Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a balayé d'un revers de la main, au détour d'une déclaration faite en marge de la cérémonie du 1er Novembre, les spéculations nourries autour de la tenue avant la fin de l'année en cours du référendum sur la révision constitutionnelle. Ce rendez-vous électoral était inscrit comme une hypothèse forte dans l'agenda politique du président Bouteflika de ce second mandat après qu'il ait engagé le débat lors de son premier mandat sur la nécessité d'opérer un profond toilettage à la Constitution actuelle, trop diluée à son goût, quant à l'organisation et à la structuration du pouvoir à cheval entre le régime présidentiel et le régime parlementaire. M. Zerhouni a donc confirmé ce qui était dans l'air depuis quelques mois, à savoir le report ou l'annulation on ne sait trop pour l'heure de la tenue du référendum pour la révision constitutionnelle. Les délais légaux pour la convocation du corps électoral étant très courts d'ici la fin de l'année d'une part, et la tenue des élections législatives et locales dans le courant de l'année prochaine, d'autre part, sont pour le ministre de l'Intérieur autant de raisons objectives qui plaident pour l'ajournement du projet de révision constitutionnelle. Les arguments avancés par M. Zerhouni pour justifier ce report inattendu qui commence à faire désordre au sein du pouvoir avec des déclarations qui se télescopent et ne se recoupent pas toujours apparaissent, pour certains observateurs, comme des arguments strictement techniques. Le ministre de l'Intérieur, qui a tenté d'expliquer les raisons de la déprogrammation du référendum sur la révision constitutionnelle, a certes été un peu plus prolixe que le chef du gouvernement, qui s'était contenté, pour sa part, lors de la dernière émission Tahaoulet de la radio Chaîne I, d'annoncer simplement « un léger » report des délais de la tenue du référendum. Cependant, l'opinion publique n'est pas plus édifiée, pour autant, sur les motivations politiques qui ont poussé le président de la République à modifier ainsi, contre toute attente, son agenda politique. Il est difficile, en effet, lorsqu'on analyse le processus depuis l'annonce officielle faite par Bouteflika de faire organiser un référendum sur la Constitution de ne pas voir dans la décision de report ou d'annulation du projet un enjeu politique qui apparaît de plus en plus évident. Car si on suit le raisonnement du ministre de l'Intérieur qui s'appuie sur le calendrier électoral chargé de 2007 pour justifier le report du référendum, il est quand même curieux que ce soit précisément seulement à quelques semaines de la tenue initialement prévue du référendum que l'on découvre que son organisation est techniquement et administrativement difficile à réaliser, vu la proximité des élections locales dont les délais sont fixés par la loi et donc connus à l'avance ! Report ou annulation ? La question se pose alors de savoir pourquoi Bouteflika ne se montre plus emballé d'aller rapidement à un référendum comme il l'avait souhaité, obtenu et décidé en juillet dernier en fixant l'échéance pour la fin de l'année ? D'aucuns tentent déjà d'établir un lien de cause à effet entre ce rendez-vous électoral référendaire manqué et la maladie du Président et les séquelles qu'il traînerait en dépit du bulletin médical officiel et des différentes déclarations rassurantes de hauts responsables de l'Etat martelant que le président de la République est en parfaite santé. Pour ces milieux, se sachant physiquement hors course pour se succéder à lui-même comme on lui prête l'intention, et peut-être sur les conseils avisés de ses amis au sein du pouvoir ou alors sous la pression de cercles influents du pouvoir qui ne veulent pas le voir prolonger son mandat présidentiel, Bouteflika aurait volontairement, dans un élan de sagesse, mis ou contraint à mettre un bémol à ses ambitions politiques pour briguer un troisième mandat qui passe nécessairement par la révision de la Constitution. C'est une piste. Bien évidemment, compte tenu des traditions du système, rien ne filtre publiquement de ces luttes réelles ou supposées au sein du système que certains analystes croient déceler à travers les déclarations et les messages codés de hauts responsables de l'Etat. Avant que la cause ne soit entendue et que le Président tranchât le débat en annonçant sa décision de tenir un référendum avant la fin de l'année, il y eut des déclarations à rebrousse-poil de la part de représentants du gouvernement, dont celle de l'ancien chef du gouvernement, M. Ouyahia, qui répétait à l'envi qu'il ne voyait pas la nécessité de réviser la Constitution. Mais depuis que le président de la République a levé le doute sur cette question, tout ce beau monde qui avait un avis sur le sujet est rentré dans les rangs. Loin de mettre fin aux spéculations qui alimentent les débats autour de ce projet, le report sine die de la date du référendum qui semble établi après les déclarations de Zerhouni qu'il ne viendra à l'idée de personne de croire qu'il parle en son nom personnel, d'abord compte tenu de ses responsabilités, ensuite de ses liens avec le président de la République, ne fait qu'obscurcir les horizons du champ politique. Il reste cette hypothèse tout aussi probable également qui consisterait à s'interroger si le jeu politique n'est pas toujours entre les mains de Bouteflika, contrairement aux lectures que l'on fait ici et là sur l'absence de visibilité dans la conduite du chantier du référendum constitutionnel. En effet, après tout, le mandat de Bouteflika court jusqu'en avril 2009, pourquoi alors s'empresserait-il de réviser la Constitution aujourd'hui si le but recherché comme on le lui prête est de changer la disposition constitutionnelle sur le nombre de mandats. Il a tout le temps devant lui pour le faire. D'un autre côté, s'il fait l'impasse sur ce dossier de la révision constitutionnelle alors que le pays entre dans une phase de renouvellement de ses institutions élues avec les élections locales et législatives prévues pour l'an prochain, cela donnera du grain à moudre à ses détracteurs qui le suspectent de vouloir jouer la carte de la révision constitutionnelle pour assouvir des ambitions strictement personnelles de pouvoir. Il y a là, en effet, pour le président Bouteflika une opportunité politique majeure, à la veille du renouvellement du Parlement et de la mise en place de la nouvelle législature qui pourrait constituer une occasion privilégiée pour ouvrir le chantier tant promis de la refondation de l'Etat algérien à travers une redéfinition de la nature de son système politique.