont les plus impliqués dans les accidents, avec un taux de 24,64%. En réalité, ce sont des personnes qui exercent une activité informelle qui roulent le plus». Par ailleurs, les conducteurs professionnels occupent la seconde position, avec 24,07%. «Leurs accidents rentrent dans le cadre des accidents de travail, ce qui nécessite une réaction des organismes de sécurité sociale, d'une part, et la prise de mesures coercitives à leur égard et la nécessité de développer des actions de prévention les ciblant, d'autre part». Et en troisième position, viennent les conducteurs commerçants, avec un taux de 12%. Il est dit également que les cadres sont plus prudents (moins impliqués) avec un taux de 0,89%, «ce sont des conducteurs qui roulent le moins, d'une part, aussi ce sont des conducteurs plus prudents et plus conscients», argue Mme Bencherif. Tentant de modéliser l'insécurité routière en Algérie en se basant sur les données nationales (CNRPSR) et locales (SAA-Batna), l'étude vise à démontrer que les données existantes peuvent servir de base pour mener des études approfondies sur le phénomène «afin de renforcer les connaissances et éclairer les gestionnaires sur les actions prioritaires à lancer», note la doctorante, en précisant que le système de collecte des informations présente de nombreuses insuffisances, dont le sous-enregistrement et les erreurs de déclaration. En termes de conclusion du travail, Mme Bencherif démontre, à la lumière des résultats obtenus, que «le processus de définition des actions publiques et le système de production de données d'accidents de la route fonctionnent indépendamment l'un de l'autre», elle explique ce fait par une série d'insuffisances, entre autres. L'absence d'objectifs clairs pour le système de production de données d'accidents a eu pour conséquences la généralité des données produites ; l'absence d'une véritable organisation formelle et officielle du système d'acteurs autour de la problématique de l'insécurité routière ainsi que la réticence des pouvoirs publics quant à l'utilisation des données d'accidents pour choisir des actions en l'absence de coordination entre producteurs et utilisateurs de données. Afin de gérer au mieux la sécurité routière, la doctorante suggère l'approfondissement de l'évaluation des politiques de sécurité routière. Pour ce faire, «nous avons orienté le travail d'investigation sur le volet évaluation de certaines actions publiques déjà mises en place», indique la doctorante. En fait, il s'agit de suivre une approche qui se base sur l'analyse des conditions d'identification et de mesure de l'efficacité des politiques de sécurité routière en tant que processus d'amélioration continue des actions dans ce domaine. Enfin, la doctorante explique que les investigations menées dans son travail de recherche constituent une contribution à l'enrichissement des connaissances sur la sécurité routière en Algérie. «Ces connaissances devront être complétées par d'autres recherches traitant essentiellement de l'évaluation de toutes les actions mises en place qui concernent les trois éléments de l'accident, l'utilisation d'autres critères et indicateurs d'évaluation serait importante pour apprécier l'évolution des performances dans le domaine et l'utilisation d'autres outils et méthodes pour l'enrichissement des connaissances sur la sécurité routière», conclut Mme Bencherif.