Comme déjà annoncé, une réunion regroupera aujourd'hui les chefs de service d'oncologie des centres anticancer avec la direction de la pharmacie, les pharmaciens de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) et le pharmacien du réglementaire au ministère de la Santé afin de trancher définitivement la question relative à l'interchangeabilité du médicament Herceptin du laboratoire Roche avec le biosimilaire CanMab de Biocon, importé par le laboratoire turc Abdi Ibrahim. Une rencontre qui s'annonce houleuse vu la position des oncologues face à la proposition du ministère de la Santé d'imposer l'interchangeabilité c'est-à-dire substituer le médicament par un autre pour des patientes atteintes de cancer et ayant déjà été traitées avec l'Herceptin. Le Pr Kamel Bouzid, chef de service d'oncologie au Centre Pierre et Marie Curie, est catégorique : il n'est pas question de switcher dans les conditions actuelles. «Les patientes sont soumises à un risque potentiel immédiat à savoir une anaphylaxie. Il y a aussi le risque que ce ne soit pas un traitement efficace avec l'apparition d'anticorps qui peuvent s'attaquer à la molécule», a expliqué le Pr Bouzid, qui signale que ce bio- similaire «est déjà utilisé chez les nouvelles patientes et nous avons été confortés par l'étude présentée au Congrès américain d'oncologie, l'ASCO, en juin 2016 prouvant qu'il n'était pas inférieur à l'Herceptin et que nous utilisons en néo adjuvant (avant l'intervention chirurgicale), en adjuvant et en métastatique». Néanmoins, l'oncologue rejette l'idée de mettre les anciennes patientes sous ce biosimilaire : «Il est admis à l'échelle universelle qu'il n'y a pas d'interchangeabilité en oncologie. Ce n'est pas parce qu'un médecin français est venu présenter l'étude norvégienne, qui ne parle pas de cancer, qu'on doit le suivre. L'interchangeabilité en oncologie n'est appliquée ni en France ni ailleurs. L'étude norvégienne dont on parle ne concerne que les produits utilisés en rhumatologie. Elle est donc permise en Europe et elle le sera d'ici la fin de l'année au Etats-Unis seulement pour ces produits.» Le Pr Bouzid rappelle que «cela fait 7 ans qu'on demande la mise en place d'une réglementation régissant ces produits biosimilaires». «Nous avons déjà prévenu le ministère de la Santé en lui signalant que ce biosimilaire n'est ni un générique ni une copie. Il ne peut être considéré comme biosimilaire qu'une fois la réglementation régissant cette catégorie de produits mise en place en Algérie.» Il est également exigé, a-t-il ajouté, que la prescription de ce médicament ne se fasse que sur le nom commercial et non pas sur la dénomination commune internationale (DCI) et seuls les nouveaux patients, que ce soit pour le cancer du sein métastatique ou le cancer gastrique métastatique sur-exprimant Her2, pourront en bénéficier. «Maintenant que la PCH veut forcer la main aux hôpitaux pour se débarrasser d'un sur stock de ce biosimilaire, cela n'est pas notre problème. J'ai effectivement renvoyé un quota de ce produit à la PCH car je n'en ai pas besoin pour le moment. Il est regrettable de voir que l'avis des oncologues et des pharmaciens n'a pas été pris en compte lorsqu'ils ont décidé d'acheter ce médicament, pourtant les pharmaciens hospitaliers du CPMC d'Oran et de Tizi Ouzou ont prévenu la direction de la pharmacie et la PCH sur la qualité et la quantité», a-t-il précisé. Et de signaler que la PCH devait livrer hier environ 4000 flacons d'Herceptin au CPMC. Les autres centres, avons-nous appris, seront également approvisionnés progressivement puisque l'intégralité de la commande de la PCH auprès du laboratoire Roche, c'est-à-dire 30 000 boîtes, a été livrée. «Cette rupture est principalement liée à la gestion bureaucratique que connaissent nos institutions. La lettre de crédit n'a été signée qu'il y a quelques semaines. Le problème de l'indisponibilité dure depuis plus de six mois», nous confie une source. Il est aussi important de signaler que la PCH a commandé 51 000 boîtes du biosimilaire CanMab, dont 50 000 ont déjà été livrées et la durée de vie de ce produit est de 24 mois et la date de péremption des derniers lots est octobre 2017. Ce qui pousse, sans doute, les responsables de la PCH à écouler ce stock qu'ils risquent d'avoir sur les bras. L'idée d'acheter un médicament à bas prix risque d'être payée chèrement lorsque que l'on ne prend pas ses devants.