Après Wassiyatou al maatouh (le serment du fou) publié en 2013, Ismail Yabrir revient cette année avec le roman Mouala al hira (le maître de la tourmente) paru aux éditions El Hibr à Alger. Ismaïl Yabrir était parmi les invités des 8es Rencontres euromaghrébines des écrivains. - Mouala el hira porte un titre curieux. Quelle est la trame de ce nouveau roman ? Il s'agit d'une suite narrative. C'est le roman de plusieurs générations. L'histoire se déroule sur soixante ans, débute avec la guerre de libération et se termine en 2013. Ce roman clot mon travail romenesque sur l'esthétique du lieu, le quartier populaire El Graba à Djelfa. Pour moi, le lieu est absent dans le texte littéraire algérien alors que notre identité y est liée. Bachir El Dili est le personnage central du roman. C'est un poète, intellectuel de gauche, qui a toujours travaillé pour présenter des textes poètes distingués mais n'a rien écrit jusqu'à la fin de sa vie. Il a perdu tous ses amis de gauche. - Cela paraît comme une forme de procès pour la gauche algérienne… Oui. Une gauche qui nous a menés nulle part et qui a arrêté son action trop tôt. Mais il faut dire que la faillite est partagée par plusieurs courants de pensée en Algérie. Il est venu le temps de s'intéresser au discours de la faillite. Les amis gauchistes de Bachir ont changé de cap et sont devenus bourgeois. Bachir a échoué même au sein de sa famille puisque son épouse a choisi de devenir soufie, un an seulement après le mariage. Le personnage de Bachir me permet de donner une vision sur l'histoire de l'Algérie. Maoula al hira clôt un projet littéraire. C'est le fruit de cinq ans de réflexion et d'écriture. J'envisage de me lancer dans un autre ouvrage. Et je viens de publier un recueil de poèmes aux éditions égyptiennes El Aïn, Oussali ghorbati bi difii al rokham (J'amuse mon éloignement par la chaleur du marbre). Je voulais célébrer la poésie pour dire qu'il n'existe pas de conflit entre la poésie et le roman. Certains écrivains arabophones pensent que tous les poètes veulent devenir romanciers ! Je regrette qu'il n'existe pas d'espace dédié uniquement à la poésie au Salon international du livre d'Alger. - On comprend mieux pourquoi le personnage central de votre roman est un poète… Voilà. C'est une manière d'évoquer les souffrances quotidiennes d'un poète. Maoula al hira est un roman qui dénonce la situation actuelle de l'Algérie et interroge l'histoire. Dans le roman, il y a un conflit entre deux romanciers de générations différentes. Cela dit, je ne crois pas à l'existence de ce genre de conflit. Ce qui m'intéresse est la forme et le genre de l'écriture elle-même. Les grands écrivains dans le monde sont éternels, n'ont pas d'âge ni de génération. Neruda ou Umberto Eco sont immortels. La problématique de l'âge ou de la génération est mise en avant chez nous en raison de la pauvreté intellectuelle et de la course pour se mettre en avant, apparaître. Pour moi, l'écriture est essentielle. Enfant, j'ai écrit et conçu des contes que mon père, qui travaillait dans le sud du pays, n'a pas pu m'acheter. Je n'ai pas cessé d'écrire. C'est la chose que je maîtrise le mieux dans la vie. Et, c'est pour cette raison que j'ai choisi de devenir journaliste, pour ne pas m'éloigner de l'écriture. Sans écriture, je serais un chômeur qui ne sait rien !