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«Les Libanais ont compris la nécessité de trouver un compromis politique interne» Lina Kennouche. Universitaire et journaliste au quotidien libanais L'Orient le Jour
Auteure notamment de l'évolution de la problématique sociale de la reconstruction libanaise, Lina Kennouche est analyste et doctorante en sciences politiques à l'université Saint-Joseph de Beyrouth. Sa thèse porte sur les changements socioéconomiques et le mode de production des élites intellectuelles algériennes (1962-2014). Elle a bien voulu accepter de faire pour El Watan le point sur la situation politique au Liban. Le 31 octobre prochain, le Parlement libanais consacrera sa séance parlementaire à la présidentielle. En quoi cette séance est importante pour le Liban ? Quel est l'enjeu de cet événement ? Cette séance parlementaire est importante dans la mesure où elle est censée consacrer la sortie du Liban de la paralysie politique après deux ans et demi de vacance présidentielle. Elle traduit la convergence entre les principaux acteurs politiques libanais dont les rivalités avaient jusque-là bloqué le processus électoral. En dépit d'importantes divergences politiques, les Libanais craignaient la pérennisation d'une situation de vide institutionnel dans un contexte régional explosif. La réconciliation entre le général Michel Aoun et Saâd Hariri est emblématique de cette convergence entre les principales composantes dénommées par le passé 8 et 14 mars. La fonction de Président a été dans certains cas honorifiques, mais a également permis dans d'autres circonstances historiques d'assumer un rôle politique d'importance à la fois sur le plan interne et en matière de politique extérieure. Le président libanais Fouad Shehab avait à l'époque amorcé une politique de réformes structurelles avant de se retrouver confronté au mur d'argent. C'est également sous la présidence d'Emile Lahoud que le Sud-Liban a été libéré, il a apporté un soutien d'envergure à la résistance libanaise à la fois en 2000 et en 2006. Le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, a affirmé que son parti allait voter en faveur du leader chrétien Michel Aoun. Pourquoi un tel choix, selon vous ? Le Hezbollah et le Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun sont alliés depuis 2006. Cette alliance s'est constituée à la suite de l'adhésion au document d'entente de février 2006 supposé jeter les bases d'une refondation nationale du Liban. En juillet 2006, alors que le gouvernement libanais auquel participait le Hezbollah avait refusé d'apporter son soutien au mouvement de résistance et dans un contexte international et régional favorable à la partie israélienne, le CPL, en dépit de l'importance des pressions subies, a apporté un soutien infaillible au Hezbollah. Cet épisode est essentiel pour comprendre aujourd'hui l'appui indéfectible du Hezbollah à la candidature de Michel Aoun. Par ailleurs, les deux courants convergent sur les principaux axes de politique interne, de même qu'ils s'accordent sur les orientations fondamentales en matière de politique extérieure. D'après les estimations, avec une majorité de 80 voix sur 129, Aoun est assuré de devenir le prochain président de la République libanaise le 31 octobre. Quelle est actuellement la situation politique au Liban ? Vue de l'étranger, elle prête à inquiétude… Si la situation prête à inquiétude, c'est à la lumière du contexte de guerre civile régionale et internationale. La Syrie et l'Irak sont à feu et à sang, les Etats pivots comme l'Iran, l'Arabie saoudite et la Turquie s'affrontent directement sur le terrain, et dans un étrange retournement de situation alors que la région sombre dans la violence, le Liban, caisse de résonance des conflits et laboratoire de frictions géopolitiques, reste relativement épargné. L'accord entre le Hezbollah et le CPL qui a reçu le soutien de la majorité des Libanais a participé à une sanctuarisation du Liban. Tout comme la Jordanie et la Turquie, le Liban subit de plein fouet les répercussions de la crise syrienne. Craignez-vous que le conflit syrien déborde sur le Liban ? En d'autres termes, le conflit syrien impacte-t-il la politique intérieure libanaise ? Le conflit syrien a contribué davantage à polariser la scène politique libanaise. L'internationalisation de la crise syrienne et le renforcement des ingérences étrangères pour provoquer la chute du régime syrien et le basculement de la Syrie dans le camp de la «modération» a logiquement poussé à l'intervention du Hezbollah en Syrie pour préserver l'axe de la résistance dans lequel ce pays occupe une place centrale. La montée en puissance de la mouvance wahhabite extrémiste représentée par l'EI et Al Nosra et les attentats que ces derniers ont perpétré au Liban avec comme volonté de provoquer un engrenage menant à un conflit intercommunautaire dans ce pays ont suscité un sentiment de cohésion nationale. Les forces politiques libanaises ont compris qu'il était nécessaire de trouver au plus vite un compromis politique interne pour éviter le risque d'un conflit communautaire.