Il l'a fait ! Contre le vent des sondages, contre les votes et les vœux secrets de «l'establishment», Donald Trump a battu Hillary Clinton à plate couture. Après le «YES WE CAN» d'Obama, voici donc le «MAKE AMERICA GREAT AGAIN» du président décoiffé qui flotte au-dessus de la Maison-Blanche. «Rendre à l'Amérique sa grandeur» : le compte à rebours a déjà commencé… Devant ses supporters, au Hilton Midtown Hotel, à New York, M Trump a bredouillé un speech qui se voulait rassembleur. Faux raccord : parmi la foule (famille, staff, spin doctors, équipe de campagne, sénateurs…) qui se dressait à ses côtés sur la scène, aucun Black, Hispanique ou Asiatique. Baltimore. Troisième et dernière étape de notre périple américain. Nous y avons débarqué en fin de journée le mardi 27 septembre. Nous avions quitté tôt le matin notre hôtel à Pasadena pour rejoindre LAX Airport, l'aéroport international de Los Angeles. Vol à bord de la compagnie Southwest à destination de celle que l'on surnomme «Charm City», au nord-est des Etats-Unis. Le vol avait duré quasiment cinq heures, sans escale cette fois. Ici, le temps est nettement plus frais qu'à Los Angeles. D'ailleurs, tout au long de notre séjour dans cette métropole portuaire, nous n'avons pas vu un seul rayon de soleil tant il n'a pas cessé de pleuvoir. Baltimore est la plus grande ville de l'Etat du Maryland et l'un des ports les plus importants de la côte Est. C'est le patelin d'Edgar Allan Poe, de Dashiell Hammett et de Franck Zappa. Mais malgré ces noms clinquants, malgré son Museum of Art et sa collection de 90 000 œuvres, son Visionary Art Museum, sa Phoenix Shot Tower, son National Aquarium sur le Inner Harbor qui constitue l'une des plus surprenantes attractions touristiques de la ville, malgré son International Black Film Festival, son Maryland Deathfest, plus grand festival de death metal du pays, malgré ses nombreux centres de recherche, son université Johns-Hopkins, l'une des mieux classées à l'échelle mondiale, ou encore son Space Telescope Science Institute qui traite les données envoyées par le fameux télescope spatial Hubble, malgré tous ces atouts et bien d'autres, Baltimore reste victime de sa triste réputation de ville rongée par la violence et ne semble devoir son apparition dans les médias mainstream que pour ses émeutes urbaines et ses records d'homicides. Et les statistiques n'arrangent pas vraiment son cas avec près d'un meurtre par jour enregistrés en 2015. La mort violente de Freddie Gray et l'insurrection de 2015 Le nom de Baltimore est forcément associé également aux émeutes du printemps 2015 suite à l'affaire Freddie Gray. Elles avaient pris une telle ampleur que le Time les avait considérées comme un remake des manifestations qui avaient ébranlé la ville en avril 1968 après l'assassinat de Martin Luther King. Freddie Gray, un citoyen afro-américain de 25 ans, était décédé le 19 avril 2015 des suites de fractures des vertèbres cervicales une semaine après son arrestation. La brutalité policière qu'il avait subie avait d'emblée été citée comme étant à l'origine du décès, thèse appuyée par la procureure de l'Etat du Maryland, Marilyn J. Mosby, qui avait conclu à un «meurtre au deuxième degré, homicide involontaire et mauvaise conduite», en accusant clairement les policiers qui l'avaient interpellé. Le climat insurrectionnel dans lequel était plongée la ville dans la foulée des funérailles de Freddie Gray, transformant Baltimore en un véritable champ de bataille, a obligé Barack Obama à condamner ces violences raciales en pointant du doigt le comportement de la police. «Nous avons vu beaucoup d'interactions entre la police et des personnes, surtout des Afro-Américains, souvent de milieux pauvres, qui soulèvent des questions troublantes», avait-il déclaré avant d'exhorter le corps de la police à faire son examen de conscience et revoir ses méthodes labellisées «tolérance zéro». «Les communautés noires et les autorités doivent effectuer une réflexion car plusieurs cas ont défrayé les manchettes où des jeunes sans arme ont été tués», assénait le Président sortant. Jonathan Gross est épidémiologiste et «disease detective» (littéralement : enquêteur médical). Il opère au sein de l'Office of Youth Violence Prevention (service de prévention de la violence juvénile) relevant du Département de la Santé de la ville de Baltimore. Nous l'avons rencontré par le biais du World Trade Center Institute qui a géré l'ensemble de notre programme à Baltimore. Le service où travaille Jonathan Gross a été spécialement créé pour prendre en charge les violences massives qui ravagent la ville et les traiter comme une «affaire de santé publique». «Aujourd'hui, la violence doit être abordée comme un maladie», souligne M. Gross en nous livrant quelques éléments de stratégie pour affronter cette «épidémie». 23% au-dessous du seuil de pauvreté L'exposé de Jonathan commence par un amical «A-s-salaam Alaikum» qui ouvre sa présentation par data show. Notre hôte nous gratifiera ensuite d'un t-shirt barré d'un slogan qui résume l'esprit du service qu'il dirige : «STOP SHOOTING, START LIVING» (Arrêtez de tirer, commencez à vivre). L'épidémiologiste nous donne d'emblée quelques chiffres-clés. «Baltimore compte à peu près le même nombre d'habitants que la ville d'Oran, chez vous, soit environ 622 000 âmes», se lance-t-il. «La population de Baltimore est composée de 63% de Noirs, 32% de Blancs et 5% d'origine hispanique», détaille-t-il. Autre statistique édifiante : 23% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, soit quasiment le quart de la population. Concernant le niveau de la criminalité, l'expert avance le chiffre de 344 homicides recensés à Baltimore en 2015. 133 de plus qu'en 2014. Baltimore vient ainsi en troisième position dans ce triste registre après Chicago, avec 488 homicides en 2015, et New York qui a enregistré 352 meurtres la même année. Jonathan ajoute que 393 personnes ont succombé à une overdose à «Charm City» durant l'année écoulée. Jonathan Gross estime qu'au vu du rythme de propagation de la violence, «ce phénomène est tout à fait similaire au mode d'évolution d'une épidémie», dit-il. «Avant 2014, on était à 200 homicides/an à Baltimore. Depuis, nous avons franchi la barre des 300 homicides», indique l'épidémiologiste. Comment traiter cette «épidémie de violence ?» L'urgence pour commencer, explique M. Gross, est de juguler la fièvre des «shootings» (les fusillades) qui s'empare de «néo-cow-boys» urbains à la gâchette facile en lançant une opération baptisée «Safe streets» (des rues sûres). «Traiter la violence comme une maladie contagieuse» La stratégie suivie en l'occurrence repose sur une approche apparue aux Etats-Unis au début des années 2000 et qui s'appelle «Cure violence model». Ce modèle se base sur les travaux de Gary Slutkin, médecin épidémiologiste de Chicago, qui remet en cause l'approche de la violence par la punition et préconise de la traiter comme une «maladie contagieuse» en soutenant qu'on peut la soigner socialement. Il fonde en 2000 une organisation appelée Cease Fire (Cessez-le-feu) qui devient par la suite «Cure Violence» (voir : http://cureviolence.org/). Dans une étude intitulée La machine de la violence. Etude sur l'agression et la violence dans la jeune société américaine (Université de Genève, août 2013), Ruben Levy, de la faculté de médecine de l'université de Genève, revient sur l'expérience initiée par le professeur Slutkin : «Face à cette effrayante ‘‘épidémie'', écrit-il, Gary Slutkin, médecin épidémiologue à l'Université de l'Illinois, à Chicago, décide à son niveau de repenser les fondations du modèle de prévention de la violence basé sur les notions de répression et de punition». L'organisation Cure Violence, anciennement dénommée CeaseFire, a ainsi été créée avec le clair objectif de «diminuer la violence» par des méthodes de résolution de conflits. Le professeur Slutkin explique que «la violence se répand d'une personne à une autre comme une grippe. C'est ce qui arrive dans ces quartiers, dans les gangs, à l'école, dans une guerre civile, et dans beaucoup d'autres formes. Cure Violence repose donc sur les principes de prévention d'une épidémie : repérer les cas, éviter qu'ils ne se propagent, identifier les personnes tierces ayant été au contact de ces violences, et finalement changer les comportements.» Toutes ces étapes sont prises en charge par «une nouvelle catégorie de travailleurs» appelés par l'organisation les interrupteurs de violence. Ces modérateurs connaissent mieux que quiconque la violence ». Et de citer le témoignage saisissant de l'un de ces «pacificateurs» ou «violence interrupters» qui raconte : «Nous sommes tous le produit de la violence des quartiers. Nous avons tous commis des délits et des crimes plus ou moins graves quand nous étions jeunes et nous étions presque tous en prison plus ou moins longtemps. Certains ont commis des vols, certains ont menacé des personnes, d'autres en ont tué. On sait comment ça se passe ici. On sait comment des jeunes peuvent en venir aux armes juste pour une provocation, un regard de travers, un geste mal placé. La situation s'envenime très vite. Et c'est parce qu'on a vécu ça que les jeunes nous font confiance... ou nous respectent... je ne sais pas trop.» «Baltimore est trop divisée» C'est donc le même protocole que s'attache à appliquer le Service de prévention de la violence des jeunes à Baltimore. Pour cela, il est fait appel, nous dit Jonathan, à des «crédibles messengers», des «messagers crédibles» sollicités pour jouer les médiateurs en vue de ramener la paix dans les quartiers chauds de la ville. D'ailleurs, Jonathan a pris le soin d'inviter à notre rendez-vous deux acteurs de la société civile locale, Kimberly Lagree et John Comer, qui travaillent avec les communautés des quartiers défavorisés de Baltimore. «Il y a des gens qui souffrent, des familles détruites», soupire Kimberly qui est membre d'une paroisse très active dans le domaine social. Kimberly insiste sur le rôle des leaders religieux des communautés pour servir de médiateurs. «Les gens écoutent mieux les community leaders que la police», fait-elle remarquer. Notre médiatrice estime que les églises, les mosquées et autres institutions religieuses doivent s'impliquer davantage dans la vie quotidienne des citoyens. «Il ne faut pas se cantonner uniquement dans la religion», lâche-t-elle. Elle constate avec amertume : «Baltimore est trop divisée : Blancs/Noirs, Juifs/Musulmans, et même les Chrétiens se déchirent entre eux.» Pour illustrer la démarche qui est la sienne, Kimberly cite une action qu'elle a initiée au lendemain de l'assassinat de Lor Scoota, un rappeur tué par balle le 25 juin 2016. «Après les funérailles, on a ramené un DJ, on a distribué de la nourriture, on a offert des repas… C'était pour occuper l'esprit des gens par des choses positives», explique-t-elle. «Vivre au-delà de 25 ans» Un centre de prévention de la violence juvénile a été également mis en place sous la houlette de la célèbre Johns-Hopkins University. Fondée en 1876, c'est l'une des plus anciennes universités américaines. Le Center for the Prevention of Youth Violence (CPYP) est l'un des six centres d'excellence financés par le US Centers for Diseases Control and Prevention (qui forment la principale agence fédérale de santé publique aux Etats-Unis). Le docteur Philip J. Leaf est le directeur de ce centre. Il nous reçoit dans son service en compagnie d'un officier du Département de la police de Baltimore, Chief Melvin Russell, chargé de la Community collaboration Division qui s'occupe principalement du travail de proximité auprès des quartiers et des communautés de la ville. Le professeur Leaf a également invité un imam, Earl El Amin, du Muslim Community Cultural Center of Baltimore, pour nous parler du travail qu'il effectue auprès de la communauté musulmane. C'est que le professeur Leaf est lui aussi convaincu de la nécessité de travailler avec les leaders des communautés et les chefs de quartier pour endiguer la violence à Baltimore. Il est obligé de constater que la ville connaît «l'un des plus hauts niveaux de violence, pas seulement aux Etats-Unis mais dans le monde». Dans les quartiers difficiles de Baltimore, «des gens ne savent pas s'ils vont vivre au-delà de 25 ans car ils ont des proches, des amis, des oncles, des tantes, qui ont connu une mort violente», dit-il d'un ton grave. Il cite dans son diagnostic les nombreux cas de victimes d'actes de vengeance (vendetta) qui viennent allonger les statistiques des morts brutales. Et de s'interroger : «Pourquoi tant de violence à Baltimore ?» Esquisse d'une réponse : «Les gens qu'on regarde comme criminels n'ont pas de self-control, ils font du mal et ils sont en réalité victimes de leur condition.» Philip Leaf met l'accent dans la foulée sur les difficultés qu'éprouvent beaucoup de personnes à «avoir accès à un emploi qui leur permettrait de vivre dignement». Ils ne se comptent pas ceux qui ne jouissent pas non plus de couverture sociale et n'ont pas accès aux soins (health care), pointe-t-il encore. Pour lui, lutter contre la violence «revient à avoir une bonne image de soi, une chose que les gens qui versent dans la violence perdent». Et cette précarité profonde n'est pas faite pour restaurer leur dignité et «l'estime de soi». Persuadé que la prévention commence par la base, c'est-à-dire l'enfance, le professeur Leaf évoque le travail effectué par ses collaborateurs au niveau des écoles pour assister les élèves traumatisés par les violences dont ils ont été témoins. «A l'école, vous avez des élèves qui vivent des traumatismes terribles et qui vont avec ça en classe. Un gamin te dit : ‘‘Hier, un type est entré chez nous et a tué mon beau-père''. D'autres assistent à l'arrestation de leurs proches pour trafic de drogue. Tout le monde est exposé au choc. A l'université, c'est pareil. Comment te concentrer sur tes devoirs scolaires avec ça ?» se désole M.Leaf. «Parfois, les jeunes utilisent la drogue comme automédication (self-medication)», poursuit-il. Cette situation a poussé notre professeur à mettre en œuvre un programme en direction des lycées les plus touchés par ces phénomènes afin de venir en aide aux élèves vulnérables. Philip en est convaincu : l'école est l'endroit le plus indiqué pour tirer l'enfant de l'engrenage de la violence. «L'école lui donne espoir, développe en lui le sentiment qu'il peut faire ce qu'il veut», dit-il en ajoutant que «beaucoup de jeunes n'ont pas de père alors nous faisons en sorte qu'ils aient un mentor» afin de l'intégrer dans une relation positive. «La police est devenue une partie du problème» L'un des écueils majeurs soulevés par Philip Leaf dans la lutte contre la violence à Baltimore est le manque de coopération des habitants, lui-même symptôme d'une profonde cassure avec le corps de la police. Dès lors, le rétablissement du lien cassé entre les jeunes et la police est un vrai challenge pour les autorités de la ville. «Jusqu'à tout récemment, dans les centres urbains, les pratiques de la police étaient une partie du problème plus que la solution, surtout pour les jeunes», déplore Philip. Pour pallier ce déficit de confiance, la solution, préconise le directeur du Centre de Prévention de la Violence Juvénile, est le recours à des «peacemakers» comme il les appelle, des «faiseurs de paix», dont des leaders religieux. «On associe dans notre action les membres du clergé et des chefs de quartier», dit-il. C'est précisément le rôle de l'imam El Amin. Les personnalités musulmanes comme lui sont très sollicitées à Baltimore, d'autant plus que les prisons pullulent de «Black muslims ». L'imam Earl El Amin indique que la ville compte différentes sous-communautés d'obédience musulmane : «On a des Afro-Américains, on a des migrants afghans, turcs, pakistanais, malais, on a des gens originaires d'Arabie Saoudite, de la Côte Ouest de l'Afrique…», énumère-t-il. Et de lancer avec fierté : «Je fais partie de la communauté qui a engendré Malcolm X et Mohamed Ali.» «Nous luttons pour la justice, la liberté et l'équité», tonne-t-il. L'intervention de son organisation dans les quartiers prend des formes diverses : «On distribue des denrées alimentaires aux pauvres, on prodigue des conseils aux gens, on offre un refuge aux sans-abri, et on essaie surtout de créer des zones de sécurité (safes zones) pour les enfants». «On travaille avec des musulmans mais aussi avec des chrétiens et des juifs, main dans la main», précise l'imam. L'organisation qu'il représente édite également un journal dont il nous offre quelques exemplaires : Muslim Journal qui existe depuis octobre 1975. «On est pleinement associé dans la construction de la société américaine, on a des juges musulmans, des membres du Congrès, des officiers de police musulmans», se félicite-t-il. Et de rappeler l'épisode de la visite du président Obama à la mosquée de Baltimore. «Il a rencontré les chefs religieux de notre communauté», s'enthousiasme-t-il. Philip, qui écoute attentivement les explications de l'imam El Amin, lui emboite le pas en disant : «Le challenge pour nous, c'est de trouver des jeunes leaders qui écoutent les vieux leaders.» «Les Noirs ont le choix entre la prison et le cimetière» Ayant plus de 20 ans de métier à son actif, le lieutenant-colonel Melvin T. Russell a fait tout son service à Baltimore, sa ville natale. C'est dire qu'il connaît Charm City comme le fond de sa poche, et tout particulièrement la communauté afro-américaine dont il est issu. «Aux Etats-Unis, la plupart des gens croient qu'on vit dans le plus grand pays du monde, avec une belle diversité, une forte tradition liée à l'immigration. La vérité est qu'il y a encore de la ségrégation dans ce pays», avoue-t-il avant de poursuivre : «Baltimore, c'est la ville qui eu le plus grand nombre d'esclaves affranchis. Hélas, il y a toujours de la discrimination. Pour l'accès au logement, à l'emploi, à l'éducation, il y a toujours un fossé entre les Blacks et les autres.» Il ajoute : «Il y a 270 quartiers (neighborhoods) à Baltimore dont certains sont très pauvres, surtout dans les quartiers afro-américains. Et vous avez des quartiers riches dominés par les Blancs». Il affirme par ailleurs que «la majorité de la population carcérale sont des Noirs». Melvin Russell signale aussi les problèmes liés à la drogue. «La drogue fait des ravages. Elle est distribuée et consommée essentiellement par des Noirs. Cela montre la dislocation de la communauté noire», dit-il. «Dans certains cas, le père de famille devient dealer. Il habite dans un logement précaire alors il verse dans le trafic de drogue pour subvenir aux besoins de sa famille.» Dans la foulée de son exposé, l'officier rapporte que «beaucoup de gamins ne savent pas qui est leur père». Et de lâcher : «A Baltimore, les Noirs ont le choix entre la prison et le cimetière !» «Il y a trop de meurtres, cela devient presque un génocide», fulmine-t-il. «Des vétérans de la guerre d'Irak sont devenus des flics» Le chef de la Community Collaboration Division n'a pas manqué de mentionner quelques-unes des initiatives entreprises par son équipe pour ramener la paix dans les quartiers endeuillés de Baltimore. Parmi celles-ci : le soutien apporté aux jeunes n'ayant pas un casier judiciaire «clean» pour se faire embaucher en se portant garant de leur probité. «Les gens ont besoin d'un travail, d'un logement, ils ont besoin de se nourrir. S'ils ne le font pas légalement, ils le feront illégalement, alors on essaie de leur créer des opportunités d'emploi», argue-t-il. L'officier de police s'évertue par ailleurs à convaincre les anciens «gangs members» qui ont décroché de collaborer avec ses services. «On a même organisé des réunions entre des chefs d'entreprise et des membres de gangs en détention qui intervenaient par Skype depuis la prison. Les patrons leur promettaient de leur offrir un job dès leur libération à condition d'avoir une bonne conduite et d'aller au bout de leur programme de réhabilitation», affirme-t-il. Dans son action, Melvin Russell mise beaucoup sur l'engagement des femmes et des hommes de foi. «Nous associons les représentants de toutes les religions», clame-t-il. «On forme des chapelains pour nous aider à restaurer la paix dans notre société. Ils nous permettent de développer une meilleure relation avec la population. On a aussi des rabbins et des imams qui nous aident auprès de leurs communautés respectives», assure M. Russell. Ce que confirme l'imam El Amin, avec, à la clé, ce témoignage flatteur : «M. Russell a vécu toute sa vie à Baltimore. Il connaît les gens, il connaît les quartiers. Il est apprécié par tout le monde. Ce n'est pas le cas de tous les policiers. Parfois, vous voyez débarquer des vétérans de la guerre d'Irak et d'Afghanistan qui se sont convertis en flics. Ils ne connaissent pas la ville et se conduisent d'une façon brutale et arrogante.» Melvin Russell reconnaît : «La relation avec la population s'est brisée. Quand la police veut obtenir des informations sur certains criminels ou ceux qui versent dans le trafic de drogue, les gens ne coopèrent pas. Même quand ils connaissent les auteurs de ces crimes, ils ne les dénoncent pas à la police.» Des propos qui attestent de ce rapport de méfiance et de défiance relevé tantôt par le Dr Leaf. Le représentant du Département de la police de Baltimore fait un constat sans complaisance en reconnaissant les dérapages d'une partie de ses collègues. «Les policiers ont perdu toute compassion, toute empathie. En principe, la police est là pour servir le citoyen, le protéger, mais durant ces dernières années, on a perdu cela. La police n'avait plus de respect pour notre communauté et se rendait coupable de mauvais traitements», dénonce-t-il. Melvin nous fait part au passage des sentiments contradictoires qui l'habitaient pendant longtemps, tiraillé qu'il était entre la noble mission qu'il pensait être la sienne et la difficulté de porter un insigne et un uniforme aussi décriés. «A un moment donné, j'étais très déprimé, j'étais sur le point de quitter ce job», confie l'officier. «Aujourd'hui, mon but est de servir ma ville et de contribuer à y instaurer l'égalité et la justice», proclame-t-il. Si la violence anti-Blacks qui met en cause la police n'a guère baissé sous la présidence Obama, le sera-t-elle sous l'ère Trump ? Rien n'est moins sûr…The end.